« Il ne faut pas tergiverser. Le RN, c'est non », Hugo Franck

Lors des récentes Journées du Syndicat de l'architecture qui se sont tenues à Bordeaux du 21 au 23 juin, son président est revenu sur les enjeux de la profession mais aussi sur le contexte créé par la dissolution de l'Assemblée nationale. Hugo Franck explique pourquoi l'organisation a appelé à voter pour le Nouveau Front Populaire.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Hugo Franck, le président du Syndicat de l'architecture dont les Journées se tiennent jusqu'au 23 juin à Bordeaux.

Au lendemain de la dissolution de l’Assemblée Nationale, les élus du Syndicat, dont vous, ont pris position en faveur du Nouveau Front Populaire. Est-ce votre rôle d’appeler aussi clairement à une consigne de vote ?

Le syndicat s’est toujours affiché à gauche, depuis qu’il a été créé par des architectes militants socialistes en 1978. Et notre action est profondément politique quand on s’adresse aux différents ministères pour faire valoir nos positions sociales, humanistes et culturelles. Alors nous n’allons pas tergiverser face au Rassemblement national. C’est non ! La culture aux mains de ce parti ? Ce serait le néant ou la privatisation. Quant à la majorité présidentielle, nous avons déjà vu et nous ne sommes pas convaincus.

Quelles sont principales craintes en matière de logement, de construction et d’aménagement en cas de gouvernement par l’extrême-droite ?

Ses annonces populistes nous paraissent catastrophiques pour l’environnement et la population, dans tous les domaines. Dans la construction et le bâtiment, lever les obligations que supposent les DPE (diagnostic de performance énergétique) et le ZAN (zéro artificialisation nette) sont des aberrations.

Inversement, en cas de succès de la gauche, avez-vous des projets de loi à lui souffler ?

Pourquoi ne pas encadrer les bénéfices des promoteurs dans le logement social ?

—  Hugo Franck

Des lois, non. Mais nous avons déjà beaucoup de visions en commun : un toit pour chacun ; des logements de qualité pour tous ; l’amélioration du parc social, plombé par le système de Vefa qui a diminué le budget des opérations et réduit la surface des appartements. Beaucoup de prix en France sont déjà encadrés, alors pourquoi ne pas le faire avec les bénéfices des promoteurs dans le logement social, sur le dos duquel ils financent leurs autres opérations ? Notre engagement reste sans faille pour combattre la financiarisation du logement.

Nous avons aussi une réclamation législative : nous demandons, au titre de l’intérêt public, l’inscription de la réhabilitation dans la Loi sur l’Architecture. Réhabiliter plutôt que déconstruire, c’est une réponse écologique. Elle aussi qualitative, car intervenir sur l’existant amène à déstandardiser les projets.

Êtes-vous inquiet du devenir des textes de loi dont l’examen a été interrompu, notamment la proposition sur la transformation des bureaux en logement ou le projet porté par ministre Guillaume Kasbarian sur l’offre de logements abordables ?

Nous n’allons pas regretter ces textes car ils nous inquiétaient plus qu’autre chose. Au-delà des effets d’annonce, il n’y avait rien à en attendre pour permettre de faire plus et surtout mieux. On assistait, pour chaque projet ou proposition de loi, au surgissement d’amendements de dernière minute en commissions, multipliant des règles d’exception.

Prenez l’exemple de la loi du 9 avril 2024 sur l’habitat dégradé. Au dernier moment, deux articles sont apparus, l’un sur la possibilité de créer des logements sans permis de construire dans les Outre-mer et l’autre, sur le relogement des populations évacuées, partout en France, dans des installations provisoires sans permis de construire ou d’aménager. Quand on sait ce que deviennent le provisoire et les régimes d’exception, c’est très dangereux. L’objectif, là, est de faire plus vite, mais pas mieux. C’est de remettre des chantiers en route pour faire du chiffre d’affaires. J’espère que l’arrivée de nouveaux députés permettra de réfléchir autrement.

Sur cette loi sur l’habitat dégradé, vous avez écrit au ministère de la Culture, votre tutelle, mais parvenez-vous à vous faire entendre sur le terrain de l’économie ?

Nous aimerions, mais les architectes pèsent très peu face à la Fédération française du bâtiment. Nous sommes perçus comme des artistes, et des artistes plutôt nantis… En réalité, nous sommes des chefs d’entreprise avec une valeur sociale et culturelle.

Nous sommes perçus comme des artistes, et des artistes plutôt nantis...

—  Hugo Franck

Où en est votre recours au Conseil d’État contre les nouveaux barèmes de cotisations du Conseil National de l’Ordre des Architectes (Cnoa) ?

Il a été déposé le 7 mai et nous attendons des nouvelles. Mais je serai très heureux d’en discuter avec le tout nouveau président du Cnoa, Christophe Millet, qui se trouve être l’ancien trésorier qui a mis en place ce barème.

En quoi ces nouveaux barèmes posent-ils problème ?

C’est la dichotomie qu’ils introduisent entre les agences qui payeront 100 euros et celles qui en débourseront 1 000 euros parce qu'elles compteront des non architectes parmi leurs associés. Cela va à l’encontre des discours même de l’Ordre sur l’importance d’ouvrir la profession. Dans nos agences, face à la complexité des enjeux, nous avons besoin de réunir de plus en plus de compétences : des ingénieurs, des économistes de la construction, des urbanistes, des paysagistes…

Qu’attendez-vous autrement de ce nouveau président du Cnoa ?

Il a déclaré vouloir travailler avec les autres institutions et les syndicats. J’attends les actes. Il dit aussi vouloir assurer pleinement la mission de veille réglementaire de l’institution : il est effectivement urgent de recentrer l’action de l’Ordre sur le régalien.

Je suis également impatient d’aborder avec le nouveau conseil élu d’autres sujets importants comme la représentation de la France à l’international.

Et pour le Syndicat de l’Architecture, dont vous garderez la présidence à l’issue de l’Assemblée générale organisée pendant ces journées, quelle est votre feuille de route ?

Même si nous sommes un syndicat national, je souhaite faire vivre des délégations territoriales pour soutenir les adhérents. Il faut bien entendu continuer de recruter de nouveaux membres pour améliorer le poids de notre représentativité. Et rajeunir le syndicat avec des architectes fraichement diplômés. L’avenir de la représentativité appartient aux jeunes entreprises qui vont se développer demain.

Nous nous battons aussi pour faire évoluer la formation initiale.

—  Hugo Franck

Au-delà de l’organisation interne, quelles sont vos priorités d’action pour la profession ?

Nous avons beaucoup travaillé sur la question de l’inscription de la réhabilitation dans la loi sur l’Architecture, que j’évoquais plus haut. Nous nous battons aussi pour faire évoluer la formation initiale. Il faut remettre la maîtrise d’œuvre au centre du jeu. Quand on sait que l’architecte est responsable pénalement, la formation doit être à la hauteur. On réclame la suppression de la HMONP (l'habilitation à la maîtrise d'œuvre en son nom propre) qui n’est pas suffisante pour préparer aux réalités du métier.

Nous souhaitons une vraie formation professionnalisante de deux ans, en alternance, en agence, après le master. Ce projet est porté conjointement avec l’Unsfa et les syndicats de salariés.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !