Interview

Silence vaut rejet pour les projets d’hydrogène : « Le principe de précaution prime sur la logique d’accélération administrative », Hassan Ben Hamadi, avocat

Le décret n° 2025-804 du 11 août 2025 portant diverses dispositions de simplification du droit de l’environnement instaure le principe selon lequel le silence de l’administration pendant trois mois vaut rejet des demandes de dispense d’évaluation environnementale concernant les projets d’hydrogène. Pour Hassan Ben Hamadi, avocat associé fondateur du cabinet Adlane Avocats, cette disposition va contraindre les opérateurs à davantage de prudence et de transparence. Une multiplication des contentieux n’est en outre pas à exclure.

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Hassan Ben Hamadi, avocat
Hassan Ben Hamadi, avocat, associé fondateur du cabinet Adlane Avocats

Quel est le contexte entourant l’adoption de cette mesure ?

Pris en application de la loi du 10 mars 2023 d’accélération de la production d’énergies renouvelables, ce décret traduit un tournant significatif dans le droit administratif de l’environnement. Là où, depuis la loi du 12 novembre 2013, le « silence vaut accord » s’imposait comme principe, l’exécutif a retenu ici une logique inverse, motivée par la protection de l’environnement et la sécurité juridique. Le gouvernement a cherché, à travers ce décret, à rationaliser le régime des dispenses d’évaluation environnementale en apportant plus de clarté et en limitant les risques d’accord implicite sur des projets sensibles.

Pourquoi a-t-il opté pour le « silence vaut rejet » dans le domaine de l’hydrogène précisément ?

L’hydrogène est au cœur de la stratégie énergétique française et européenne. Mais ses infrastructures (production, stockage, raccordement) sont particulièrement sensibles sur le plan environnemental et sécuritaire. Le choix du gouvernement vise à éviter toute autorisation implicite qui pourrait exposer à des risques industriels ou environnementaux majeurs. Ici, le principe de précaution prime sur la logique d’accélération administrative. Le décret illustre un changement de paradigme : dans un contexte de transition énergétique accélérée, la France choisit de renforcer la rigueur procédurale pour protéger l’environnement.

Combien de projets peuvent être concernés ?

Les chiffres précis sont difficiles à établir, mais les projections gouvernementales estiment que plusieurs dizaines de projets par an sont susceptibles de solliciter une dispense d’évaluation environnementale.

Quelles conséquences pratiques pour les développeurs ?

En cas de rejet tacite, l’opérateur n’a pas le choix : il doit mener une évaluation environnementale complète. Cela peut allonger :

- les délais de mise en œuvre du projet, parfois de plusieurs mois ;

- augmenter les coûts liés aux études et expertises environnementales ;

- et créer une incertitude économique, car l’investissement ne peut être sécurisé tant que l’autorisation n’est pas expresse.

Cette mesure aura donc des impacts notables pour les opérateurs, contraints à davantage de prudence et de transparence.

C’est-à-dire ?

Les opérateurs devront anticiper le risque de rejet tacite et intégrer d’emblée, dans leur calendrier et leur budget, l’hypothèse de devoir conduire une évaluation environnementale complète. Cela suppose une préparation plus rigoureuse des dossiers et un suivi rapproché des délais administratifs.

Les opérateurs devront en outre tenter, dès le dépôt du dossier, d’apporter à l’administration des informations exhaustives et documentées sur l’impact environnemental de leurs projets. Plus le dossier est clair et complet, plus il réduit le risque de rejet implicite, et plus il limite la contestation potentielle par des tiers (associations, riverains, collectivités).

La décision de rejet tacite pourra donc être contestée ?

Oui. Un rejet tacite est une décision administrative à part entière, susceptible de recours :

- recours gracieux ou hiérarchique dans les deux mois à compter de la décision de rejet (donc à l’expiration du délai de trois mois imparti par le décret pour considérer le silence de l’administration comme une décision administrative de rejet) ;

- recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, qui pourra annuler le rejet et enjoindre à l’administration de statuer à nouveau. Il faut d’ailleurs s’attendre à une multiplication des recours contre des rejets implicites.

Que se passe-t-il en cas de non-respect d’un rejet tacite ?

Le texte n’instaure pas de sanction spécifique, mais le droit commun s’applique. Un porteur de projet qui poursuit son installation malgré un rejet implicite s’expose à des sanctions administratives (mise en demeure, suspension, remise en état) et des poursuites pénales pour exploitation sans autorisation (articles L. 173-1 et suivants du Code de l’environnement).

Comment le public est-il informé si une dispense est accordée ?

En cas de dispense accordée expressément, la décision doit être rendue publique, conformément aux principes de transparence environnementale. Elle est publiée sur les sites officiels et peut être consultée par toute personne intéressée, permettant ainsi un contrôle citoyen et associatif.

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