Les règles de la commande publique permettent-elles de recourir facilement à la fabrication hors-site ? Oui, à condition de bien les utiliser, répond l’association Filière hors-site France à l’occasion d’une table-ronde organisée lors du Salon de l’immobilier bas-carbone, dont la quatrième édition se tient jusqu’à ce vendredi à Paris au Grand Palais.
« Le Code de la commande publique (CCP) est une boîte à outils très fournie mais mal connue et certaines procédures ne sont pas suffisamment utilisées », relève Amélia Tiscornia, directrice générale du cabinet d’ingénierie Scoping et administratrice de l’association. Cette dernière va prochainement mettre en ligne un guide pour faire la lumière sur toutes les possibilités offertes par le CCP.
Sélection anticipée de l’entreprise de travaux
A commencer par la « consultation anticipée sur avant-projet » de l’article R. 2431. Une procédure qui permet de conserver la dissociation entre conception et construction prévue par la loi MOP, tout en intégrant davantage les entreprises de travaux au processus d’élaboration du projet. Ce qui s’avère indispensable en matière de hors-site.
Les entreprises sont sélectionnées dès l’établissement des avant-projets, et non à l’issue de la phase projet comme c’est ordinairement le cas. Un changement modifiant la manière de travailler des maîtres d’œuvre, comme l’explique l’architecte Raphaël Gabrion : « Il faut que les avant-projets soient suffisamment précis mais laissent aussi une liberté d’action et de propositions aux entreprises. Par exemple on peut laisser de la marge de manœuvre sur les épaisseurs, tout en imposant que soient respectées les hauteurs de lignes ».
Un exercice difficile
Raphaël Gabrion identifie une difficulté : « Ce n’est pas un exercice accessible à toutes les entreprises. Elles sont mises en concurrence sur des plans structurels et doivent donc réaliser le même travail que pour un marché de conception-réalisation mais sans pouvoir s’appuyer sur l’architecte ». Car contrairement à ce qui est prévu dans un marché global, les missions de la maîtrise d’œuvre et celles des entreprises restent bien dissociées. « Le projet est au final élaboré uniquement par la maîtrise d’œuvre, qui doit s’approprier les éléments produits par l’entreprise. C’est un peu ambigu », relève l’architecte.
La conception-réalisation privilégiée par les entreprises
Jacques Bouillot, directeur développement hors-site d’Eiffage Construction, préfère d’ailleurs les marchés de conception-réalisation. Visés à l’article L. 2171-2 du CCP, ils permettent à un maître d’ouvrage de confier à un opérateur économique une mission englobant l’établissement des études et l’exécution des travaux. « En tant qu’entreprise générale, nous sommes favorables à la conception-réalisation pour le hors-site car elle associe tous les acteurs : le maître d’œuvre, l’assembleur et le fournisseur », indique-t-il.
Surtout, les projets conduits selon les principes de la loi MOP comporteraient des angles morts, selon Jacques Bouillot. « La loi MOP reporte l’intégralité de la responsabilité sur le maître d’œuvre, pointe-t-il. Et l’allotissement ne prend pas en compte le « lot zéro » - ou « lot logistique – pour la gestion des approvisionnements ».
Un outil facilitant
Du côté du bailleur social Adoma, le marché de conception-réalisation a également la côte. « Il représente environ 60 % de nos marchés passés en 2024. Mais s’il facilite le hors-site, ce n’est pas un prérequis, souligne sa directrice générale adjointe, Stéphanie Demeure dit Latte. Nous parvenons également à y recourir dans les projets conduits en loi MOP ».
Innover dans le cadre de la loi MOP
« La loi MOP n’interdit pas l’approche hors-site », confirme Adrien Petit, directeur général de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (Miqcp). Il appelle les maîtres d’ouvrage publics à faire preuve d’innovation et à moderniser leurs pratiques. « Les accords-cadres pourraient être utilisés pour sélectionner des entreprises de travaux en amont de la passation des marchés de maîtrise d’œuvre », propose-t-il. Les entreprises retenues pour plusieurs années seraient ainsi mobilisables sur les différents projets de construction lancés par les maîtres d’ouvrage et pourraient commencer à collaborer avec les maîtres d’œuvre dès leur lancement. « Cela pourrait favoriser le recours à la fabrication hors-site mais aussi à l’utilisation de matériaux bio et géosourcés », estime Adrien Petit.