L’intermédiation, un confort (relatif) pour les artisans

Réaliser une part de son activité dans le cadre de l’intermédiation peut procurer des avantages, mais encore faut-il savoir lesquels.

AdobeStock/Julien Eichinger
AdobeStock/Julien Eichinger

Mais que peut donc apporter un intermédiaire à un artisan ? Selon Effy, les intérêts sont multiples : « Nous sommes apporteurs d’affaires en réalisant la prospection commerciale, proposons des outils digitaux et, à certaines conditions, pouvons débloquer, dans le cadre de l’offre PAC air-eau, biomasse et système solaire combiné, une avance de trésorerie à l’artisan. » On retrouve là les principaux atouts proposés par ces acteurs. Comme le résume Matthieu Burin, PDG d’Hemea, « un bon intermédiaire est le secrétaire de l’artisan, son commercial externalisé, son compte CRM, son acheteur de matériaux et son apporteur de business. L’intermédiaire coûtera ainsi deux fois moins cher à l’artisan que ce si ce dernier avait intégré ces fonctions en interne. »

Frédéric Grandremy, Clair’Equeaux, chauffage-climatisation, 18 salariés, Reims (Marne)
« L’intérêt est évident! »

« Je travaillais avec mychauffage.com quand, en 2020, il est devenu IZI by EDF, avec lequel je réalise aujourd’hui 25 % de mon CA, soit 500 000 €. L’intérêt est évident. Après avoir reçu un devis en ligne sur photos, si le client veut aller plus loin, IZI nous paie la visite technique de validation, au cours de laquelle nous pouvons apporter des modifications. La prise de rendez-vous via l’application est souple, le matériel est envoyé sur le chantier ou dans notre agence et, sur la base de forfaits intéressants, nous sommes réglés à un rythme bimensuel par IZI, qui gère en outre les aides de type MaPrimeRénov’ ou C2E. Enfin, nous pouvons garder ensuite le client. »

Dans le cadre des travaux de rénovation énergétique, c’est bien sûr la gestion des aides publiques par les opérateurs qui est présentée comme un soutien central aux artisans : « L’intérêt pour un artisan réside dans le fait qu’il n’a pas à prendre en charge la responsabilité du montage de dossier et de suivi des demandes d’aides, souvent chronophage et technique à cause de nombreux changements réglementaires, explique François-Xavier Mathieu (Hellio). Notre expertise nous permet d’être complémentaires avec les artisans : ils réalisent les travaux et nous mobilisons les primes. »

Franck Perraud, vice-président de la FFB : « Ce marché est instable »

« L’entrepreneur du bâtiment ne doit pas signer une exclusivité avec une plateforme ni réaliser la totalité de son activité avec elle. Il doit réaliser lui-même ses devis et recevoir un
acompte à la commande. Ce marché de l’intermédiation est instable et certains essaient de conseiller, voire de fixer leurs prix à l’artisan. Dès que ce dernier contractualise avec un opérateur, il en devient le sous-traitant. »

Tous sur la même longueur d’onde ?

Globalement, les artisans interrogés se déclarent satisfaits de leur expérience. Quand Chems Mohsen, dirigeant d’Eis Rénovation (9 salariés), à Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines, entreprise spécialisée dans la rénovation (ITE, toiture, menuiseries, ventilation), a testé Illico Travaux, il a identifié plus d’avantages : « C’est un gain de temps par rapport à la prospection commerciale que nous mènerions nous-mêmes, avec des projets mieux qualifiés. Cette part d’activité nous apporte aussi des chantiers de rénovation globale que nous n’aurions pas capté autrement. » Dans certains cas, on assiste même, autour des aides MaPrimeRenov’ et CEE, à un partenariat entre l’intermédiaire, un fabricant et un artisan. C’est le cas du groupe industriel FHE, spécialisé dans le secteur énergétique et basé à Perpignan, qui travaille avec Hellio : « Nous sommes deux structures plus importantes que l’artisan et nous avons la capacité financière de fluidifier le système », souligne Jonathan Laloum, manager commercial du groupe. Comme l’explique Btissame Dumas, responsable de France Environnement Sud, une entreprise de pose d’ENR de 9 salariés basée à Castelnau-le-Lez (Hérault), «Lorsque nous recevons la lettre d’agrément de MaPrimeRénov’, Hellio paie le fournisseur du matériel (FHE) et nous rémunère en tant qu’installateurs. Cela permet de n’impacter ni notre trésorerie, ni celle du client, tout en assurant une installation de qualité. »

Grégory Rouland, avocat spécialisé en contentieux (Paris) 
« L’artisan doit penser à son devoir de conseil »

« Si le courtier/intermédiaire reçoit les fonds du particulier, l’artisan doit s’assurer de son sérieux et de sa solvabilité, car c’est lui qui lui effectuera les versements au cours du chantier. Le professionnel doit garder à l’esprit qu’il a un devoir de conseil envers le particulier, tant sur les matériaux utilisés que sur la pérennité de son intervention. Il ne doit pas hésiter à émettre des réserves écrites s’il estime, par exemple, que des éléments du devis de l’intermédiaire ne conviennent pas. Sans réaction de sa part, cela pourra lui être reproché
directement en cas de désordre ou de sinistre. C’est la raison pour laquelle l’artisan ne doit pas être pieds et poings liés avec l’intermédiaire en travaux. »

Certains rappellent les limites de l’exercice, en tout cas la vigilance qui prévaut dans ce domaine. D’abord au niveau administratif : «Pour bien maîtriser la gestion de ces dossiers, nous avons deux salariées en lien permanent avec Effy. C’est indispensable ! », précise Geoffrey Jollet, codirigeant de MEH Énergies (17 salariés), à Nevers (Nièvre). Ensuite sur le plan technique : « L’intermédiaire ne peut pas s’engager sur la partie technique pure, spécifie Chems Mohsen. Lors de mes rendez-vous chez les clients, je passe mon temps sur des points de vigilance : comment mes équipes vont circuler sur le chantier, où poser les échafaudages, vérifier l’état de la toiture… Je suis artisan, je reste maître de mon chantier et du devoir de conseil ! » Pourquoi pas l’intermédiation, mais sans perdre de vue la nature de l’activité artisanale. Tout est dit !

Cédric Chacun, CCM Menuiserie, La Chaize-le-Vicomte (Vendée)
« Réaliser des chantiers RGE »

« L’entreprise, créée en 2012 et en cours de reprise [par Stéphane Raguenes], est sur le créneau de la rénovation sur mesure. Bien que RGE en isolation de combles et menuiseries extérieures, il est difficile de prospecter seul des chantiers RGE. L’intermédiation a débuté quand BigMat nous a contacté il y a deux ans pour proposer de la pose chantier. En général, le distributeur facture au particulier et paie ensuite l’entreprise. Il n’y a ainsi aucun besoin en fonds de roulement (BFR) à mobiliser. Le grand intérêt de l’intermédiation réside dans le remplissage du planning qui représente 10 à 15% en occupation de temps et je réalise surtout des chantiers RGE que je peux ensuite présenter, tout en ayant l’assurance d’être payé ! »

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