Le mémorial dédié aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 n’est pas un monument, mais un jardin. Tel était le vœu des associations réunissant les victimes et les familles, Life for Paris et 13onze15 Fraternité-Vérité, avalisé par un vote du Conseil de Paris en 2019 : serait réalisé « un jardin du souvenir », accessible aux rescapés et aux proches des personnes décédées « mais aussi à tous les Parisiennes et les Parisiens ». La délibération précisait que l’espace serait destiné à témoigner des événements tout en étant « un lieu de vie ». L’aménagement souhaité a ouvert le 20 juin dernier, sur la place Saint-Gervais (IVe ), qui s’étend de l’église éponyme à l’arrière de l’Hôtel de Ville. Un lieu central et unique, choisi pour n’avoir pas été l’une des six cibles des terroristes ce soir-là, mais pour les évoquer tous.
Image mentale.
L’exercice demandait de la subtilité. La réponse de l’agence de paysage Wagon Landscaping, mandataire de l’équipe de maîtrise d’œuvre retenue par la mairie en 2022, a été de « ramener la géographie des six sites dans le jardin, explique Mathieu Gontier, l’un de ses associés cofondateurs. Nous avons tous conservé une image mentale de la configuration de ces lieux, certains parce qu’ils y étaient, d’autres parce qu’ils connaissaient des gens qui s’y trouvaient. Nous avons utilisé et réinterprété ces plans que nous avons gardés en tête, pour composer le jardin. »
Le secteur du Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et, à Paris, du Bataclan et des terrasses de restaurants établis en quatre points des Xe et XIe arrondissements sont représentés symboliquement par des blocs de granit qui structurent le périmètre. « Ces pierres représentent le sol qui, lui aussi, a été attaqué », poursuit le paysagiste-concepteur. Les plus grandes sont des stèles gravées des noms des 132 personnes décédées pendant ou à la suite des attaques. A partir de cette enceinte mémorielle, la masse minérale décroît, jusqu’à ce que se développe une clairière centrale, dégagée, apaisante et appropriable. Ce jardin de 3 500 m², non clôturé, fait en effet partie de la ville. Ses allées qui s’étirent dans la continuité des rues environnantes permettent à tout un chacun de le traverser facilement. Ainsi que le souhaitaient les associations, l’espace reste de la sorte ouvert aux usagers du quotidien et aux promeneurs.
Granit bleu de Lanhélin.
Life for Paris et 13onze15 Fraternité-Vérité ont participé aux différentes étapes de mise en œuvre du projet. Elles ont notamment été consultées sur le choix de la pierre déclinée dans tout l’aménagement. « Nous souhaitions avoir une unité de couleur et nous pensions qu’elles iraient vers une teinte claire. Mais, pour éviter un aspect par trop mortuaire, elles ont préféré le granit bleu de Lanhélin (Ille-et-Vilaine) », raconte Mathieu Gontier qui assure que, « dès qu’il pleut, cette pierre devient vraiment bleue ». Les représentants des associations ont également pris part aux plantations.
Dans cet aménagement à la végétation abondante, les essences sélectionnées soulignent les variations de densité du paysage. Dans les jardins de rocaille, adossés aux stèles, se dressent des arbustes, notamment des pommiers d’ornement ou de petits pins alpins. Le cœur du site concentre, lui, une strate basse de graminées et de vivaces, et crée une zone plus fleurie. L’équipe de conception a d’ailleurs élaboré sa palette pour garantir des floraisons tout au long de l’année, et surtout pour qu’à l’orée de l’hiver, à la date anniversaire des attaques, le jardin reste beau.
Enfin, l’aménagement a tenu compte de l’appropriation par des formes de vie animales, notamment en privilégiant des plantes nourricières. « Selon le jardinier-paysagiste Gilles Clément, avec qui nous avons travaillé, le jardin sera vraiment apaisé lorsque les oiseaux viendront s’y installer », rapporte Mathieu Gontier, qui relate l’émotion suscitée par la présence, le jour de l’ouverture, d’une nichée de mésanges. Ce jour-là a aussi été marqué par la plantation, côté Hôtel de Ville, d’un olivier de la paix. Il fait désormais écho au grand orme de la justice, planté devant le parvis de Saint-Gervais au XIXe siècle, en vertu d’une tradition remontant au Moyen Age.
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Mairie de Paris, direction de la voirie et des déplacements. Maîtrise d'œuvre : Wagon Landscaping (paysagiste-concepteur, mandataire). Cotraitants : Gilles Clément (artiste jardinier), Arep (VRD, hydraulique, structure, économie, direction travaux), Soja (architectes du patrimoine), ON (concepteur lumière). Principales entreprises : Groupe Loiseleur (paysage, mandataire), Les Paveurs de Montrouge (aménagement urbain), Citeos (éclairage), Bretagne Granits (fourniture et taille des pierres), Leggerini (gravure).
Superficie : 3 500 m². Coût des travaux : 4 M€ HT.







