Un Congrès HLM «moins anxiogène», mais qui ne règle rien

La nouvelle ministre Valérie Létard a clôturé l’événement ainsi : « Le logement doit être reconnu comme une priorité nationale. » Confrontés à un mur d’investissements, les bailleurs sociaux doivent se contenter de ces mots rassurants. Il est trop tôt pour obtenir du concret de la part d’un gouvernement à peine constitué.

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La ministre du Logement Valérie Létard prononce le discours de clôture du Congrès HLM 2024, le 26 septembre au Parc des expositions de Montpellier.
La ministre du Logement Valérie Létard prononce le discours de clôture du Congrès HLM 2024, le 26 septembre au Parc des expositions de Montpellier.

Après les selfies au milieu des congressistes, le grand discours. « Le logement doit être reconnu comme une priorité nationale », assure la nouvelle ministre du Logement Valérie Létard, en clôture du Congrès HLM le 26 septembre.

Aux premiers rangs de la salle plénière du Parc des expositions de Montpellier, les acteurs du logement social, de Jean-Paul Jeandon pour le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) à Olivier Salleron pour la Fédération française du bâtiment (FFB), la fixent.

« J’aurai besoin de vous parce que cette aventure est collective », leur déclare-t-elle. A l’heure de la rigueur budgétaire, il faudra « se battre ensemble et montrer qu’il y a des priorités au Premier ministre et au gouvernement », insiste-t-elle.

Pour la première fois depuis 2017, le nouvel exécutif a opté pour un ministère du Logement de plein exercice. Un gadget ? Non, « un moyen de trouver plus d’outils (…) plus d’actions avec les administrations pour construire » les conditions du rebond, promet-elle. « 2026, c’est demain », ajoute-t-elle.

L’année des élections municipales ? Ambitieux, jugent les professionnels rencontrés par « Le Moniteur » dans les allées du salon. Ils envisagent plutôt une sortie de crise à partir de 2027, à l’image de Yannick Borde, président du réseau Procivis : « Le rebond sera beaucoup plus lent que la chute. »

Baisse du taux du Livret A

Et pour le long terme ? Pas question de renoncer aux engagements climatiques. « Il faut se préparer au réchauffement à 4 degrés », martèle Valérie Létard, s’inscrivant dans la continuité de Christophe Béchu, ancien ministre de la Transition écologique.

Les bailleurs sociaux seront au rendez-vous, selon Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH) : « Si vous voulez tenir l’engagement de la France en termes de décarbonation et de sobriété foncière, vous devez compter sur le mouvement HLM. » Message adressé à Valérie Létard.

En attendant les premières annonces de la sixième ministre du Logement depuis 2017, Marcel Rogemont, président de la Fédération des offices publics de l’habitat (FOPH), espère une chose : « Qu’elle le reste si possible plus de deux ans, car pour appréhender le logement, il faut du temps. »

Sur fond de léger recul des taux, qui ne profite pas encore aux promoteurs et constructeurs de maisons individuelles, les bailleurs sociaux ont « besoin de la baisse du Livret A au 1er février prochain, de 3% à au moins à 2,5% », affirme Valérie Fournier, présidente des Entreprises sociales pour l’habitat (ESH), consciente « qu’il n’y aura pas de grand soir de la dépense publique » avec le gouvernement Barnier.

Alerte sur l’autofinancement des organismes HLM

Pour redresser ses finances, « l’Etat a intérêt à utiliser la capacité à faire en construction, rénovation et accompagnement des locataires », poursuit-elle. A condition de « nous redonner des marges de manœuvre », en commençant par la suppression de la Réduction de loyer de solidarité (RLS), qui grève - depuis 2018 - les recettes annuelles des bailleurs sociaux de 1,4Md€. Chez les Coop’HLM, qui gèrent un patrimoine de 200 000 logements sociaux, la RLS représente 35M€ par an, soit un tiers de leur autofinancement. Chez les ESH, qui en détiennent treize fois plus : 500M€. Autant de millions en moins pour réhabiliter et agrandir le parc social...

« La RLS est un prélèvement délétère pour notre secteur et à courte-vue pour les finances publiques, déclare Emmanuelle Cosse, dans son discours de clôture. Nous continuons donc de demander sa suppression. » Applaudissements en salle plénière.

Carole Debras, directrice du pôle d’expertise économique et financière de la FOPH, sonne l’alerte : « En 2023, le niveau d’autofinancement des bailleurs sociaux avait représenté 4 points en moins par rapport à 2024. Cette année, ce sera pire. Selon nos premières remontées d’informations, beaucoup de bailleurs vont se déclarer en déficit ou n’auront plus de résultat. Or, l’autofinancement génère les investissements de demain, alors que nous sommes face à un mur d’investissements. »

Outre le sujet du manque de fonds propres des organismes HLM, qui fait l’unanimité jusqu’à leurs partenaires promoteurs ou architectes de l’Alliance pour le logement, une autre bataille est à mener dès maintenant : « Le gel des crédits sur la rénovation peut être réexaminé », croit Valérie Fournier. Le rabotage décidé cet été par l’ancien exécutif portant sur les 400M€ inscrits dans la loi de finances 2024 risque de « ralentir la décarbonation du parc social », confirme Marcel Rogemont, rappelant que 250M€ de l’enveloppe annuelle pourrait servir à renflouer les caisses de l’Etat.

Au sein du monde HLM et de l’Alliance pour le logement, des désaccords existent sur la situation des finances publiques. « Contrairement à Emmanuelle Cosse, je pense qu’on ne peut pas l’ignorer », explique Yannick Borde, président de Procivis, qui fait partie des deux mouvements, comme l’USH présidée par l’ex-ministre. D’où son idée de « hiérarchiser les mesures » qui font consensus, puis d’estimer les dépenses et anticiper les recettes pour l’Etat, afin de convaincre Matignon et Bercy mais aussi la nouvelle Assemblée nationale.

Baisse des achats en bloc aux promoteurs

« Chez les députés, il y a un consensus sur la crise du logement et la nécessité de prendre des mesures urgentes », positive Yannick Borde. Pour l’élu Horizons de la Mayenne, « le bloc central ne s’opposera pas » aux principales solutions de l’Alliance pour le logement, « le bloc populaire en demandera plus mais votera pour » et « le bloc RN commence à comprendre que les citoyens ont besoin d’un accompagnement ».

De son côté, Fabrice Aubert, directeur général adjoint de Nexity, chargé du client institutionnel, c’est-à-dire les bailleurs professionnels, publics ou privés, s’est fait une raison : « Il n’y aura pas d’efforts de la part de l’Etat pour rallumer nos réacteurs quasiment éteints : l’investissement locatif et le marché des accédants. »

Contexte : le numéro un de la promotion résidentielle et de la vente en bloc anticipe en 2025 une baisse d’au moins 10% du nombre de logements commandés par les bailleurs sociaux et intermédiaires, Action Logement et CDC Habitat en tête, par rapport à cette année. « Ils ont beaucoup consommé de ressources en 2023 et 2024 pour soutenir les promoteurs et la production de logements sociaux », rappelle-t-il.

Nexity fait partie des 33 promoteurs qui ont signé au Congrès HLM « une convention de partenariat dans l’objectif de soutenir la reprise de l’activité économique du secteur du logement abordable et de favoriser ainsi le parcours-logement des salariés », avec Action Logement, le Pôle Habitat FFB et la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Cet accord illustre le foisonnement de cette 84e édition, où les initiatives en faveur de l’adaptation des logements, la décarbonation de la construction ou encore la continuité numérique des données n’ont pas manqué.

« Les collectivités ont les moyens financiers et politiques »

Vincent Lourier, directeur de la fédération des Coop’HLM, a noté « une affluence importante dès le premier jour » du congrès, traduisant « un besoin d’échanger et un esprit de responsabilité » sur fond de crise du logement. « L’an passé, le climat était plus anxiogène. Le gouvernement nous tapait dessus. Nous avons désormais une ministre sincère, qui fait chaud au cœur aux organismes, fortement chahutés depuis 2017, sans que notre rôle social et économique soit reconnu », analyse-t-il.

« J’ai entendu l’anxiété des organismes, mais je ne sais pas si elle est fondée », commente de son côté Serge Bossini, directeur général de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols). Pendant ces trois jours de congrès, le secteur s’est montré « afféré, engagé, cherchant à résoudre ses équations, aux côtés de la Banque des territoires, des locataires, des collectivités », décrypte-t-il. Celles-ci ont « les moyens financiers et politiques » de construire du logement social, de le faire accepter aux habitants. « C’est ce qu’a démontré Michaël Delafosse, le maire de Montpellier, très convaincant lors de la séance d’ouverture », se souvient-il.

Le socialiste délivre sa recette : « Dans chaque programme de ZAC, nous avons imposé un tiers de logements sociaux, un tiers de logements libres et du BRS. » Résultat, « Montpellier atteint 25% de logements sociaux malgré une croissance démographique de 4000 habitants par an, assumant ainsi sa part de solidarité pour loger les femmes et les hommes de notre pays », note Michaël Delafosse.

« Les élus locaux qui sont prêts à construire ont besoin d’être soutenus. Il faudra agir sans doute sur un nouveau cadre réglementaire pour que les maires puissent maîtriser la temporalité des projets, car parfois les procédures tuent les projets », développe-t-il encore.

Avec ou sans volonté des collectivités, l’avenir des organismes HLM demeure incertain. « Il faut des subventions, des fonds propres, des exonérations fiscales, des prêts bonifiés pour construire et rénover des logements sociaux. La pérennisation du modèle économique des acteurs doit être débattue au Parlement », relève Serge Bossini.

L’enjeu post-Congrès est de « trouver des sujets sans dépenses budgétaires, comme un décret d’application de la loi sur habitat dégradé du printemps dernier », selon Yannick Borde. Autre exemple cité par Emmanuelle Cosse et Eric Lombard : les bailleurs attendent depuis des mois le décret sur le dispositif dédié à la seconde vie des logements sociaux.

Vu le contexte budgétaire, Vincent Lourier mise, lui, sur une modification de dispositifs existants : « En matière d’accession sociale, le cadre fiscal et réglementaire n’est pas pensé pour les logements rénovés. Il serait temps, trois ans après la mise en place du ZAN… »

Le directeur de la fédération des coopératives HLM, qui doit rencontrer Valérie Létard prochainement, milite aussi pour un amendement dans la loi de finances pour 2025, qui autoriserait l’acquéreur d’un logement BRS vendu par son premier occupant de bénéficier d’un prêt à taux zéro (PTZ). Cette mesure ne serait donc pas indolore pour l’Etat… « Il s’agirait d’augmenter de quelques millions d’euros les crédits d’impôts pour les banques qui distribuent le PTZ. C’est un niveau faible de dépense publique pour une efficacité sociale incontestable », appuie-t-il.

L’indécence énergétique, c’est maintenant

« L’entre-deux politique » depuis la dissolution de l’Assemblée en juin dernier, dixit Valérie Fournier, ne favorise pas la décision chez les professionnels. Il y a pourtant urgence : la France comptait 2,7 millions de ménages en attente d’un logement social ou d’un relogement à fin juin, soit 100 000 de plus en seulement six mois.

Sur le front de la rénovation, les bailleurs ne seront pas en mesure de respecter le calendrier anti-passoires de la loi Climat et résilience, qui a pour conséquence la sortie de logements du parc locatif, social et privé. Au 1er janvier prochain, quand l’indécence énergétique prendra effet, les biens G détenus par les offices se compteront par milliers, sur un patrimoine de plus de 2 millions de logements sociaux. Chez 3F, la principale ESH du groupe Action Logement, par dizaines. Même les meilleurs élèves n’y arriveront pas…

Les organismes HLM peuvent compter sur l’incontournable Caisse des dépôts. Le premier financeur du logement social leur a prêté 13Mds€ depuis janvier dernier, « soit autant que toute l’année passée », se félicite Eric Lombard, son directeur général. Ce soutien a notamment permis la construction de 77 000 HLM. L’ancien gouvernement visait une production annuelle de 100 000 unités. L’USH, elle, estime le besoin de nouveaux logements sociaux à 198 000 par an.

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