Dans une récente affaire, dans le cadre d’une opération de construction, un centre hospitalier a confié la maîtrise d’œuvre à un groupement d’entreprises solidaires. Il a toutefois décidé de résilier à l'égard d’une seule société - le mandataire du groupement -, pour faute, à ses frais et risques. Celle-ci conteste la résiliation devant le tribunal administratif de Strasbourg. L’affaire arrive in fine devant le Conseil d’Etat qui s’intéresse plus particulièrement à l’application des pénalités de retard.
Modération des pénalités
Pour régler cette affaire, la Haute juridiction administrative procède en plusieurs temps. Tout d’abord, elle rappelle que « lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un contrat de la commande publique, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat ». Toutefois, « il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, […] et compte tenu de la gravité de l'inexécution constatée. »
Toujours dans un effort pédagogique, les juges du Palais-Royal précisent que « lorsque le titulaire du contrat saisit le juge de conclusions tendant à ce qu’il modère les pénalités mises à sa charge, il lui appartient de fournir aux juges tous les éléments de nature à établir dans quelle mesure les pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif ». Ainsi, « au vu de l’argumentation des parties, il incombe alors au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du contrat dans la seule mesure qu’impose la correction de leur caractère manifestement excessif ».
Cas particulier d’une convention
Le Conseil d’Etat arrive alors au cas particulier où une convention à laquelle le maître d'ouvrage est partie fixe la part qui revient à chaque membre d'un groupement solidaire dans l'exécution d'une prestation. Dans ce cadre, « lorsque le juge est saisi par l'un de ces membres de conclusions tendant à ce que soient modérées les pénalités mises à sa charge en raison des retards dans l'exécution de la part des prestations dont il avait la charge, il appartient au juge, pour apprécier leur caractère manifestement excessif eu égard au montant du marché, de prendre en compte la seule part de ce marché qui lui est attribuée en application de cette convention ».
En l’espèce, en prenant en compte la totalité du montant du marché pour calculer la part de ce marché que représentaient les pénalités infligées à la société et non la seule part de ce marché, la CAA de Nancy a commis une erreur de droit. Son arrêt est donc annulé et l’affaire renvoyée devant la juridiction nancéenne.
CE, 12 avril 2023, n° 461576, mentionné aux tables du recueil Lebon