Vente en bloc : les conseils du bailleur social et de l’architecte au promoteur

La plateforme d’annonces de logements neufs à destination des bailleurs professionnels Vefaonline organise des rencontres entre les vendeurs en bloc et leurs partenaires, eux aussi secoués par la crise de la demande depuis près de deux ans.

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Immeuble résidentiel en construction.
Vefaonline met en relation les promoteurs immobiliers et les acquéreurs de logements neufs en bloc, principalement des bailleurs sociaux mais aussi des investisseurs institutionnels (assurance, banque...).

« Le réflexe d’un promoteur, c’est de vendre à un fonds, alors que ce sont en grande majorité les bailleurs sociaux qui achètent en bloc depuis deux ans. » Margaux Scalisi, cofondatrice de Vefaonline, rappelle les fondamentaux du marché à la quarantaine de promoteurs, principalement locaux, réunis à Paris le 28 novembre pour une matinée de réseautage à l’initiative de la plateforme d’annonces de programmes résidentiels.

Leur point commun ? Ils passent tous par Vefaonline pour vendre des logements aux bailleurs professionnels qui, contrairement aux particuliers, commandent en Vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) plusieurs lots au sein d’un même programme, voire la totalité.

Alors, pourquoi ne pas trop compter les fonds d’investissement ? Primo : ces potentiels acheteurs en bloc se sont globalement retirés du marché résidentiel depuis la fin de l’époque des taux bas fin 2022, faute d’y trouver leur compte économiquement. Secundo : ils ont une préférence pour l’ancien, dont les prix de vente ont baissé. A Paris par exemple, les assurances, banques et autres institutionnels trouvent leur bonheur à 6000 ou 7000€/m², soit moitié moins que dans le neuf. « Ils ont une logique extrêmement financière, dans un marché globalisé », souligne Margaux Scalisi, dans un discours introductif.

Une plateforme de mise en relation riche en données

Vefaonline est une plateforme qui permet aux promoteurs immobiliers de présenter leurs programmes aux bailleurs sociaux et investisseurs institutionnels, dont les retours sont précieux pour adapter le produit à leurs besoins.

Avec près de 1000 opérations publiées depuis son lancement en 2020, l’intermédiaire propose également des données aux acteurs de la vente en bloc qui se posent les questions suivantes : « Pourquoi ici ça marche et pas là ? Quel prix dans ce secteur ? » illustre Margaux Scalisi, fondatrice de Vefaonline.

Depuis le début d’année, 162 programmes ont été mis en ligne. Le logement libre est majoritaire (49%), suivi par l’intermédiaire (30%) et le social (21%). Les projets sont situés à 27% en Ile-de-France. Vefaonline se rémunère entre autres à chaque publication d’annonce et chaque vente conclue via son canal.

« Le 100% LLI, c’est fini »

Autre point important à noter pour les vendeurs en bloc : le scandale des Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en 2022 et 2023 ont conduit les deux poids lourds du marché Orpea et Korian à changer de nom. Le premier s’appelle désormais Emeis, le second, Clariane. Mais rien n’y fait. Ce n’est toujours « pas le moment » de miser sur les résidences médicalisées, en théorie promises à un bel avenir en raison du vieillissement de la population, relève Margaux Scalisi. Idem pour les résidences services seniors (RSS), dont les rendements ne satisfont pas les investisseurs.

Enfin, les opérations proposant exclusivement du logement locatif intermédiaire (LLI), vendu plus cher que du logement locatif social (LLS), ont certes soutenu les commandes en 2023. Mais Action Logement et CDC Habitat ayant chacun bouclé leur plan d’acquisition aux promoteurs, ces derniers doivent désormais leur proposer davantage de HLM, leur cœur de métier. « Le 100% LLI, c’est fini à deux-trois exceptions près observées en Ile-de-France », remarque Margaux Scalisi.

Xavier Goupillières, directeur du développement et de la construction du bailleur social Erigere (du groupe Action Logement), confirme : « Le problème aujourd’hui, c’est que vous proposez trop de LLI. » Et d’ajouter : « Les dossiers (des promoteurs, NDLR) cette année sont moins nombreux et moins aboutis qu’en 2023 » dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) d’Action Logement. De l’été 2023 au printemps 2024, les filiales du premier bailleur social de France ont commandé à plus de 500 promoteurs un total de 34 400 logements, en majorité intermédiaires.

Erigere n’achètera que si le programme a été validé par les services de la commune. « Trop souvent la municipalité nous dit : "Pourquoi y a-t-il finalement autant de LLI ? Surtout qu’à ce prix, vous n’arriverez pas à louer…" Pour un bailleur social, le LLI c’est maximum un T3. Sinon la quittance est trop élevée et nous avons du mal à trouver des locataires », insiste Xavier Goupillières.

Ce dernier appelle les opérateurs à « arrêter de fantasmer sur le LLI » qui nécessite plus de fonds propres que le LLS, sachant les bailleurs sociaux doivent aussi les utiliser pour « décarboner le parc ancien », témoigne-t-il.

Quelques bons plans

Voilà sur ce qu’il ne faut pas faire. Et donc, quels produits proposer ? « Le résidentiel géré que nous vous développer », illustre Xavier Goupillières. Autre fenêtre de tir : « Le démembrement fonctionne bien selon la localisation, dans les zones A et A bis et sur le littoral, et la typologie, du T1 au T3 », note Margaux Scalisi.

S’appuyant sur les données qui transitent via sa plateforme, la dirigeante prédit un léger rebond des ventes l’an prochain : « Vous allez pouvoir rapatrier des clients investisseurs, mais pas avant le deuxième trimestre, après la baisse du taux du Livret A (de 3% à 2,5% probablement, en février, NDLR) et des taux d’intérêt », annonce-t-elle aux opérateurs fragilisés par la crise de la demande.

Xavier Goupillières se montre moins optimiste : « Chez Action Logement, il n’y a pas de volonté de mettre le frein sur la production de logements mais l’enveloppes dédiée au LLI et au LLS sera probablement inférieure à 2024 qui était inférieure à celle de 2023. Nous entrons dans une période électorale en vue des municipales de 2026 et de la présidentielle de 2027, peu propice aux prises de risques. »

Alors que les promoteurs continuent de réduire leurs effectifs et de lever le pied sur les acquisitions foncières et les mises en chantier quand ils n’ont pas encore mis la clé sous la porte, la violente crise qui les secoue depuis près deux ans se traduit ainsi : « Il y a suffisamment d’offre, affirme Margaux Scalisi. Mais les prix proposés par les acheteurs en bloc sont trop bas. Le sujet pour vous reste : quelle décote et quel atterrissage ? »

Stop aux logements mono-orientés

Les rendez-vous physiques organisés par Vefaonline permettent également aux opérateurs d’écouter les concepteurs, autres acteurs de la vente en bloc.

Micro à la main devant un parterre de promoteurs en quête de conseils, l’architecte-urbaniste Etienne Lénack (agence Lambert Lénack) se distingue d’entrée par son franc-parler : « Quand la vente en bloc intervient au bout de six mois » alors que le programme résidentiel sur lequel ses équipes ont planché était destinée uniquement aux particuliers, « des pans entiers d’études partent à la poubelle, et ce travail n’est pas toujours rémunéré ».

De son côté, l’architecte-urbaniste-paysagiste Magali Volkwein (agence Devillers & Associés) invite les promoteurs à prendre de la hauteur : « Entre la crise immobilière qui vous impacte et nous impacte aussi, la crise énergétique, la crise climatique et la crise démographique, il faut s’autoriser à dézoomer. Les logements pour poulets en batterie mono-orientés sont trop carbonés et pas adaptables. »

Elle demande à ses partenaires de « penser réversible, construire avec moins de matière et donc moins cher, et enfin proposer des programmes bioclimatiques, c’est-à-dire que l’on peut ventiler soi-même ».

Etienne Lénack souscrit les propos de sa consœur : « Ne produisons pas en masse une architecture de crise. Notre boussole doit rester le plaisir d’habiter. Pas question de rogner sur le gros œuvre : la structure traverse les décennies. S’il faut trouver une variable d’ajustement : zappez le parquet en chêne. »

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