Pour la Fondation Abbé Pierre (FAP), la « bombe sociale du logement » a déjà explosé avec une « violence extrême ». Son 29e rapport annuel sur le mal-logement, présenté le 1er février, soixante-dix ans jour pour jour après l’appel de l’abbé Pierre, dresse un bilan 2023 catastrophique.
Les causes sont connues : les mises en chantier s’effondrent (435 000 logements en 2017, contre moins de 300 000 en 2023), particulièrement pour le logement social (124 000 en 2016, 93 000 en 2023).
Le 115 est sous l’eau
Résultat : 2,6 millions de ménages sont en attente d’un logement social, contre 2,4 millions en 2022 ; 93 000 ménages prioritaires relevant du Droit au logement opposable (Dalo) étaient en attente de relogement en 2022, contre 78 000 en 2021 ; 8 351 personnes voient chaque jour leur demande non pourvue au 115, le numéro d’urgence dédié aux personnes sans abri et en grande difficulté sociale, en hausse de 40% sur un an.
Sur ce dernier point, « c’est une dégradation intense malgré les augmentations de places qui ont eu lieu ces dernières années, malgré le plan hivernal, et malgré le fait que près de deux-tiers des ménages concernés ne font plus appel au 115 par lassitude », se désole Christophe Robert, délégué général.
Mesures « peu ambitieuses »
Comme lors des précédents rapports, le gouvernement est pointé du doigt. « L’effort public consacré au logement n’a jamais été aussi faible, avec une baisse de 15Mds€ par rapport à 2010 », explique-t-il.
« Bien malmenée depuis 2017, la question de l’habitat continue à être traitée avant tout à travers le prisme budgétaire, comme un gisement d’économies, au détriment de la dimension sociale alors même que la fiscalité du logement rapporte beaucoup à l’Etat (…) La rigueur budgétaire continue sur les Aides personnalisées au logement (APL), les bailleurs sociaux et même à présent sur l’investissement locatif. Certaines décisions sur l’élargissement des zones tendues, le prêt à taux zéro (PTZ) ou le Bail réel solidaire (BRS) restent peu ambitieuses. Au-delà de ces réponses ponctuelles, l’analyse du projet de budget pour 2024 montre qu’il ne suffira pas à enrayer la crise du logement », lit-on dans le rapport 2023.
Christophe Robert regrette par ailleurs le manque d’ambition du plan Logement d’abord 2 qui « ne vise pas, contrairement au premier, à augmenter la production de logements très sociaux ».
La rénovation échappe aux « coupes budgétaires »
La politique de rénovation énergétique est seule à trouver grâce aux yeux de la FAP : « la rénovation énergétique semble la seule à l’abri des coupes budgétaires […] les annonces de modification de MaPrimeRénov’ en 2024 semblent prendre la bonne direction : une aide accrue aux ménages modestes et aux rénovations performantes et accompagnées », est-il écrit dans le rapport.
Un peu d’optimisme ne fait pas de mal. « Quelque chose est en train de changer » pour la rénovation, notamment pour les copropriétés, souligne Manuel Domergue, directeur des études de la FAP. Lequel regrette tout de même que la nature des travaux engagés dans le cadre du dispositif d’aides soit « insatisfaisante ».