Après l’alliance entre Socfim, filiale de BPCE, et Fundimmo, filiale de Foncière Atland, officialisée en avril dernier, un deuxième rapprochement, sur le front de l’immobilier, a été annoncé mi-mai par une banque et un site de financement participatif : Arkéa Banque entreprises et institutionnels, filiale du groupe Crédit Mutuel Arkéa, et Koregraf, plateforme de crowdfunding immobilier dont elle détient 5 % du capital.
Sont visés les clients promoteurs de la banque. « Nous sommes sur le top 50 des promoteurs nationaux et régionaux. Il ne s’agit pas d’accompagner un opérateur inconnu qui a peu de fonds propres. La prise de risque est limitée », assure Aurélien Deleu, directeur du marché de l’immobilier d’Arkéa Banque entreprises et institutionnels.
Mobiliser moins de fonds propres
En faisant entrer les prêteurs-investisseurs de Koregraf, appâtés par un rendement de 8 à 9 % sur trois ans maximum, la banque vise deux objectifs.
D’un côté, piocher le moins possible dans ses fonds propres. La crise des subprimes est passée par là. En témoignent les accords de Bâle III qui imposent au secteur bancaire d’en mobiliser davantage au nom d’une limitation des risques.
De l’autre, faire mobiliser moins de fonds propres au promoteur sur une opération pour lui permettre d’en investir dans d’autres programmes. « Si le promoteur ne met que 3 % de fonds propres sur les 10 % en moyenne par opération, les 7 % restants lui permettent de soutenir son développement. Dans une période où il manque cruellement de logements, cela a du sens pour créer un choc de l’offre », souligne-t-il.
Solution composite
Chaque opération sélectionnée par la filiale du groupe Crédit Mutuel Arkéa et Koregraf bénéfice d’une solution composite : un crédit immobilier traditionnel couplé à un financement via une plateforme de crowdfunding sous forme de prêts, avec une rémunération sur la base du taux d’intérêt : le crowdlending. Cette partie repose, pour l’instant, sur une enveloppe de 20 M€, alimentée à 75 % par Koregraf, à 25 % par la banque. L’effet de levier escompté est de 300 M€.
Les co-investisseurs comptent ainsi soutenir « une vingtaine de projets sur deux à trois ans », annonce Aurélien Deleu. Et par la suite ? « Une fois le programme livré, nous récupérons les fonds propres, ce qui permet de faire tourner l’enveloppe. Celle-ci pourra augmenter si nous sommes victimes de notre succès », confie-t-il.
Partager les risques
« Un rapprochement avec un crowdlender est astucieux pour la banque, juge Grégoire Challe, directeur financements immobiliers chez CBRE France. Dans le climat actuel de prudence sur le financement du marché immobilier, son réflexe, c’est de baisser le montant à accorder sur chaque opération, en particulier pour les programmes les plus risqués comme l’immobilier tertiaire en raison de la spécificité du produit. »
Associer un site de crowdfunding pour financer une opération immobilière permet ainsi à la banque de continuer à prêter moins tout en limitant les risques car partagés avec son partenaire. « Dans le cas d’une alliance, l’établissement bancaire, qui aime rester seul aux manettes, est un créancier privilégié, à savoir qu’il est le premier à pouvoir redemander sa mise de départ sur l’actif », affirme Grégoire Challe.
En cas de faillite, la banque est prioritaire
Et si le promoteur fait faillite ? Idem, « les créanciers sont remboursés par ordre de priorité », explique-t-il. En premier, la banque, en tant prêteur disposant d’une hypothèque de premier rang. Viennent ensuite les investisseurs de la plateforme de financement participatif et enfin les clients et partenaires du promoteur.
« Le risque est donc plus élevé pour le crowdlender que pour la banque. D’où un rendement entre 8 et 10 % pour le crowdlender, quand la banque se rémunère entre 2 et 3 % sur le prêt », estime-t-il.
Autre élément important en cas de faillite : la garantie financière d’achèvement (GFA), souscrite par le promoteur auprès d’un organisme bancaire, permet de terminer le chantier, même s’il met la clé sous la porte. « Cette GFA limite le risque de perte pour tous les créanciers », résume Grégoire Challe.
Reste que ces alliances peuvent aussi mener à la surchauffe. « S’il peut s’endetter facilement, le promoteur risque d’acheter plus cher le foncier. En même temps, sa marge se réduit, car il doit aussi rémunérer le crowdlender », avertit-il. De quoi crisper encore les plus frileux.