Comment l’arrêt de la 2G met au défi bailleurs sociaux, syndics de copropriété et ascensoristes

L’extinction progressive de ce réseau mobile en France implique de changer le système d’alarme de quelque 230 000 ascenseurs qui y recourent. Une vaste campagne reste à mener pour éviter les mises à l’arrêt.

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Dans les ascenseurs, les systèmes d'alarme fonctionnant grâce à la 2G devront être remplacés d'ici fin 2026.

Des dizaines de milliers d’immeubles devront-ils se passer d’ascenseurs en 2026 ? Depuis plusieurs années, la Fédération des ascenseurs, rejointe par l’Afrata (téléassistance), la GPMSE (sécurité électronique), et l’Ignes (industriels du bâtiment), alertent syndics et bailleurs sur la fermeture progressive des réseaux de 2G et de 3G, qui sont les fréquences utilisées pour se connecter avec les centres d’appel en cas de panne ou d’incident.

Si l’on veut être sûr de pouvoir appeler les secours depuis une cabine d’ascenseur en panne, il est donc impératif de faire migrer les réseaux d’alarme en 4G rapidement. Car le temps presse. Les opérateurs ont fixé il y a quelques semaines leur agenda : la 2G sera coupée à partir du 31 mars 2026 pour Orange en métropole et fin 2026 chez SFR et Bouygues. La 3G, elle, disparaîtra entre fin 2028 et fin 2029.

Sollicitée par des bailleurs et des syndics inquiets, Valérie Létard, ministre chargée du Logement du gouvernement Bayrou, a accéléré la cadence avant de rendre son maroquin, en enclenchant vendredi 5 septembre, une évolution de la réglementation visant à obliger les ascensoristes à informer les propriétaires du passage obligatoire à la 4 ou 5G lors des prochaines visites de maintenance, qui ont lieu toutes les 6 semaines. De la même manière, la nouvelle réglementation, si elle est adoptée, rendra obligatoire la mise à niveau de l’équipement à l’occasion du contrôle technique quinquennal.

De leur côté, les opérateurs télécoms s’agacent un peu de l’émotion des ascensoristes : « Les opérateurs télécoms ont informé leurs clients en 2022. Et nous en parlions déjà en 2017 ! », affirme Romain Bonenfant, directeur général de la fédération des Télécoms. Les ascensoristes, eux, assurent que les discussions n’ont démarré qu’en 2023, « ce qui n’a laissé que très peu de temps pour mettre en place les solutions sur l’ensemble des systèmes en place, et pour déployer leur mise en œuvre », assure un porte-parole, qui rappelle que les autres pays européens ont eu jusqu’à 7 ans pour initier la migration. « Certes, mais la France est le seul pays d’Europe à ne pas avoir fermé de réseaux 2G ! reprend M. Bonenfant, L’Allemagne n’a plus de réseau 3G depuis 2021, les US ont coupé la 2G il y a plus de 8 ans, la Suède ferme la 2G et la 3G à la fin de cette année… Et, partout, cela s’est bien passé. Oui, c’est pénible, comme quand nous sommes passés du fax au mail, mais enfin, c’est une modernisation bienvenue ! ».

Une modernisation nécessaire

La pertinence de couper ces réseaux n’est d’ailleurs remise en question par personne : la 2G a été mise en service dans les années 90, la 3G au début des années 2000. Elles sont faciles à pirater, et consomment près d’un tiers des réseaux électriques. Leur suppression permettra de renforcer les réseaux de 4G et 5G, en zone rurale notamment.

La modernisation pourra permettre de découvrir et d’adopter des solutions modernes bien plus adaptées à un monde qui tourne de plus en plus vite. Les ascenseurs Schindler, par exemple, sont désormais connectés à tous les opérateurs, et non pas un seul, de manière à ne pas dépendre d’un seul réseau et ne jamais être en risque de ne pouvoir joindre les secours. Dans ce type de cabines, quand une panne survient, l’ascenseur se met automatiquement en sécurité, et une alarme est envoyée à un technicien sur son smartphone. Celui-ci peut donc programmer son intervention dans la foulée.

Les bailleurs sociaux dans les temps

Quoi qu’il en soit, sur 650 000 ascenseurs en France, les alarmes de 230 000 d’entre eux fonctionnent encore soit à la 2G, soit à la 3G. Il est donc (grand) temps de lancer les travaux.

Les bailleurs sociaux sont, globalement, de très bons élèves. Le groupe 3F (311 000 logements), filiale de Action Logement, a anticipé dès 2022 en lançant la migration de son parc d’ascenseurs vers la 4G. « Cette transition s’est opérée progressivement, principalement lors des renouvellements de contrats ou des travaux de rénovation, indique le groupe, Aujourd’hui, sur les 5 500 ascenseurs que compte notre parc en France, 100 % de notre parc en régions est désormais équipé en 4G. En Île-de-France, seuls 280 ascenseurs restent à migrer, soit 8 % de notre parc francilien. Grâce à cette politique proactive, nous serons pleinement prêts au printemps 2026, soit avant l’échéance de fin 2026 (opérateur Bouygues Télécom) ».

A la Régie immobilière de la Ville de Paris (68 000 logements), « nous sommes passés à la 4G ces deux dernières années, en profitant des travaux de maintenance ou de rénovation, le problème ne se pose plus chez nous », assure-t-on. A Paris Habitat (130 000 logements), pas d’inquiétude non plus : « 1 100 dispositifs téléalarme/télésurveillance Getraline G7x sont couplés au réseau 2G : nous allons donc prioriser la mutation de ces dispositifs sur les prochains mois », affirme-t-on.

Les syndics doivent encore accélérer

Les syndics de copropriété, eux, sont plus frileux, moins bien informés ou plus lents à prendre une décision pourtant peu coûteuse (1000 à 1500 euros environ pour passer de la 2G à la 4G, et une matinée à une journée d’intervention, sachant que tout dépend du niveau de vétusté de l’appareil).

« Pourtant, nous les informons par mail régulièrement, les techniciens le rappellent à chaque intervention. Vraiment, nous faisons un énorme travail de communication, soupire un ascensoriste, mais les syndics sont fauchés et vraiment pas très enthousiastes. Evidemment, cela va créer un engorgement au moment où le couperet tombera… ».

La Fédération des ascenseurs craint un afflux de demandes pour les 17 000 à 20 000 techniciens faisant de la maintenance ascenseur « et qui ont des charges de travail conséquentes habituellement ». Les techniciens, eux, s’inquiètent plutôt de voir une concurrence mal formée et opportuniste arriver, « des techniciens qui voient à peu près ce qu’il faut faire sans être vraiment spécialistes, qui cassent les prix et ne garantiront pas la qualité du travail accompli », prévient l’un d’entre eux. Raison de plus pour prendre les devants, et prévoir les travaux dans les 6 mois à venir.

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