Le promoteur résidentiel Verrecchia n’échappe pas à la chute des ventes au détail qui touche toutes les régions de France. Et pour cause : ses clients historiques sont des propriétaires occupants, séduits par ses programmes en pierre de taille. Sa marque de fabrique depuis 35 ans. De la Côte d’Azur à la métropole bordelaise en passant par son fief francilien.
Son placement en redressement judiciaire s’impose au regard de sa trésorerie mal en point, en cette troisième année de crise de la demande de logements neufs. En témoigne la dernière photographie du marché signée par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) : d’avril à juin, les opérateurs ont enregistré 12 590 réservations par des particuliers, en baisse de 16,9% sur un an.
Verrecchia a donc rendez-vous au tribunal des activités économiques de Paris le 18 septembre. Une information révélée le 9 septembre par L’Informé. « La procédure concernera uniquement la holding financière du groupe, déclare Marc Verrecchia, président, le 11 septembre. Les 7 Sociétés civiles de construction vente (SCCV) qui portent les opérations en cours, principalement en Ile-de-France, ne sont donc pas visées. Les travaux ne s’arrêteront pas. »
Partager le gâteau
Cette situation est-elle due à l’impossibilité d’adapter des projets bloqués depuis 2023, pensés à l’époque des taux très bas ? « Elle s’explique par l’organisation capitalistique du groupe familial. Nous utilisons des fonds propres pour réaliser nos opérations. Or, avec la crise, le cycle des affaires est plus long. Le rythme de vente est passé de deux à quatre ans, voire cinq ans. Pendant cette période, nos fonds propres restent immobilisés dans des phases d’études et ne génèrent pas de valeur », observe-t-il.
De concurrents à partenaires
La crise de la demande de logements neufs qui bouscule depuis trois ans la promotion immobilière resserre les liens entre opérateurs. Avant sa liquidation judiciaire prononcée cet été, Capelli misait sur la co-promotion, notamment avec Sogeprom, pour se relever.
Autre exemple : Réalités avait demandé en février dernier le placement en redressement judiciaire de plusieurs de ses sociétés, dont la holding et son activité de promotion. Le groupe voulait alors partager ses projets (et le risque de les porter financièrement sur plusieurs années) avec des acteurs de premier plan. En mode survie, il a récemment obtenu une prolongation de la période d’observation qui vise à bâtir son plan de redressement.
Pensant à l’avenir, Verrecchia s’est mis d’accord ces dernières semaines sur la cession ou le partage de huit opérations en Ile-de-France avec « deux partenaires, des promoteurs de premier plan qui ont une grande solidité financière », assure son dirigeant, qui ne donne pas leur nom.
« L’idée est de récupérer des fonds propres investis dans le passé afin de régler au plus vite les banques et les fournisseurs, poursuit-il. Tous les promoteurs ont des impayés en ce moment. C’est la conséquence de la crise du logement. »
Sauvegarder les emplois
Verrecchia mise sur 21 autres projets dans ses cartons, que le groupe est pour l’instant seul à porter. « Nous les gardons pour rebondir », affirme son président. Situées en Ile-de-France, dans la métropole amiénoise ou encore dans la région de Nice, toutes ces opérations à lancer représentent un volume d’affaires de 640M€, estime-t-il.
De quoi aiguiser l’appétit de concurrents qui pourraient eux aussi devenir « partenaires » ? La société en difficulté discute actuellement avec « des promoteurs de qualité qui ont bien compris que nous n’allions pas déposé le bilan », insiste-t-il.
Pour rapidement tourner la page, ne serait-il pas raisonnable de vendre, comme Nexity, les bijoux de famille jugés non prioritaires ? Par exemple, la part minoritaire dans le capital du producteur de pierres naturelles Rocamat ? « Absolument pas. La pierre de taille est un bijou indissociable de notre stratégie », soutient Marc Verrecchia.
Enfin, le plan de redressement de l’entreprise, à définir pendant la période d’observation qui va s’ouvrir pendant six mois au minimum, portera sur la pérennité des emplois. « Nous avons réduit de 30% la masse salariale en deux ans et demi. Tous les métiers de la chaîne de production ont été concernés », confie-t-il.
Le promoteur emploie aujourd’hui une cinquantaine de personnes. En 2023, il déclarait 90 salariés. A l’époque, il visait à horizon 2026 une cadence annuelle de 3000 logements commencés. En cette troisième année de crise, il communique 530 mises en chantier et 850 livraisons. Avant la rapide hausse des taux entre mi-2022 et mi-2023, il en lançait un peu moins de 1000 par an.