S’il faut tourner la tête pour avoir une vue sur un bâtiment adjacent, ce n’est pas du vis-à-vis et les règles du PLU s’y afférant ne s’appliquent pas, énonce en substance le Conseil d’Etat dans une décision du 24 juillet 2025.
Un maire délivre un permis de construire un immeuble de six étages (65 logements et une crèche), accolé perpendiculairement à un bâtiment existant. Des riverains attaquent le permis devant le tribunal administratif pour méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) relatives notamment à l’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même parcelle. Les juges annulent l’autorisation. Le pétitionnaire et la commune portent l’affaire devant le Conseil d’Etat.
« Préserver l’ensoleillement et l’intimité des résidents »
Etait en cause l’article UA8.1.4 du PLU qui prévoit que lorsque des façades en vis-à-vis de même hauteur comportent chacune des baies principales, « la distance comptée horizontalement de tout point nu de la façade d’une construction au point le plus proche du nu de la façade doit être : / Au moins égale à la différence d’altitude entre ce point et le pied de la façade qui lui fait face diminuée de 6 mètres. / Au moins égale à 8 mètres. »
Ces dispositions – qui ne s’appliquent qu’en cas d’implantation de plusieurs constructions sur une même parcelle et non lorsqu’un bâtiment unique comporte plusieurs logements, « ont pour objet de préserver l’habitabilité et l’ensoleillement des différents logements ainsi que l’intimité des résidents », explique le rapporteur public, Florian Roussel dans ses conclusions.
Bâtiments en « L » avec vues l’un vers l’autre
Pour justifier la méconnaissance de cette disposition, le tribunal avait considéré que « les constructions, qui seront accolées et formeront un “L” auront des vues l’une vers l’autre. »
Pouvait-il donc faire application de dispositions portant sur des constructions en vis-à-vis à des bâtiments formant un « L » ? Non, répond le Conseil d’Etat qui censure ce raisonnement pour erreur de droit. Il estime que ces prescriptions, « dans les termes dans lesquels elles sont rédigées, qui ne sont pas autrement définis par le lexique du règlement du PLU, […], s’appliquent uniquement à des bâtiments ayant des façades en vis-à-vis comportant l’une et l’autre des baies principales. »
Elles ne sauraient donc « être interprétées comme applicables à deux bâtiments jointifs perpendiculaires », même si ces bâtiments ont des vues l’un sur l’autre.
Risque de constructibilité restreinte
Pour le rapporteur public, cette solution est logique puisqu’elle correspond à « l’interprétation littérale » de la notion de « vis-à-vis » qui signifie « face à face », ce qui n’est pas le cas de deux constructions accolées.
De surcroît, si cette configuration en « L » entraîne une perte d’ensoleillement, « elle est plus limitée que dans le cas de deux bâtiments face à face ». Idem pour la perte d’intimité, puisque la personne « doit tourner la tête pour avoir la vue sur le bâtiment adjacent et que cette vue ne sera que partielle, en oblique ». Il n’y a donc pas « de réelle incohérence à ne pas traiter de la même façon les deux situations », considère Florian Roussel. D’autant que restreindre fortement cette configuration en « L » - fréquente en zone urbaine -, risquerait d’affecter nombre de projets en cours et limiterait « de façon conséquente la constructibilité des parcelles ».
Contourner aisément les exigences d’un PLU
Attention toutefois, prévient le rapporteur public, « une conception trop stricte de la notion de vis-à-vis pourrait permettre assez aisément au pétitionnaire de contourner les exigences du PLU, si l’implantation des deux bâtiments n’est pas exactement parallèle ». Il reviendrait alors à l’administration de faire preuve de pragmatisme et un débat pourrait toujours avoir lieu au contentieux, conclut Florian Roussel.
CE, 24 juillet 2025, n° 479690, mentionné aux tables du Recueil Lebon