Simplification, vraiment ? La proposition de loi du député macroniste Harold Huwart (Eure-et-Loir), dont l’ambition est de muscler l’offre résidentielle, a franchi le cap de l’Assemblée nationale le 15 mai. Le texte – dont la procédure accélérée a été engagée – comportait quatre articles dans sa version initiale ; elle en contient désormais une vingtaine. Panaroma des principales mesures adoptées qui seront examinées prochainement par le Sénat.
Documents d’urbanisme
Premier axe de simplification : les procédures d’évolution des documents d’urbanisme. Le texte réserve la procédure de révision – particulièrement lourde et complexe – à « l’évolution des seuls documents structurants traduisant les évolutions fondamentales et la vision d’aménagement et de développement d’un territoire ». En clair, aux modifications des orientations définies par le projet d’aménagement stratégique du Scot et à celles définies par le projet d’aménagement et de développement durables des PLU. La procédure de modification de droit commun deviendra la procédure standard pour l’ensemble des autres modifications de ces documents. L’objectif de cette mesure : clarifier les procédures applicables, réduire les délais, « la charge administrative et les coûts pour les collectivités territoriales, tout en facilitant une actualisation plus régulière de ces documents, en cohérence avec le rôle qui leur est dévolu ».
En outre, il facilite l’évolution des PLU, « en élargissant les cas dans lesquels la procédure de modification simplifiée s’appliquera, en augmentant de 20 % à 50 % le seuil de majoration de construction au-delà duquel une procédure de modification doit être mise en place » (art. L. 153-41 du Code de l’urbanisme).Une mesure justifiée par « le besoin de refaire la ville sur la ville plus rapidement, en équilibrant les opérations », expliquait l’exposé des motifs.
Par ailleurs, le texte espace de six à dix ans la périodicité de l’évaluation des Scot afin d’adapter ce délai « aux pratiques constatées sur le terrain et aux cycles de planification territoriale. »
Des dérogations à gogo
Deuxième axe envisagé : les dérogations au PLU. L’article 2-II de la loi complète l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme et étend le champ d’application desdites dérogations - aujourd’hui uniquement applicables dans les zones où s’applique la taxe sur les logements vacants -, à l’ensemble des communes tendues. « 1800 communes supplémentaires » seraient ainsi concernées, relève le ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation. Il sera également possible de s’affranchir des règles locales pour encourager la production de logements étudiants.
D’autres dérogations sont prévues pour faciliter l’implantation d’entrepôts à étages (nouvel article L. 152-5-3 du Code de l’urbanisme), et de « projets économiques stratégiques destinés aux entreprises de transport routier de marchandises ou aux activités logistiques » (nouvel art. L. 152-6-5 du Code de l’urbanisme).
Par ailleurs, le texte facilite la transformation des zones d’activité ou zones tertiaires, en permettant à l’autorité compétente d’autoriser un projet de réalisation de logements « nonobstant les dispositions du plan local d’urbanisme ou du document en tenant lieu interdisant les bâtiments dont la destination est l’habitation ».
Et pour favoriser « une utilisation plus intensive et diversifiée » des bâtiments existants, le règlement du PLU pourra autoriser « des destinations additionnelles ou accessoires à la destination principale d’un bâtiment ».
Résidence hôtelière à vocation sociale
Autre mesure : le texte adapte de manière temporaire le cadre de la résidence hôtelière à vocation sociale (art. L. 631-11 du Code de la construction et de l’habitation) afin de répondre aux besoins liés à des projets de réindustrialisation et de développement économique (art. 2). Des souplesses qui « doivent permettre la production de logements abordables mis à disposition de travailleurs ponctuels pendant quelques années, avant de pouvoir venir augmenter l’offre de logements sociaux pérennes du territoire », souligne l’exposé des motifs.
Solarisation des parkings
Un amendement adopté en séance, déposé par l’ancienne ministre déléguée aux entreprises Olivia Grégoire, réécrit l’article 40 de la loi Aper du 10 mars 2023. Rappelons que cet article impose l’installation, sur au moins la moitié de la superficie des parkings extérieurs de plus de 1 500 m², d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables, notamment photovoltaïque (PV). Pour la députée (Ensemble pour la République, Paris), sa « mise en œuvre sur le terrain révèle des rigidités qui nuisent à son efficacité » puisque cette disposition empêche « deux types de combinaison » :
- l’association d’arbres à canopée large et d’ombrières photovoltaïques sur un même parking,
- et la combinaison de plusieurs sources d’énergies renouvelables, telles que le photovoltaïque et la géothermie, pour atteindre les objectifs de production.
La nouvelle mouture de cet article 40 tend donc à permettre cette combinaison et instaure un plancher de 35% de PV en cas de mixité arbre/PV. A peine adoptée, cette mesure fait déjà l’objet de critiques. Le syndicat des énergies renouvelables (SER) demande sa suppression et appelle « solennellement à arrêter, sous couvert de simplification, de générer une instabilité permanente du cadre réglementaire ! »
Au chapitre de la solarisation toujours, l’article 1er I du texte initial qui assouplissait les obligations de solarisation et de végétalisation pesant sur les bâtiments en augmentant le seuil de déclenchement de l’obligation à 1100 m2 a été supprimé en séance.
OTU, un nouvel outil d’aménagement
Troisième axe : les zones d’activité et pavillonnaires. Afin de « faciliter la transformation douce des zones pavillonnaires et des zones d'activité économique (ZAE) » et d’inciter les collectivités à envisager ces terrains comme des « espaces de projets à valoriser, à faire évoluer voire à revitaliser », le texte prévoit la possibilité de fixer au sein du PLU des orientations d’aménagement et de programmation (OAP) spécifiques visant au renouvellement urbain dans ces zones (nouvel art. L. 151-7-3 du Code de l’urbanisme).
Il prévoit par ailleurs un assouplissement des modifications des documents du lotissement et crée un nouvel outil d'aménagement, l'opération de transformation urbaine (OTU), ayant vocation à être mise en œuvre dans les zones pavillonnaires et commerciales couvertes par ces nouvelles OAP (nouvel art. L. 315-1 du Code de l’urbanisme). Objectifs : favoriser l’évolution ou la requalification du bâti existant et optimiser l’utilisation de l’espace.
Droits à construire
Sur le volet autorisations, un nouvel article L. 151-26-1 est inséré dans le Code de l’urbanisme pour prévoir que le permis de construire ou d’aménager délivré doit accorder « les droits à construire conformes aux règles de densité prévues dans le règlement » du PLU. Pour le député François Jolivet (Horizons et indépendants, Indre), à l’origine de l'amendement, cette inscription explicite dans le Code de l’urbanisme du principe selon lequel les droits à construire issus des règles de densité prévues par les PLU doivent être pleinement octroyés, « favoriserait une utilisation optimale du foncier existant et réduirait les pertes liées à une artificialisation évitable lorsque la densification verticale est possible ». Selon le parlementaire, « seuls 65 % des droits à construire inscrits dans les PLU sont effectivement mobilisés ».
Permis d’aménager multi-sites
L’article 3 du texte qui généralise, sous conditions, le permis d’aménager multi-sites a été complété en séance par un amendement proposé par le Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa). Objectif : sécuriser l’application du recours obligatoire à un architecte ou à un paysagiste concepteur en prévoyant que le seuil de 2500 m2 indiqué à l’article L. 441-4 du Code de l’urbanisme s’apprécie « à l’échelle du cumul des surfaces de l’ensemble des unités foncières non contiguës concernées par le permis d’aménager multi-sites ».
Validité des autorisations environnementales
En outre, le texte pose un « principe général d’alignement de la durée de validité des autorisations administratives [notamment environnementales] connexes sur celle du permis de construire ». A condition d’avoir été « obtenues de manière régulière » et d’être « en vigueur à la date de délivrance dudit permis de construire ». Une mesure qui « s’inscrit dans une logique de sécurisation juridique, de rationalisation des procédures et de meilleure articulation des régimes administratifs applicables à un même projet », ont justifié les auteurs de l’amendement.
Permis modificatif
Autre mesure de sécurisation juridique des projets immobiliers, en cas de dépôt de permis modificatif cette fois : l’instauration d’un principe de cristallisation des règles d’urbanisme à la date du permis initial, pour toute demande de permis modificatif. En l’état, les règles d’urbanisme opposables sont celles en vigueur à la date de délivrance du permis modificatif, ce qui peut fragiliser les projets en cas d’évolution défavorable du PLU.
Droit de réponse du pétitionnaire en cas de refus de permis
Souhaitant sans doute apporter une réponse à la récente décision – défavorable aux porteurs de projet - du Conseil d’Etat en matière de refus de permis de construire, le texte permet au pétitionnaire, après notification d’un arrêté de refus, de modifier son projet dans un délai d’un mois afin de répondre exclusivement aux motifs de refus énoncés par l’administration.
Ce « droit de réponse » du demandeur aurait pour effet de suspendre le caractère définitif du refus pendant un délai d’un mois, lui offrant ainsi une possibilité effective d’adapter son projet sans avoir à recommencer l’ensemble de la procédure. Si l’administration considère que les modifications répondent aux motifs de rejet, elle pourra, dans le mois suivant la réception des pièces, accorder le permis.
Installations nucléaires
Les députés ont adopté un article « spécifique pour les constructions, installations et aménagements présentant un caractère provisoire et nécessaires à la réalisation des nouveaux réacteurs électronucléaires, à l’hébergement des salariés travaillant sur ces chantiers et à la création de parkings provisoires. » Ajouté à la loi du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, le texte dispense purement et simplement ces ouvrages de toutes formalités au titre du Code de l’urbanisme et du respect des règles de fond. La réalisation de ces travaux sera néanmoins soumise à l’accord du préfet de département qui devra préciser la date à laquelle les constructions, installations et aménagements temporaires devront être démantelés et le terrain remis en état. De plus, il pourra subordonner la réalisation des travaux à la constitution de garanties financières destinée à financer les travaux de démantèlement et de remise en état en cas de défaillance du maître d’ouvrage.
Contentieux
Sur le volet contentieux, le texte adopté supprime la disposition (art. 4) qui réduisait le délai de recours gracieux à un mois. Mais il prévoit la mise en place d’une « procédure préalable d’admission » pour les recours contre les autorisations de construire, destinée à « écarter rapidement les recours irrecevables ou dénués de moyens sérieux ». Pour les auteurs de ce texte, cette procédure « permettrait aux investisseurs d'obtenir une première décision juridictionnelle à brève échéance, sans avoir à subir le risque qu'un recours qui n'est pas recevable ou sérieux, voire dilatoire, ne vienne paralyser leurs projets pendant plusieurs années. » Un décret en précisera les conditions d'application, « notamment pour ce qui concerne le type d'opérations concernées […], en cohérence avec la présente disposition législative, qui vise de façon générale les secteurs secondaire ou tertiaire, et inclut donc notamment les constructions à destination industrielle, logistique ou commerciale », précisent les députés.
Enfin, dernière mesure en matière de contentieux, l’obligation pour les juges (en première instance et en appel) de statuer dans un délai de six mois sur les recours contre les projets de construction de logements sociaux ou de logements comportant une part majoritaire de logements sociaux.
Le texte, dont la procédure accélérée a été engagée, sera examiné par le Sénat prochainement.