HLM : combien coûte la chasse aux logements énergivores

A l’occasion du Congrès HLM, la Fédération des offices publics de l’habitat (FOPH) présente une « scénarisation des investissements » de ses adhérents en matière de rénovation thermique. Les montants sont impressionnants.

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Un immeuble géré par le bailleur social Orne Habitat, en centre-ville d’Alençon (Orne), construit en 1977 et récemment rénové à hauteur de 45000€ par logement, pour un passage d’étiquette énergétique de E à C.
Un immeuble géré par le bailleur social Orne Habitat, en centre-ville d’Alençon (Orne), construit en 1977 et récemment rénové à hauteur de 45000€ par logement, pour un passage d’étiquette énergétique de E à C.

Combien coûte le passage de G ou F à D ? Autrement dit, la transformation d’une passoire thermique en un logement décent, autorisé à la location ? Sans atteindre A, B ou C, les meilleures étiquettes du diagnostic de performance énergétique (DPE), ce qui coûterait un bras aux bailleurs sociaux, par ailleurs mal engagés sur un autre front : la construction, en berne depuis plusieurs années.

A l’occasion du Congrès HLM, du 24 au 26 septembre à Montpellier, la Fédération des offices publics de l’habitat (FOPH) a présenté une « scénarisation des investissements » de ses adhérents en matière de rénovation, dans une étude éponyme qui a retenu quatre trajectoires.

Un minimum de 608 000 rénovations en dix ans

La première repose sur des travaux « majoritairement par étapes », au « rythme actuel » : 608 000 logements (sur les 2,3 millions détenus par les offices) seraient traités d’ici 2034, pour 27,5Mds€ d’investissements et 45 400€ par opération, en euros constants et en incluant les prestations de maîtrise d’œuvre, les assurances, ainsi qu’un montant forfaitaire pour les travaux non énergétiques.

La quatrième et la plus ambitieuse suppose des rénovations « par étapes et globales », à un « rythme augmenté ». Les bailleurs sociaux traiteraient ainsi 725 000 logements sur dix ans, pour une facture totale de 37Mds€ et un coût moyen de 51 100€ par unité.

Les deux scénarios intermédiaires, qui intègrent soit une augmentation de la cadence soit une hausse des rénovations globales, affichent près de 32Mds€ d’investissements, mais le montant moyen par opération diffère. Pour la trajectoire à 608 000 rénovations, comptez 52 400€. Pour celle à 725 000, 44 300€.

« L’ensemble des grilles de prix a été établi avec l’expertise du bureau d’études thermiques Pouget Consultants, en lien avec les retours terrain des membres du groupe de travail », précise Carole Debras, directrice du pôle d’expertise économique et financière à la FOPH.

Sur les prix donnés dans l’étude, un point important : « S’il a été décidé de plafonner à 100 000€ ce type de réhabilitations pour être au plus juste, des solutions techniques peuvent permettre de passer de G à D pour moins de 100 000€ par logement, même si on constate également des rénovations qui peuvent avoir un coût unitaire supérieur », observe-t-elle.

Concrètement, qu’est-ce que cela donne ? Pour une maison individuelle au chauffage électrique, le passage de G à D coûte 100 000€. Pour un logement collectif au chauffage électrique ou gaz individuel, comptez 72 400€.

Dans le Grand Est, un tiers du parc est concerné

A l’image des Entreprises sociales pour l’habitat (ESH) également confrontées à ce mur d’investissements, les besoins des OPH se concentrent en Auvergne-Rhône-Alpes, qui comptait l’an dernier 73 800 HLM étiquetés E, F ou G, soit un quart de leur patrimoine régional.

Suivent l’Ile-de-France (69 400, 18%), les Hauts-de-France (55 400, 26%) et le Grand Est (52 300, 30%). En Provence-Alpes-Côte d’Azur, la majorité des offices ont une part de E, F et G inférieure à 5%, « mais ce taux peut atteindre 40% dans les logements construits en altitude », lit-on dans l’étude.

Au total, 401 600 HLM gérés par les OPH sont visés une interdiction de mise en location.

En l’absence d’un « inventaire prévisionnel des DPE », Laurent Goyard, directeur général de la fédération, estime à « plusieurs milliers » le nombre de logements G qui seront détenus par les OPH le 1er janvier prochain, quand l’obligation de décence énergétique prendra effet.

« Certains de ces logements G seront démolis, explique-t-il. D’autres, situés en centre-bourg, sont classés et ne peuvent pas être isolés par l’extérieur. L’heure est aux arbitrages, pour soit les rénover soit les vendre. Il y aussi quelques HBM (ancêtres des HLM, NDLR), même s’ils sont plutôt E et F. Enfin, le raccordement au réseau de chaleur de certains logements G peut permettre de sauter une étiquette. »

Laurent Goyard se dit « plus inquiet sur l’éradication des E » à horizon 2034, car ils se comptent par centaines de milliers. Un « coup de pouce supplémentaire » s’impose, via la création d’un « Anru rural », suggère-t-il.

Un tissu d’entreprises « insuffisant »

Les freins rencontrés par les OPH et les bailleurs sociaux en général sont parfois organisationnels. « Les opérations de petite taille peuvent requérir des coûts induits importants pour le suivi du chantier, d’où la nécessité de trouver des chargés d’opérations qui sont, dans certaines zones géographiques, difficiles à recruter », illustre Carole Debras.

Le tissu d’entreprises, « insuffisant » dans certains territoires, peut aussi ralentir « la mise en œuvre effective des travaux dans des tranches de prix compatibles avec les capacités financières des bailleurs », observe-t-elle.

La Madame finances de la FOPH cite également « des freins sur les patrimoines en copropriété », qui demandent l’aval des copropriétaires hors bailleurs sociaux, ainsi que « des freins techniques, liés à des patrimoines classés, à la marge, ou en proximité de zones urbaines requérant des contraintes particulières, source de coût ou limitant l’ambition ».

Enfin, le frein majeur demeure financier : « Si le gouvernement maintient la Réduction de loyer de solidarité (RLS), une taxe sur le chiffre d’affaires des bailleurs, ces derniers n’auront pas les moyens de réaliser les investissements nécessaires dans le cadre de la loi Climat et résilience (qui impose un calendrier pour éliminer les passoires thermiques, NDLR) et encore moins de s’inscrire dans l’ambition SNBC », la Stratégie nationale bas carbone qui vise la neutralité en 2050.

Et de conclure : « Pour nos seuls adhérents, il faudra au minimum 450M€ par an de subventions, ce qui correspond grosso modo au montant de la RLS. La mise en œuvre de nouvelles subventions et/ou la suspension de la RLS sont sans aucun doute des facteurs clés de succès. »

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