Huit mois après sa promulgation, la loi Climat et Résilience pèse de plus en plus dans l’analyse du dossier d’un investisseur locatif en quête d’un crédit immobilier.
« Les banques se sont faites une religion. Elles s’assurent que le client ne se retrouve pas en difficulté et imposent toutes à leurs conseillers que le coût des travaux de rénovation d’un logement G soit intégré dans le plan de financement », observe Olivier Lendrevie, président du réseau de courtiers immobiliers Cafpi.
Pour rappel, le texte interdit d’augmenter les loyers des logements F et G dès le 25 août prochain. Il prévoit également une interdiction de mise en location des G en 2025, des F en 2028 et des E en 2034.
Si le cas par cas est de rigueur, les conditions se durcissent. « Nous ne sommes pas amenés à refuser un financement à cause d’un DPE dégradé, mais nous accompagnons le client dans une démarche d’amélioration énergétique de son logement s’il est F ou G », assure un porte-parole de BNP Paribas.
À lire aussi
Les loyers exclus de l’étude de financement
Début avril, la banque a revu ses conditions d’obtention de crédit dans les cas de figure suivants : achat d’un logement énergivore à louer ou renégociation d’un prêt immobilier portant sur une résidence principale, dont le propriétaire loue une ou plusieurs passoires énergétiques.
Concrètement, BNP Paribas conseille au propriétaire ou futur propriétaire d’un bien F ou G en location de réaliser des travaux pour atteindre au moins l’étiquette D.
Première étape : utiliser le simulateur en ligne Mon projet rénovation, qui prévoit la venue d’un diagnostiqueur puis d’un artisan RGE pour l’estimation du montant des travaux. Deuxième étape : lancer le chantier financé en partie par la banque, en complément de MaPrimeRénov’, des Certificats Economie d’Energie (CEE) ou des aides locales.
Son prêt Energibio, dont les volumes ont doublé entre 2020 et 2021, vise une amélioration de la performance énergétique du logement à acheter ou déjà acquis. Pour 10 000€ empruntés sur trois ans, les intérêts s’élèvent à 150€ et les mensualités, à 280€. BNP Paribas peut également proposer un prêt travaux, dédié à un embellissement et/ou une extension, sans obligation d’améliorer la classe du DPE. Pour 10 000€ empruntés sur trois ans, les intérêts montent à 700€ et les mensualités, à 300€.
En cas de refus du client d’améliorer l’étiquette du bien à acquérir pour le louer, BNP Paribas exclut ses revenus locatifs dans l’étude de financement. Résultat, l’investisseur locatif peut voir son taux d’effort dépasser le seuil maximal autorisé de 35%. Et peut donc se retrouver refoulé. BNP Paribas n’est pas en mesure de quantifier les recalés.
« Nous devrions faire pareil, c’est notre job de conseil »
« Cette banque a raison, nous devrions faire pareil, c’est notre job de conseil », reconnaît-on chez un concurrent. « La non-prise en compte des revenus locatifs nuit au taux d’endettement. C’est assez impactant surtout avec l’effet ciseau actuel entre les taux de crédit immobilier qui montent et le taux d’usure, soit le taux maximum fixé par la Banque de France auquel les banques peuvent prêter de l’argent », complète Jérôme Sahores, directeur des partenariats bancaires du courtier immobilier en ligne Pretto.
Si sa situation financière le permet, et ce malgré la non-prise en compte de l’estimation du loyer perçu, l’investisseur locatif peut tout de même obtenir un crédit immobilier, sans obligation de travaux énergétiques. De quoi avantager les clients les plus riches…
A la rentrée, les concurrents de BNP Paribas devraient suivre. « Ce process est assez simple à mettre en application, il n’y a pas besoin d’investir dans un nouveau logiciel », souligne Jérôme Sahores.
Aucun durcissement selon le lobby des banques
Pour l’heure, au Crédit Mutuel, l’on fonctionne ainsi : « Dans l’étude de financement pour un logement, nous prenons en compte les revenus du client à l’instant T, au moment du montage du prêt, ainsi que ses futurs revenus locatifs », explique un porte-parole. Chez HSBC et d’autres établissements interrogés, l’on réfute également pratiquer le refus de prêts immobiliers à cause de mauvais DPE. Un risque pointé du doigt par la Fnaim, qui n’a pas répondu à nos sollicitations.
Son président Jean-Marc Torrollion s’était inquiété, en juin dernier devant la commission des affaires économiques du Sénat, des « premiers refus de prêts immobiliers (à des investisseurs locatifs, NDLR) à cause d’un DPE F ou G, pour un endettement sur quinze ans ».
Il avait alors prévenu : « Mettons-nous à la place d’une banque, dans le cadre d’un investissement locatif pour un appartement avec un DPE G. Si elle n’a pas l’assurance que des travaux sont programmés, elle doit refuser car le revenu ne sera pas au rendez-vous très vite. A l’avenir, le refus, ce sera un réflexe. »
Faux, assure aujourd’hui le service de presse de la Fédération bancaire française (FBF) : « Il n’y a aucune indication de resserrement spécifiquement lié à ce sujet. » Les dossiers sont analysés en globalité : solvabilité de l’emprunteur, viabilité du projet… Conclusion ? Officiellement, le refus n’est pas automatique. Officieusement, il est pratiqué.