Vous êtes le secrétaire général de la Miqcp depuis avril dernier. Pourriez-vous rappeler sa vocation première ?
Elle est née dans la foulée de la loi de 1977 sur l'architecture, en tant que structure de réflexion, de conseil et d'assistance pour la maîtrise d'ouvrage publique, dans la construction et l'aménagement du cadre de vie. Elle vise à définir et alimenter le contexte juridique et doctrinal des marchés de maîtrise d'œuvre privée passés par la maîtrise d'ouvrage publique et à mieux définir leurs rapports. Historiquement, elle est un service d'appui, qui édicte des préconisations en matière de doctrine, de procédures et de processus de projet. Aujourd'hui, nous capitalisons sur près de cinquante ans d'existence en proposant des guides pratiques et des fiches techniques, mais aussi en participant à des études spécifiques (matériaux bio et géosourcés, construction hors site, réhabilitation, paysage, etc.), commandées par nos partenaires (ministère de la Culture, ministères de l'Aménagement du territoire et de la Transition écologique, GIP Epau, ordre des architectes…), ou bien sur des sujets dont nous nous autosaisissons.
La Miqcp intervient aussi de manière ponctuelle : journées de sensibilisation, modules de formation pour étudiants (Ecole des Ponts, ESTP, écoles d'architecture) ou auprès des professionnels de l'aménagement du cadre de vie dans les territoires (Centre national de la fonction publique territoriale, CAUE, Croa, etc.).
Autant d'occasions de faire remonter du terrain les difficultés rencontrées par les maîtres d'ouvrage et de se nourrir des enseignements sur les projets qu'ils mettent en œuvre. Sans oublier notre assistance téléphonique, ni nos 31 architectes-consultants qui siègent dans les jurys, porteurs de nos valeurs et qui font aussi valoir leur point de vue de praticiens.
La ministre de la Culture a annoncé en février une réforme de la Miqcp. En quoi consiste-t-elle ?
Comme le souhaitent les ministères de la Culture et de la Transition écologique, il faut une actualisation de nos outils et activités face aux enjeux actuels. Il s'agit surtout d'une « revitalisation » pour mieux épouser les besoins des territoires et des collectivités. La Miqcp reste encore peu connue, malgré une intense activité. Si je fais un parallèle avec la réhabilitation d'un bâtiment, nous en somme au diagnostic préalable.
Je rencontre en ce moment nos partenaires pour évaluer « l'état des troupes » et consolider les expertises. J'annoncerai à la rentrée nos nouveaux axes de développement mais, d'ores et déjà, apparaît la nécessité de gagner en lisibilité et en opérationnalité, en rendant nos conseils plus accessibles aux « petites » collectivités territoriales. Il nous faut être plus didactiques, donner les clés pour pouvoir, par exemple, choisir facilement les bonnes procédures de mise en concurrence, en fonction du temps, du budget et des ambitions des commanditaires. J'aimerais mettre en place rapidement cette « boîte à outils », notamment pour les maîtres d'ouvrage débutants ou occasionnels.
Il faut aussi réaffirmer notre vocation de service juridique gratuit et « réenchanter » les consultations de maîtrise d'œuvre pour ne pas effrayer avec le terme de « commande publique ». Cela passe par la montée en compétences des acteurs locaux, la redéfinition d'un cadre plus vertueux pour les consultations et leur facilitation. Nous devons nous positionner aussi sur des enjeux, tels que la transformation du déjà-là, la renaturation, le hors-site, la décarbonation des bâtiments publics à l'aide de matériaux biosourcés, géosourcés ou de réemploi, etc.
Je souhaiterais enfin aller vers l'expérimentation en matière de processus de maîtrise d'ouvrage, dans l'accompagnement de démarches innovantes, comme l'économie circulaire, la participation du public dans les concours, etc.
De grandes ambitions supposent de grands moyens… Quels sont-ils aujourd'hui ?
En termes d'effectif, la Miqcp peut être comparée à un CAUE moyen. Elle est actuellement en mode réduit, avec 10 équivalents temps plein (ETP) depuis quelques années, et des postes non pourvus. Ils le seront bientôt pour aller vers 12, voire 15 ETP. Une campagne de recrutement est en cours afin de renouveler la moitié de nos effectifs et accueillir des forces vives au service des nouveaux champs d'expertise à ouvrir.
Le volet « communication » est le premier sujet, avec la refonte de notre site web et la mise en ligne de nouveaux outils, sans oublier une présence sur les réseaux sociaux. Notre pôle juridique s'étoffe également. Côté budget, assuré à parts égales par le ministère de la Culture et celui de la Transition écologique, nous verrons à le renforcer en nouant, peut-être, des partenariats avec de nouveaux financeurs…
« Nous avons un rôle de “passeur” entre les différents organismes, pour la remise à plat de l'action de l'Etat en faveur de l'architecture. »
La Miqcp prévoit-elle d'actualiser ses prescriptions en matière de rémunération de la maîtrise d'œuvre dans les marchés publics afin de les adapter aux nouvelles exigences rendues nécessaires par la RE 2020 ?
La question est : faut-il adapter la rémunération de la maîtrise d'œuvre compte tenu des prestations liées à la nouvelle donne environnementale ? La Miqcp est connue aujourd'hui pour son simulateur d'honoraires en ligne, qui encadre la mission de base des architectes, en gros, de l'esquisse jusqu'à l'assistance à la réception. Les sujets environnementaux apparaissent souvent comme des demandes complémentaires non prises en comptes à ce jour par notre simulateur. C'est là un premier sujet : il nous faut mieux définir ces missions, réemploi ou autres, et faire évoluer notre outil en conséquence.
Par ailleurs, une remise à plat s'impose : notre simulateur a suivi l'inflation en s'adaptant à l'évolution des indices de prix du bâtiment, mais ceci a-t-il encore un sens compte tenu de la complexité grandissante des projets ? Face aux demandes de certaines maîtrises d'ouvrage, une clarification de leur contenu s'impose. Ce sont là deux chantiers distincts.
Combien de demandes d'assistance recevez-vous par an, de qui et sur quels sujets ?
Nous répondons à environ 500 sollicitations par an émanant plutôt de « petites » collectivités locales, mais aussi de grandes maîtrises d'ouvrage (métropoles, services de l'Etat).
Les sujets abordés touchent aux différents types de consultations (concours, dialogue compétitif, marchés adaptés, etc.), à la constitution des jurys, à la démarche de programmation… Nous venons en appui, avec des conseils pratiques et concrets, en fonction de chaque projet. Cette expertise juridique et technique est notre colonne vertébrale. Notre souhait est ici d'intervenir le plus en amont possible, pour défendre les bonnes pratiques, la bonne organisation des acteurs, etc. Et ce pour toutes les étapes du projet, ce qui est gage de qualité du résultat.
Le gouvernement imagine, pour des raisons économiques, de supprimer ou fusionner certains opérateurs de l'Etat. Un rapprochement avec le Cerema, par exemple, est-il envisageable ?
Le Cerema est un partenaire précieux, producteur d'études et d'assistance pour l'Etat et les collectivités, au service de l'aménagement des territoires. La Miqcp a un champ de compétences et un mode d'action très différents. Elle tire sa force de sa réactivité, ainsi que de sa double dimension, interministérielle et territoriale, qui en fait un médiateur agile. Nous avons ce rôle de « passeur » entre les différents organismes, pour la remise à plat de l'action de l'Etat en faveur de l'architecture. La Miqcp est légitime à intervenir auprès de la DAJ de Bercy, des « ministères constructeurs » [qui construisent pour eux-mêmes, tels le ministère de la Justice pour les prisons, NDLR], et partout auprès des CAUE, des directions départementales des territoires, des agences techniques départementales, des associations locales, des fédérations professionnelles, etc. Tout un écosystème territorial à cartographier et à mettre en réseau. La Miqcp peut jouer ce rôle de liant, de facilitateur et, d'un territoire à l'autre, porter les bonnes pratiques sur les méthodes et les enjeux.