Dans le crowdfunding immobilier, le gain net annuel tourne autour de 6% du montant prêté au promoteur ou au marchand de bien. Minoritaires, les investisseurs titulaires d’un Plan d’épargne en action dit PEA-PME ouvert depuis cinq ans échappent à la flat tax de 30% et peuvent obtenir une meilleure rémunération, aux alentours de 7,5%.
Après fiscalité et autres prélèvements sociaux, le rendement net se situe donc à peine au-dessus de l’inflation annuelle de 5,9%.
Garantir un écart positif entre inflation et taux de rendement
« Le secteur est habitué à proposer des taux supérieurs à l’inflation, commente Arnaud Romanet-Perroux, directeur général de la plate-forme Upstone. Notre marge de manœuvre, c’est d’augmenter les taux de chaque projet pour que l’écart entre l’inflation et le taux de rendement net soit positif. » Objectif : continuer d’attirer les particuliers qui se détournent du Livret A, dont le taux passera de 2% à 3% le 1er février, ou de l’assurance-vie, dont le rendement net en 2022 devrait être inférieur à 2% selon les observateurs.
Pour le moment, pas de flambée, puisque les 39 plates-formes françaises, complémentaires des banques, ont légèrement augmenté le taux de rendement annuel brut, passant en moyenne de 9,2% en 2021 à 9,5% en 2022, selon le baromètre Hello Crowdfunding.
Mais la tendance haussière pourrait s’amplifier. Sur Baltis, « après 9,3% en 2021 et 9,8% en 2022, nous serons en moyenne entre 10% et 11% en 2023 », anticipe Alexandre Toussaint, le président. Chez Wiseed, « la majorité des projets immobiliers que nous accompagnons sont désormais à 10% minimum », confie Mathilde Iclanzan, la directrice générale.
Il y a consensus sur le fait que le taux brut moyen en 2023 puisse dépasser 10%, mais pas plus. « Une augmentation de 2 ou 3 points serait injustifiable auprès des opérateurs, dont le bilan du projet se retrouverait dégrader, souligne Pierre-Yves Appert, directeur général d’Homunity. Nous ne souhaitons pas fragiliser les opérateurs ni grossir notre portefeuille. Notre objectif est de toucher de plus en plus d’investisseurs. » La plate-forme a recensé 20781 investisseurs actifs en 2022, contre 15280 en 2021.
Convaincre les opérateurs d’augmenter le coût du financement participatif
Pour convaincre les opérateurs d’augmenter sensiblement le coût du financement participatif, rien de plus simple que d’avancer l’argument suivant : « les investisseurs n’accepteront pas un rendement brut inférieur à 10% car l’inflation gommera leur gain net », assure Arnaud Romanet-Perroux, d’Upstone. Parmi les plus offensives du marché, la plate-forme peut aller « jusqu’à 13% voire 14% » brut, soit un gain net proche de 10% pour l’investisseur.
Deux profils d’opérateurs seraient susceptibles d’accepter un tel effort : « les marchands de bien à Paris ou en zone tendue qui ont besoin de vendre vite et les promoteurs en régions qui ont très bien acheté le terrain », observe le dirigeant.
Les critères semblent en tout cas se durcir pour les opérateurs, dont le coût d’emprunt bancaire augmente aussi. « Nous sommes plus vigilants sur le taux de marge des promoteurs, qui a baissé de 2 à 3 points depuis un an à cause des entreprises de construction qui ont du mal à garantir leurs prix, à recruter, de la hausse des coûts de construction et de la baisse du nombre de permis de construire délivrés », illustre Mathilde Iclanzan, de Wiseed.
Un record de montants collectés
A l’époque de l’argent gratuit sur fond d’inflation indolore, des plates-formes se contentaient d’un devis de travaux avant de valider tout nouveau projet. Un devis signé est désormais exigé. Même raisonnement pour les documents relatifs à l’emprunt bancaire : la proposition commerciale n’est plus suffisante, l’opérateur doit présenter une offre de prêt signée.
« Nous sommes plus exigeants lors des audits car les banques demandent aujourd’hui un apport de 30% à 35% du montant total à investir, contre 20% à 25% en 2021, estime Alexandre Toussaint, de Baltis. Pour un opérateur, cela peut représenter un chantier en moins par an. Grâce à nous, il finance le même nombre de projets d’une année à l’autre, avec des montants de collecte plus importants. »
Les autres plates-formes de crowdfunding immobilier ont elles aussi tendance à financer des projets de plus en plus chers. D’où ce nouveau record de 1,6 Md€ collectés à l’échelle nationale en 2022, contre 1,1Md€ en 2021.