Jurisprudence

Marchés publics : le sort des désordres affectant un « élément d’équipement dissociable » de l’ouvrage

Dans une décision du 9 novembre, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur l’application de la garantie décennale des constructeurs, lorsque les désordres ne concernent pas l’ouvrage lui-même mais un élément dissociable tel qu’une chaudière.

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Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2018/11/09N°412916

C’est à une utile clarification quant à l’étendue de la garantie décennale due par les titulaires d’un marché public que le Conseil d’Etat a récemment procédé. Plus précisément, il s’est prononcé sur le régime applicable aux éléments dissociables de l’ouvrage.

Il s’agissait, dans cette affaire, d’une commune ayant décidé de faire construire une salle multi-activités comprenant un centre de loisirs et une salle communale. Pour cela, elle a passé une série de marchés publics, dont un lot « chauffage-ventilation ».

Des désordres étant apparus dans le système d’alimentation du silo de stockage des combustibles de la chaudière, la commune a saisi le juge administratif pour demander la condamnation des constructeurs et du fabricant à réparer, sur le fondement de la garantie décennale, les conséquences de ces désordres. L’affaire est finalement arrivée devant le Conseil d’Etat.

Elément d’équipement dissociable

La Haute juridiction rappelle tout d’abord (selon une formule déjà maintes fois utilisée) qu’ « il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ».

Puis, que « la responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination ».

Par conséquent, « la circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination. »

Les désordres rendent l'ouvrage lui-même impropre à sa destination

Dans un second temps, pour trancher le litige, le Conseil d’Etat reprend l’analyse de la cour administrative d’appel de Nancy. Cette dernière a distingué d’un côté l’ouvrage comprenant le centre de loisirs et une salle communale, et de l’autre, un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage constitué de la chaudière et du silo d’alimentation. Le cœur du litige portant sur cet élément dissociable, il revient ainsi au juge administratif de rechercher si les désordres rendent l’ouvrage impropre à sa destination. Auquel cas, la responsabilité décennale des constructeurs pourra être engagée.

Tel n’est pas le cas dans cette affaire. Au contraire, les juges suprêmes considèrent « qu'en jugeant que les dysfonctionnements [...]  compromettaient seulement le fonctionnement du système de chauffage tel qu'il avait été prévu par les stipulations contractuelles mais n'affectaient pas le chauffage de la nouvelle salle communale dans des conditions qui devraient conduire à les regarder comme rendant l'ouvrage impropre à sa destination, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. » Le pourvoi de la commune est dès lors rejeté.

CE, 9 novembre 2018, n°412916, mentionné au recueil Lebon

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