Jurisprudence

Marchés publics : des pénalités peuvent être modérées si l’acheteur a contribué à placer le titulaire en situation de manquer à ses obligations

Le Conseil d’Etat indique, dans une décision du 15 juillet, que les fautes commises par l’acheteur public sont susceptibles d’atténuer la gravité des manquements commis par le titulaire d’un marché. Ainsi, le fait de ne pas avoir introduit de clause de révision du prix, en méconnaissance des dispositions réglementaires applicables, constitue une faute justifiant que des pénalités soient diminuées par le juge. 

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Les pénalités de retard peuvent être modulées par le juge.
Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2025/07/15N°494073
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2008/12/29N°296930
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2025/07/15N°494073

Titulaire de deux marchés publics conclus avec le même acheteur et ayant le même objet, une entreprise s’est vu appliquer des pénalités. Après l’échec de son retour gracieux, elle a saisi le juge administratif pour obtenir l’annulation des titres de recettes et se voir décharger de l’obligation de payer ces pénalités, d’un montant total d’environ 200 000 euros. Déboutée par les juges du fond, l’entreprise s’est pourvue devant le Conseil d’Etat.

Un montant manifestement excessif ou dérisoire

Dans sa décision du 15 juillet dernier (CE, 15 juillet 2025, n° 494073, mentionné au recueil Lebon), la Haute juridiction rappelle que ce n’est qu’à titre exceptionnel que le juge peut modérer ou augmenter les pénalités prévues dans un marché public. Il faut que le titulaire du contrat soit en mesure de démontrer que les pénalités appliquées atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché, selon un principe issu d’une ancienne décision du Conseil d’Etat (CE, 29 décembre 2008, n° 296930, publiée au Recueil). 

Prise en compte des fautes commises par l'acheteur

Ce dernier relève que l’entreprise faisait valoir que l’inexécution de ses obligations contractuelles résultait des fautes commises par l’acheteur. Déjugeant le tribunal administratif (TA) et la cour administrative d’appel (CAA), il considère que cette circonstance est susceptible de justifier que des pénalités contractuelles puissent être modérées. Le TA et la CAA ont commis une erreur de droit en s’abstenant de répondre à cet argument, indique ainsi la Haute juridiction.

Absence de clause de révision des prix

Les juges soulignent que, alors que les deux marchés en cause étaient conclus pour une durée supérieure à trois mois et nécessitaient le recours à une part importante de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux, ils ne comportaient pas de clause de révision des prix, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l’article 18 du Code des marchés publics – applicable au litige et repris en substance à l’article R. 2112-14 du Code de la commande publique.

L'article R. 2212-14 du Code de la commande publique prévoit que les marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux doivent comporter une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours.

 

Plusieurs alertes

Ils observent aussi que le titulaire a, à plusieurs reprises, informé l’acheteur des difficultés qu’il rencontrait dans l’approvisionnement des denrées objets des marchés en raison de la hausse des cours mondiaux. L’entreprise avait proposé deux solutions alternatives pour remédier à cette situation : soit le report de la date limite de la livraison, soit une hausse du prix fixé par les marchés. L’acheteur a cependant refusé d’envisager toute modification.

Un acheteur non diligent 

Pour le Conseil d’Etat, ces circonstances sont de nature à atténuer la gravité du manquement de l’entreprise, dans la mesure où l’acheteur « a contribué à la placer en situation de ne pas pouvoir respecter ses obligations de livraison ». De sorte qu’il convient de modérer les pénalités et de les fixer à 50 % du montant initialement mis à la charge du titulaire.

Conseil d'Etat, 15 juillet 2025, n° 494073, mentionné au recueil Lebon

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