Jurisprudence

Responsabilités des constructeurs : l’exclusion des éléments d’équipement à vocation professionnelle doit être écartée en marchés publics

Dans la lignée du principe dégagé en 2023 par le Conseil d’Etat, une cour administrative d’appel rappelle que les dispositions de l’article 1792-7 du Code civil ne sont pas applicables aux marchés publics de travaux. Que ce soit au titre de la garantie décennale ou de la garantie biennale, précise-t-elle.

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Université
Le litige portait sur des désordres affectant des écrans installés dans des amphithéâtres.
Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2018/11/09N°412916
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2023/06/05N°461341

Une société publique locale (SPL), agissant pour le compte d'une région, a conclu en 2015 un marché de travaux pour la construction d’une université, dont un lot portait sur la fourniture et la pose d'écrans dans les amphithéâtres.

A la suite de désordres apparus sur deux des cinq écrans installés, la SPL a saisi la juridiction administrative pour engager la responsabilité de l’entreprise titulaire du lot, à titre principal sur le fondement de la garantie décennale et à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie biennale. Après avoir été déboutée par le tribunal administratif (TA) de Montpellier, elle a formé appel devant la cour administrative d’appel (CAA) de Toulouse, qui a rendu sa décision ce 10 juin (CAA Toulouse, 10 juin 2025, 23TL01454).

Des équipements dissociables de l'ouvrage

La CAA rappelle pour commencer la formule selon laquelle « il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendu avant l’expiration du délai de dix ans ».

Relevant que les écrans en cause présentent le caractère d’un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage, la cour précise que la responsabilité décennale du constructeur peut aussi être recherchée pour des dommages survenus sur de tels équipements. Il ne suffit toutefois pas que les désordres empêchent le fonctionnement normal de l’équipement mais il faut qu’ils aient pour conséquence de rendre l’ouvrage impropre à sa destination, ajoute la CAA, qui fait ici application d’une jurisprudence bien établie du Conseil d’Etat (CE, 9 novembre 2018, n° 412916, mentionné au recueil Lebon).

La destination de la faculté n'est pas compromise par les dommages

Ici, la CAA considère que les désordres les affectant ne sont pas de nature à rendre l’université impropre à sa destination. Ainsi le fait que deux écrans soient déchirés n’a pas « entraîné une interruption des enseignements » ni « empêché ceux-ci d’être réalisés dans des conditions normales ».

S’agissant des trois autres écrans, qui ne sont pas endommagés, la CAA estime qu’il n’est pas suffisant que l’expert ait indiqué ne pas exclure qu’ils puissent être « affectés des mêmes désordres dans les années qui viennent » pour retenir une généralisation des désordres au point de compromettre la destination de la faculté. Si bien que la cour refuse de condamner l’entreprise sur le fondement de la garantie décennale.

La garantie de bon fonctionnement s'applique

En revanche, elle va accepter de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie biennale de bon fonctionnement. Laquelle « s’applique aux éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage qui ne le rendent pas impropre à sa destination ou n’affectent pas sa solidité », est-il rappelé dans l’arrêt. 

La CAA déjuge ainsi le TA, qui en première instance avait considéré que les écrans constituent des éléments d’équipements à vocation professionnelle devant être exclus du champ de la garantie biennale, conformément aux dispositions de l’article 1792-7 du Code civil. Cet article n’est toutefois pas applicable à la garantie biennale de bon fonctionnement « comme d’ailleurs à la garantie décennale », relève la juridiction d'appel. Elle s’appuie ici sur la solution dégagée en 2023 par le Conseil d’Etat selon laquelle l’article 1792-7 du Code civil ne s’applique pas aux marchés publics de travaux (CE, 5 juin 2023, n°461341, mentionné au recueil Lebon).

La CAA condamne l'entreprise au versement d'un montant correspondant au coût de fourniture et de pose d'un grand écran, la SPL n'ayant recherché sa responsabilité biennale que pour l'écran le plus endommagé. 

Cour administrative d’appel de Toulouse, 10 juin 2025, n° 23TL01454

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