La France parviendra-t-elle à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée en matière d’intégration de considérations environnementales dans les marchés publics ? L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est penchée sur la question et en a tiré un rapport d’une centaine de pages publié en juin dernier.
Intitulé « Promouvoir les marchés publics stratégique et écologiques en France », il souligne le caractère particulièrement ambitieux du cadre réglementaire français et notamment de la loi Climat et résilience de 2021 qui prévoit l’insertion de conditions d’exécution et de critères de sélections dans l’ensemble des marchés publics à compter d’août 2026.
L’OCDE rappelle aussi les objectifs du Plan national pour des achats durables (Pnad) 2022-2025 piloté par le Commissariat général au développement durable (CGDD), qui vise à ce que, d’ici 2025, 100 % des marchés publics comportent au moins une considération environnementale. Un objectif qui risque de ne pas être atteint d'après l’OCDE, qui estime selon un modèle de prédiction que l’intégration de considérations environnementales dans les marchés de l’Etat et de ses établissements publics atteindra 83 % en 2025. A noter, que ce taux a atteint 72 % en 2024.
Des effets indésirables
Pour expliquer ce résultat, l’OCDE pointe comme première difficulté « l’approche maximaliste » adoptée par la France, qui a choisi de généraliser l’obligation à l’ensemble des marchés publics. « Certains segments d’achats ne sont forcément pertinents pour l’inclusion de considérations environnementales, tels que les prestations intellectuelles », peut-on toutefois lire dans le rapport. Il en résulte un « risque de greenwashing par les acheteurs » avec l’inclusion de clauses ou de critères qui ne produiront pas d’effet lors de l’exécution du contrat. Autre écueil de la démarche française : une possible hausse des recours par les candidats évincés, qui pourraient remettre en cause la légalité d’un marché au regard des obligations fixées par la loi Climat et résilience.
Le second frein identifié par l’OCDE est la « profusion de textes législatifs et de normes » en matière d’achat public durable. Celle-ci peut « entraîner des difficultés d’interprétation et de mise en application ». Le rapport souligne notamment le caractère non ciblé des considérations environnementales, qui peuvent relever de domaines variés tels que la biodiversité, l’économie circulaire ou encore les émissions de gaz à effet de serre. De quoi donner des maux de tête aux acheteurs publics, ceux-ci pouvant être « susceptibles de ne pas savoir quelle dimension prioriser ». Pour les aider l’OCDE préconise de clarifier et de simplifier le cadre juridique.
Le contexte budgétaire fait également obstacle à la prise en compte des enjeux environnementaux dans la commande publique, relève l’OCDE. Le rapport recommande à cet égard de davantage sensibiliser les acheteurs à la notion de coût du cycle de vie, afin de « démontrer qu’un produit vert peut coûter plus cher lors de l’acquisition mais coûtera moins cher sur le long terme ».
Mieux former les acheteurs
Plus largement, il est fait état dans le rapport d’un « manque de compétences ou de connaissances » en matière d’achat durable et d’un « manque d’outils pratiques ». Ces deux lacunes étant « les principales barrières à l’inclusion de considérations environnementales dans les achats », est-il noté.
C’est la raison pour laquelle l’OCDE met l’accent sur la professionnalisation de la fonction achats de l’Etat autour de deux axes. Le premier vise à « accélérer le renforcement des capacités par le levier de la formation ». Le rapport incite notamment la Direction des achats de l’Etat (DAE) à compléter son offre en y ajoutant une « formation reconnue et labélisée achats responsables », la dimension environnementale dans les formations déjà disponibles étant considérée comme « trop diffuse » par l’OCDE.
Le 7 juillet dernier, la DAE a annoncé avoir renforcé son offre de formation, qui intègre désormais un cursus consacré aux achats responsables. Pour la DAE, cette nouvelle offre « illustre l'engagement fort de l'Etat en faveur des achats responsables puisqu'aucune formation certifiante spécifique sur ce sujet n'était encore proposée ».
L’organisation invite également à la création de « formations thématiques en binôme » à destination des acheteurs et des prescripteurs. Ces derniers exerçant « un rôle capital dans l’achat public » car ils définissent le besoin, rédigent les spécifications techniques et participent au suivi de l’exécution. Le rapport relève qu’ils ne sont pourtant pas suffisamment sensibilisés à l’achat durable.
Des outils à développer
Second levier d’action : « apporter aux acheteurs l’assistance méthodologique et les outils nécessaires ». En commençant par « renforcer l’accès à une expertise environnementale », laquelle pourrait consister en un centre d’aides à destination des acheteurs publics. L’OCDE considère que la DAE pourrait jouer ce rôle, dans la mesure où elle est déjà dotée de trois experts spécialisés sur l’économie circulaire, la décarbonation et la biodiversité.
Le rapport préconise également de « développer des outils pour aider les acheteurs au quotidien ». Lesquels compléteraient les guides déjà publiés par la Direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ) et la DAE, dont l’OCDE souligne qu’ils sont jugés par les acheteurs interrogés comme étant « trop longs et peu pratiques ». L’OCDE conseille ainsi de mettre au point des outils plus opérationnels, comme des tableurs permettant de calculer automatiquement le bilan carbone, les économies d’énergie, le coût du cycle de vie ou les émissions de gaz à effet de serre d’un achat, ainsi qu’une base de données des fournisseurs et des produits durables, et un outil de suivi des clauses environnementales.
L’organisation salue tout de même les outils déjà déployés, comme « La Clause verte » pour l’aide à la rédaction ou « La Ref » pour identifier les obligations applicables. Sont également cités les derniers nés comme les fiches-outils développées par la DAE ou le kit achats durables de la DAJ. Le rapport met aussi en avant le portail des achats durables ouvert fin 2024 par le CGDD. Il invite à « s’assurer qu’il devienne un véritable guichet unique pour l’accès à l’information et aux ressources existantes sur les marchés publics verts ».