Le 28 mai dernier entrait en vigueur la nouvelle directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (directive 2024/1275 du 24 avril 2024), remplaçant celle de 2010 (directive 2010/31/UE du 19 mai 2010) qui avait déjà été plusieurs fois retouchée. Le texte prend place au sein du Pacte vert européen, visant notamment une réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne (UE) de 55 % d’ici 2030.
Partant du constat que 75 % du parc immobilier de l’UE présente une faible performance énergétique, Bruxelles entend intensifier sa rénovation. Laquelle ne va pas suffisamment vite pour l’heure : si 11 % des bâtiments sont rénovés chaque année, seulement 1 % le sont à un niveau profond. La directive fixe ainsi de nouveaux objectifs en la matière, déclinés en exigences de performance énergétique des bâtiments (article 5) basés sur une méthode de calcul commune à tous les Etats membres (article 4). Ces derniers disposent de deux ans pour transposer le texte et prendre les mesures qui s'imposent.
Feuilles de route nationales et passeports de rénovation
En commençant par établir un « plan national de rénovation des bâtiments », dont le contenu minimal est précisé à l’article 3 de la directive. Cette feuille de route fera l’objet d’une évaluation par la Commission européenne.
Conformément à l’article 12, les Etats membres devront également mettre en place un système de « passeport de rénovation », à destination des propriétaires de bâtiments résidentiels et tertiaires. Dans un webinaire consacré aux enjeux de la transposition de cette directive en France, Christophe Rodriguez, directeur général de l’Institut français pour la performance du bâtiment (Ifpeb), relevait que l’audit énergétique français répond aux caractéristiques attendues du passeport de rénovation, à condition toutefois de l’étendre au secteur tertiaire.
Améliorer la performance énergétique des bâtiments tertiaires
L’article 9 de la directive demande aux Etats membres d’établir des normes minimales de performance énergétique pour les bâtiments. Ces seuils sont fixés sur la base du parc existant au 1er janvier 2020. A compter de 2030, 16 % du parc immobilier non résidentiel de chaque Etat devra se trouver au-dessus du seuil fixé. A compter de 2033, le taux à respecter sera de 26 %.
Comme indiqué par l’Ifpeb, en France le décret tertiaire pose déjà une obligation en matière de performance énergétique : il cible une réduction des consommations des bâtiments tertiaires de 40 % par rapport à une valeur de référence - soit choisie entre 2010 et 2019 soit fixée en valeur absolue en fonction des barèmes de l’Ademe -, cette obligation ne visant par ailleurs que les bâtiments d’une surface de plancher égale ou supérieure à 1000 m². Il faudra dès lors s'assurer de la compatibilité du décret avec la directive lors de la transposition de cette dernière.
Une trajectoire de réduction des consommations du parc résidentiel
S’agissant du secteur résidentiel, les trajectoires d’amélioration de la performance énergétique ne sont pas établies bâtiment par bâtiment mais en référence à la moyenne de consommation d’énergie primaire du parc national. Il est demandé aux Etats membres de prendre les mesures pour que cette consommation diminue de 16 % par rapport à 2020 d’ici 2030, puis d’au moins 20 % d’ici 2035.
Les DPE pourraient être utilisés comme véhicule de transposition de ces objectifs en droit français, estime l'Ifpeb. Toutefois ces diagnostics n'emportent qu'une interdiction de location des logements ayant une étiquette basse, mais ils n'imposent aucune obligation de rénovation pour les logements habités par leur propriétaire. Or la directive vise l'ensemble des bâtiments résidentiels.
Des mesures pour le financement
Ces objectifs s’accompagnent d’un panel de mesures pour faciliter la réalisation d’opérations de rénovation (articles 17 et 18). Les Etats sont ainsi invités à mettre en place des dispositifs de soutien financier, couplés à des guichets uniques, et d’incitation à l’investissement privé. Lesquels devront cibler en priorité les ménages en situation de précarité énergétique et les rénovations en profondeur. La Commission prendra également dans les prochains mois un acte délégué pour pousser les banques à prêter davantage aux propriétaires désireux de réaliser des rénovations énergétiques.
A noter également que la directive prévoit une harmonisation des certificats de performance énergétique (article 19), dont les étiquettes devront être comprises entre A et G, comme c’est déjà le cas en France.
Des objectifs de performance pour le neuf
L’article 7 de la directive indique que les Etats membres doivent veiller « à ce que les bâtiments neufs soient des bâtiments à émissions nulles ». Une obligation applicable à compter du 1er janvier 2028 pour les bâtiments publics puis étendue à toutes les nouvelles constructions au 1er janvier 2030. L’article 11 précise que pour être à émission nulle, un bâtiment doit n’avoir qu’une très faible consommation d’énergie. Laquelle doit être fournie par des énergies renouvelables produites sur site ou à proximité, par une communauté d’énergie, par un réseau de chaleur ou de froid efficace, ou par des énergies décarbonées. Deuxième condition : ne pas émettre de carbone sur place provenant de combustibles fossiles. En France, la transposition de ces exigences pourraient nécessiter d’adapter la RE 2020.
Fin des chaudières à combustibles fossiles
La sortie des combustibles fossiles est un des objectifs phares de la nouvelle directive (article 13). Les Etats membres devront ainsi supprimer toutes incitations financières pour l’installation de chaudières autonomes utilisant ces combustibles. Ils devront également établir un plan de sortie définitif de ces chaudières, dans le parc immobilier existant, d’ici 2040. Bruxelles publiera prochainement des lignes directrices pour préciser ces obligations.
Accélération de la solarisation
La directive comprend aussi des dispositions pour accélérer la solarisation des bâtiments (article 10). Des dispositifs de production d’énergie solaire devront être installés sur tous les bâtiments neufs publics et tous les bâtiments non résidentiels d’une surface de plancher égale ou supérieure à 250 m² au plus tard le 31 décembre 2026, et sur tous les bâtiments neufs résidentiels au plus tard le 31 décembre 2029.
Des obligations concernent aussi le parc existant. Pour les bâtiments publics, des installations d’énergie solaire devront être réalisées progressivement en fonction de la surface de plancher au plus tard à partir du 31 décembre 2027. Pour le secteur non résidentiel, l’obligation s’appliquera à compter de la même date et concernera les bâtiments d’une surface de plancher supérieure à 500 m² faisant l’objet de travaux de rénovation importante ou nécessitant l’obtention d’une autorisation d’urbanisme.
Mise en cohérence
La transposition de ces obligations nécessitera sans doute de modifier le décret du 18 décembre 2023 et les deux arrêtés du 19 décembre 2023 pris en application de la loi Climat et résilience de 2021. Ces textes imposent de solariser les constructions des bâtiments ou parties de bâtiment à usage commercial, industriel ou artisanal, à usage d'entrepôt, les hangars non ouverts au public faisant l'objet d'une exploitation commerciale et les constructions de parcs de stationnement couverts accessibles au public, créant plus de 500 m² d'emprise au sol, ainsi que les constructions de bâtiments ou parties de bâtiment à usage de bureaux créant plus de 1 000 m² d'emprise au sol. Ces obligations s'appliquent également aux extensions et rénovations lourdes de ces bâtiments, ces travaux visant ceux « qui ont pour objet ou qui rendent nécessaire le renforcement ou le remplacement d’éléments structuraux concourant à la stabilité ou à la solidité du bâtiment ».
A noter enfin que la directive fixe de nouvelles obligations en matière de déploiement de bornes électriques dans les parkings des bâtiments (article 14). Là encore, leur transposition impliquera d’actualiser les seuils en vigueur dans notre droit positif.