Logement : la vente en bloc va continuer de soutenir la commercialisation

Comme en 2023, la vente aux bailleurs de logements sociaux et intermédiaires ainsi qu’aux investisseurs institutionnels sera priorisée par les promoteurs immobiliers pour faire face au retrait des clients particuliers.

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Perspective du programme résidentiel Les Lofts du lac à Bordeaux vendu en bloc par Bouygues Immobilier à CDC Habitat. Architecte : BLP & associés.
Perspective du programme résidentiel Les Lofts du lac à Bordeaux, vendu en bloc par Bouygues Immobilier à CDC Habitat. Architecte : BLP & associés.

Le marché est bloqué, vive le bloc ! Les difficultés de financement rencontrés depuis un an et demi par les particuliers ont conduit les promoteurs immobiliers, de Kaufman & Broad à Icade, à davantage recourir à la vente au bloc. Les plans d’acquisition d’Action Logement et de CDC Habitat, respectivement de 30 000 et 17 000 logements neufs, en majorité intermédiaires, ont participé à cet élan au second semestre 2023.

Point fort : ce mode de commercialisation requiert moins de temps et de personnel que la vente au détail, car il n’y a qu’un client pour une commande de dizaines voire centaines de logements. Point faible : la marge est moins élevée, car le volume de lots acquis en Vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) par le bailleur social ou l’investisseur institutionnel, pouvant représenter une partie du programme ou la totalité, permet de baisser le prix total.

La vente en bloc permet en outre d’atteindre rapidement le taux de pré-commercialisation exigé par les banques, préalable à la mise en chantier du programme, et de limiter le risque de se retrouver avec des logements finis invendus. En effet, les deux ou trois derniers biens d’un projet livré qui n’ont pas trouvé preneurs peuvent couvrir une partie des honoraires (qui permettent de payer les salaires) et la marge de l’opérateur.

La vente au détail en passe de devenir minoritaire chez Edouard Denis

Chez Nexity, les réservations de logements sociaux et intermédiaires, par les filiales d’Action Logement notamment, et de résidences gérées, par des investisseurs-exploitants comme The Boost Society, ont représenté 67% des ventes globales en 2023, contre 54% en 2022

« Nous ferons encore beaucoup de bloc cette année », annonce Fabien Acerbis, président du promoteur Edouard Denis, filiale de Nexity. Mécaniquement, la part de la vente au détail pourrait passer de 50% des actes signés en 2023 à « moins de 50% » cette année, prévoit-il. Une première chez Edouard Denis, historiquement tourné vers les ménages en quête d’une résidence principale ou d’un investissement locatif.

Tant que ces derniers ne frapperont pas à sa porte comme à la belle époque de « l’argent gratuit », le promoteur conservera cette stratégie qui lui a permis de « fortement réduire le stock de logements dont les prix de vente correspondaient à des taux d’intérêt à 1 ou 2% », donc difficilement vendables avec ceux pratiqués actuellement, autour de 4% pour un emprunt de 25 ans, explique Fabien Acerbis.

Bien implanté dans son fief des Hauts-France ainsi que dans des villes moins tendues que les grandes métropoles comme Laval et Limoges, Edouard Denis a vu son stock passer de 3000 lots début 2023 à 1800 aujourd’hui.

Si la croissance du bloc suppose moins de vendeurs en interne, la société de 450 salariés ne prévoit pas de tailler en particulier dans ses équipes commerciales. « Par rapport à d’autres promoteurs, nous sommes déjà peu staffés en la matière car nous nous appuyons sur une dizaine de commercialisateurs pour toucher les clients particuliers », développe-t-il. Contexte : Nexity, le groupe dont fait partie Edouard Denis, est engagé dans un plan social pour faire face à une crise de la demande qui s’éternise.

Les bailleurs sociaux donnent de la visibilité à Bouygues Immobilier

Autre poids lourd du marché résidentiel en difficulté : Bouygues Immobilier. En témoigne son chiffre d’affaires 2023, en recul de 14,5% sur un an. En quête de solutions anti-crise, le troisième promoteur national a annoncé, début mars, la réservation de 4400 logements par CDC Habitat. Une commande à 900M€. De quoi assurer un flux de trésorerie régulier pour traverser le tunnel dont la profession ne voit pas le bout. En 2019, un autre accord entre le promoteur et la filiale immobilière de la Caisse des dépôts portaient sur l’acquisition de 3900 logements.

« Nous changeons de dimension avec ce nouveau partenariat, analyse Olivier Durix, directeur général adjoint de Bouygues Immobilier. Les contrats et cahiers des charges types qui en découlent obligent nos équipes locales et celles de CDC Habitat à travailler davantage en amont du dépôt du permis. L’idée consiste à gagner six mois, voire un an, sur le portage foncier notamment. »

Un partenariat du même type portant sur 700 logements est à l’étude avec le bailleur social 3F (Action Logement), un autre gros client de Bouygues Immobilier. Cela veut-il dire que le promoteur se détourne des particuliers ? « De potentiels clients à l’unité se sont abstenus d’investir ces 18 derniers mois, souligne Olivier Durix. En vrai, ils ont aussi épargné. Avec une légère baisse des taux qui devrait intervenir ces prochains mois, cela fera un meilleur apport personnel. Nous avons espoir que 2024 et 2025 soient de meilleures années que 2023 en termes de vente au détail, et donc de commercialisation en général. Le frémissement observé à Paris depuis mi-février va dans ce sens. En attendant, dans le prolongement de l’année passée, nous faisons de la sécurisation avec le bloc. »

Les projections de la seule filiale en décroissance du groupe Bouygues ne plaident pourtant pas pour un retour des clients particuliers : les bailleurs professionnels pèseront « près de 60% » de ses réservations totales en 2024, contre 48% en 2023 et 30% en 2022, selon Olivier Durix. Autrement dit, comme chez Edouard Denis, la vente au détail pourrait devenir minoritaire. Une première chez Bouygues Immobilier.

Valor Promotion est aussi « profitable » qu’un vendeur au détail

Si la vente en bloc est devenue une priorité pour compenser en partie la chute des ventes à l’unité, de l’ordre de 26% en 2023 par rapport à 2022 à l’échelle nationale selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), des acteurs de petite taille se sont positionnés avant que la crise de la demande de 2023 ne change la donne. C’est le cas de Valor Promotion, spécialiste de la vente en bloc de logements sociaux et intermédiaires.

« Nous avons créé la société en 2021 quand les logements libres se vendaient très bien. La vente en bloc, c’est notre ADN, ce n’est pas une stratégie temporaire », pose Jean-Christophe Ginet, président co-fondateur. « C’est aussi le choix de bien dormir, de limiter le risque commercial, ajoute Edouard Hoche, directeur général co-fondateur. Notre défi, sur chaque opération, porte sur le coût travaux qui va nous permettre d’être rentable, car le prix de vente est fixé très en amont avec le bailleur social. »

Pour s’y retrouver à la fin du chantier, la société de 15 salariés, répartis entre le siège orléanais et les agences de Boulogne-Billancourt, Nantes et Clermont-Ferrand, joue la carte de l’optimisation. Outre « le soutien politique » de la mairie qui veut du logement social, Valor Promotion bénéficie en effet de « l’accord du bailleur social qui valide l’acquisition à un prix donné », explique Edouard Hoche.

Le but est ensuite de « gagner jusqu’à 10% de surface habitable, sur les circulations et les cloisons périphériques, pour augmenter la marge, qui dépend des m² à usage privé », résume le dirigeant, dont l’entreprise présente une « profitabilité d’un promoteur qui fait du libre », c’est-à-dire qui vend au détail des logements non-conventionnés.

Les maisons en bande et petits immeubles collectifs représentent les deux-tiers de ses « 37 opérations sécurisées, représentant 900 lots, dont 15 en travaux ou en instance de démarrage », déclare Jean-Christophe Ginet. Parmi les dernières livraisons, citons la première tranche du programme Petit Saint-Mars à Etampes (Essonne), soit 11 maisons individuelles et 21 appartements vendus au groupe 3F, premier producteur de logements au sein de la galaxie Action Logement, grâce à la Vefa HLM.

Les opérations de Valor Promotion sont principalement situées dans des communes de moins de 10 000 habitants. « Des territoires qui permettent à des groupes comme Action Logement, également présents dans les métropoles très tendues, de tenir ses engagements en termes de construction », remarque-t-il.

En phase de recrutement sur la partie développement notamment, le promoteur à contre-courant du marché vise cette année un CA HT consolidé de 40 à 45M€, contre 15M€ en 2023.

Le modèle « résilient » du groupe Uniti

La spécialisation vente en bloc permet de passer outre la crise de la demande liée à la désolvabilisation des ménages. Ainsi le groupe Uniti, dont les logements conventionnés ou gérés ne sont cédés qu’à des bailleurs professionnels, est présenté par la plate-forme de crowdfunding immobilier Homunity, via laquelle elle finance  une partie de ses opérations, comme un des gagnants du moment.

Son chiffre d’affaire en croissance « reflète l’avancement des opérations en phase de production chantier et le développement de nouveaux programmes », lit-on dans le dernier rapport d’Homunity sur Uniti.

Contrairement à la majorité des promoteurs dont l’activité dépend des particuliers, le groupe Uniti paraît en bonne santé financière : progression de la trésorerie disponible, stabilité du ratio d’endettement financier net sur fonds propres… Autant de voyants dans le vert qui lui permettent « d’aborder sereinement le développement de ses activités pour les années à venir », affirme Homunity, soulignant  « la résilience de son modèle de vente en bloc » en cette période de turbulences.

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