Notre-Dame de Paris, comme on ne l’avait jamais vue

Cinq ans après l’incendie qui avait ravagé la cathédrale, et à quelques jours de sa réouverture au public le 8 décembre, «Le Moniteur» a pu glisser un œil à l’intérieur du monument restauré. Une visite en coup de vent, illuminée par la blancheur révélée des pierres multiséculaires.

Image d'illustration de l'article
Voici Notre-Dame, telle que pourra la découvrir le public à partir du 8 décembre, cinq ans après l'incendie qui l'avait mise en péril.

Le réveil de Notre-Dame, certains ont déjà eu la chance de le constater, comme Emmanuel Macron qui a procédé à la dernière de ses multiples inspections de chantier le 29 novembre dernier. Et plus nombreux encore seront ceux qui se presseront pour l’observer à partir de ce dimanche 8 décembre, jour officiel de la réouverture au public de la cathédrale. Entretemps, à quelques jours du lancement des cérémonies inaugurales, des médias, dont «Le Moniteur», sont autorisés à franchir le seuil du monument, juste le temps de vérifier que la vénérable Dame de l’île de la Cité avait surmonté l’épreuve infligée par l’incendie du 15 avril 2019.

Cinq ans, pas plus

Depuis lors, derrière les palissades, elle a été l’objet d’un impressionnant chantier. Plus de 2 000 hommes et femmes ont participé à réparer les dommages causés par le sinistre. Refermées les béances dans les voûtes ; restituées, la toiture et son incroyable charpente parties en fumée ; presque achevée, la flèche disparue et refaite à l’identique de celle imaginée au XIXe siècle par Eugène Viollet-le-Duc... Autant de travaux menés au pas de course, pour respecter le délai fixé par le Président de la République lui-même. Cinq ans. Pas plus. «Nous avons fait un marathon sur le rythme d’un sprint», résume Rémi Fromont, l’un des architectes en chef des monuments historiques (ACMH) de l’équipe montée par le titulaire de la charge de Notre-Dame au lendemain du sinistre, Philippe Villeneuve.

Le pas de course, c’est aussi la cadence imposée à la petite troupe de journalistes pour cette visite, emmenée par Philippe Jost, le président de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris. En trois quarts d’heure, soit le temps d’une pause entre deux répétitions des musiciens qui joueront pour la réouverture, il guide son auditoire à travers la nef, devant les chapelles latérales, puis dans le déambulatoire du chœur, pour s’arrêter dans celui-ci, un instant.

Il faut tendre l’oreille pour ne rien manquer de ses explications… jusqu’à qu’on en perde le fil, les yeux grands ouverts devant le spectacle, saisissant, de Notre-Dame comme jamais on ne l’avait vue.

Incroyable blancheur

Comme toute personne qui avait connu la cathédrale «d’avant», on gardait le souvenir d’un lieu sombre. D’un monument qui pour être si mondialement connu, s’avérait - allez, avouons-le – un peu lugubre. Et la voilà qui révèle le secret, tu depuis sûrement des siècles, de son incroyable blancheur. Notre-Dame est devenue lumineuse, autant que l’est à l’état pur la pierre calcaire dans laquelle elle a été taillée. Pour la première fois sans doute, on prend la mesure de la hauteur qui nous sépare des voûtes. De combien, nous visiteurs, sommes petits. Un journaliste vieux routard du patrimoine, connu pour son regard acéré, apprécie. La cathédrale lui apparaît magnifique.

Certes, Emmanuel Macron l’avait promis le lendemain du sinistre : «Oui, nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame, plus belle encore.» Et son ACMH, Philippe Villeneuve, avait prévenu, quelques jours avant cette visite : «Elle a été très bien restaurée.» Mais Philippe Jost enfonce le clou : «Elle a été transformée. Nous sommes allés au-delà d’un simple nettoyage des 40 000 m² de surface de pierre. Elle n’a jamais connu un tel état de clarté.» Rémi Fromont croit même «probable qu’il n’y ait jamais eu, dans l’histoire, une vision aussi claire et aussi globale de Notre-Dame».

L'ampleur est d’autant plus manifeste que, comme le fait remarquer Philippe Jost, des cloisons de bois qui séparaient la nef centrale des allées latérales ne sont plus là et «ne seront pas remises afin qu’on appréhende mieux l’édifice dans toute sa largeur et sa longueur

Au jeu des différences, on échoue en revanche à distinguer les pierres d’origine des voûtes, des neuves employées pour en reboucher les trous. Alors que tout le monde a le nez en l’air, Rémi Fromont rappelle combien ces maçonneries «ont en réalité très bien tenu pendant l’incendie. Les voûtes n’ont percé que là où des éléments lourds sont tombés».

Cela fait partie de ces quelques «miracles» que les hôtes de Notre-Dame aiment à relater : le fait que la flèche, alors corsetée dans un échafaudage, se soit presque totalement consumée, évitant un effondrement massif dont les dégâts auraient pu être irrémédiables. Ou encore que la Vierge à l’enfant du XIVe siècle ait été sauvée de la destruction, à l’abri d’un enchevêtrement de poutres calcinées. Elle a retrouvé la place à l’entrée du chœur que lui avait choisie Viollet-le-Duc en 1855.

Eclatant de couleurs

Philippe Jost attire l’attention sur d’autres œuvres qui, elles, ont été repositionnées pour être davantage mises en valeur. Ainsi une grande scène de la Visitation peinte au XVIIIe par Jean Jouvenet accueille désormais le visiteur à l’entrée de la nef dans un surgissement de couleurs. Comme toutes les œuvres accrochées dans la cathédrale, il a profité de l’effet conjugué d’un nettoyage soigneux et de la nouvelle ambiance qui règne dans les lieux. Il est éclatant. Tout comme le sont les grandes roses et tous les vitraux.

On lance un regard rapide aux quelques nouveautés comme le mobilier liturgique dont la création a été confié par l’Archevêché au designer Guillaume Bardet. Ce dernier a conçu un baptistère et un autel tout en rondeurs. Un de ses consœurs, Ionna Vautrin, a elle dessiné les nouvelles chaises. Quelques journalistes testent l'assise : «confortable !» On ne peut s’empêcher de marquer un temps d’arrêt devant la chapelle axiale, à l’arrière du chœur. L’auréole en cabochons de verre du reliquaire pensée par designer Sylvain Dubuisson s’apprête à recevoir là, le 13 décembre prochain, la Sainte couronne d’épines du Christ.

Le dragon terrassé

On voudrait compter ces petits pavés de verre (on lira ailleurs qu’il y en a tout de même 396), qu'on serait vite rappelé à l'ordre. Un accompagnateur ferme la marche, avec l’ingrate mission de répéter : «Madame, il faut rejoindre le groupe.»  On passe alors à une chapelle suivante, qui accueille pour quelques temps le vestige cabossé du coq qui, jusqu’à l’incendie, nichait à la pointe de la flèche. Une autre exposition temporaire est dédiée aux pompiers et aux compagnons qui ont sauvé la cathédrale, dans la chapelle Saint-Georges. Après tout, ils ont aussi terrassé le dragon.

Tout près, une cimaise est consacrée au général Jean-Louis Georgelin qui, le premier, mit en ordre de bataille les troupes qui allaient restaurer la cathédrale, et dirigea l’établissement public jusqu’à sa mort accidentelle lors d’une randonnée en août 2023. Une plaque gravée dont le Diocèse décidera de l’emplacement définitif, rapporte ces mots qu’il répétait volontiers : «là où il y a une volonté, il y a un chemin.» Drôle de paroissien que cet ancien chef d’Etat-Major des armées qui usait là d'une citation le plus souvent attribuée... à Lénine.

Le temps est écoulé et les journalistes se retrouvent en petites grappes à poser leurs dernières questions sur le parvis. Ou plus précisément sur les tout premiers mètres carrés aménagés par l’équipe du paysagiste Bas Smets, que la Ville de Paris a choisie pour réaménager l’espace public devant la cathédrale. Mais ce n’est là que l’amorce d’un autre chantier, qui devrait réellement commencer à l’automne 2025.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !