Loi Climat et résilience : les sénateurs ont achevé l'examen du texte par les articles relatifs à l’artificialisation

Les sénateurs ont achevé lundi 28 juin au soir l'examen du projet de loi Climat et résilience, finissant d'amender les articles du titre "Se Loger" restant en discussion sur l'artificialisation des sols. Ils ont notamment obtenu la suppression des études de réversibilité préalables aux constructions nouvelles et intégré les entrepôts logistiques de plus de 5 000 m² au moratoire lié au développement de zones commerciales nouvelles. Le vote sur ce texte, largement remanié par la Chambre haute et dont le gouvernement regrette les "reculs", a eu lieu ce mardi après-midi, avant une CMP le 12 juillet.

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Sénat
Projet de loi Climat et résilience : le Sénat a adopté les articles sur l'artificialisation des sols

Voici le récapitulatif des amendements aux derniers articles du titre "Se Loger" du projet de loi Climat et résilience qui restaient à examiner par les sénateurs en séance publique, les vendredi 25 juin et lundi 28 juin 2021.

Maîtrise de l'étalement urbain et définitions

Si l’article 47, qui prévoit zéro artificialisation nette en 2050 et la division par deux du rythme d’artificialisation nouvelle à dix ans, a été adopté sans modifications, 16 des 53 amendements à l’article 48 portant sur l’action des collectivités territoriales pour la maîtrise de l’étalement urbain ont été votés. Les sénateurs ont notamment été soucieux de défendre le droit des territoires ruraux à se développer.

L’amendement n° 1256 de la sénatrice de l’Ardèche (LR) Anne Ventalon, introduit par exemple, parmi les principes fondamentaux du droit de l’urbanisme, le droit au développement rural, "complémentaire du droit à la revitalisation des centres urbains et ruraux".

Si le projet de loi prévoit une définition de l’artificialisation, qui doit être précisée par décret, "les notions de renaturation et d’artificialisation nette ne sont pas explicitées clairement par le projet de loi, alors qu’elles sont pourtant centrales", relève le rapporteur Jean-Baptiste Blanc (LR, Vaucluse) qui dans son amendement n° 1813 définit l’artificialisation nette comme "le solde de l’artificialisation et de la renaturation constatées sur un périmètre et sur une période donnés".

Quatre amendements (n° 660 rect, n° 912, n° 1531, et n° 2021 rect)  suppriment par ailleurs, comme le demandaient la Fédération des Scot ou encore l’Office français de la biodiversité, la notion de pleine terre dans le calcul de l’artificialisation. Considérant qu’elle n’a en effet pas d’existence juridique, "le régime d’exception accordée aux surfaces de pleine terre en milieu urbain risque d’être source de contentieux et pourrait freiner certaines opérations de densification alors qu’il s’agit du principal levier de lutte contre l’étalement urbain".

L’amendement n° 1325 rect bis porté par Serge Babary (LR, Indre-et-Loire) vient, quant à lui, affirmer le caractère déjà artificialisé des friches, afin de ne pas "freiner durablement le développement de nombreuses filières et de nombreux territoires au sein desquels les emplois et les savoir-faire sont déjà considérablement fragilisés par la crise, quand ils n’ont pas été détruits par les vagues successives de désindustrialisation".

L’amendement n° 1534 rect porté par le sénateur (PS) du Gers Franck Montaugé affirme que les surfaces artificialisées dans le cadre de "projets d’envergure nationale ou régionale" ne sont pas prises en compte dans l’évaluation de l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols des communes concernées, afin de ne pas pénaliser ces dernières dans leur développement alors qu’elles portent des équipements (routiers ou ferroviaires) bénéfiques au plus grand nombre.

Après l’article 48, l’amendement n° 14 rect, porté par Daniel Salmon (EELV, Ille-et-Vilaine) afin de lutter contre la déforestation, inscrit "la priorité d’utilisation des sols déjà artificialisés dans le cadre des autorisations de défrichement".

Six amendements identiques (n° 957 rect bis, n° 1177 rect quater, n° 1233 rect ter, n° 1300 rect bis, n° 1727 rect bis, et n° 1744 rect ter) créent un article additionnel qui donne une définition du sol, comme étant "la couche supérieure de l’écorce terrestre située entre le substratum rocheux et la surface, compte non tenu des eaux souterraines". Ce nouvel article liste également les fonctions remplies par le sol, telles que le stockage et le filtrage de l’eau, la production de biomasse, le vivier de la biodiversité, l’environnement physique et culturel des activités humaines, la source des matières premières, le réservoir de carbone et la conservation du patrimoine géologique et architectural.

L’amendement n° 1814 enfin, présenté par Jean-Baptiste Blanc, vient préciser un nouvel article qui avait été créé en commission rendant obligatoire l’association des Établissements publics territoriaux de bassin et les Établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau à l’élaboration des Scot. Il précise en effet que ces derniers ne sont pas associés systématiquement aux révisions du PLU, pour ne pas alourdir les procédures.

Clarifier l'articulation des documents de planification

Quatorze amendements modifient l’article 49 qui traduit opérationnellement dans les documents de planification les objectifs de réduction de l’artificialisation. Là encore, les enjeux liés à la ruralité ont occupé les sénateurs, comme c’est le cas par exemple de l’amendement n° 2087 rect, porté par Martin Lévrier (RDPI, Yvelines) qui vise à "renforcer la prise en compte des territoires ruraux dans les Scot", et de "tenir compte des projets de territoire des communes rurales, qui, en favorisant leur revitalisation peuvent, pour l’avenir, impliquer une plus forte croissance démographique et économique et donc des besoins nouveaux."

L’amendement n° 1830, porté le rapporteur Jean-Baptiste Blanc, réécrit de façon "clarifiée" les dispositions relatives à la modification "en cascade" des documents d’urbanisme impliquées par l’article 49. "La rédaction proposée clarifie le droit applicable respectivement aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d’urbanisme et aux cartes communales, selon les différentes situations et les modifications déjà opérées par les documents de rang supérieur", précise l’objet de l’amendement.

L’amendement n° 1061 rect d’Hervé Maurey (Union Centriste, Eure) vient préciser que la comptabilisation des projets d’envergure nationale et régionale dans l’artificialisation des communes prend en compte les projets sous maîtrise d’ouvrage publique (État ou collectivités). Sur le même sujet, l’amendement n° 759 rect de Valérie Létard (Union centriste, Nord) prévoit que "les projets d’envergure régionale ou nationale ne seront pas concernés par la fixation de ces objectifs de réduction d’artificialisation des sols".

Sept amendements identiques (n° 1992 rect. quater, n° 1314 rect. ter, n° 1796 rect. bis, n° 1953, et n° 1960 rect) précisent que les installations de production d’énergie renouvelable qui n’ont "qu’une incidence marginale sur les fonctions écologiques du sol" ne sont pas comptabilisées dans la consommation d’espaces naturels, sauf pour ce qui concerne les installations qui engendrent une déforestation. Le sous-amendement n° 2292 précise que ces installations ne doivent pas être incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole.

Ratification d'ordonnances

Après l’article 49, un amendement gouvernemental vise à "ratifier les ordonnances prises en application des articles 46 et 50 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique". L’évolution des documents d’urbanisme impliquée par le projet de loi Climat impliquant en effet les collectivités à mettre en œuvre les dispositions résultant des ordonnances concernées. Ce même amendement met en cohérence les dispositions de l’article 49 du présent projet de loi avec les dispositions de l’ordonnance n° 2020-745 relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes. Il abroge en outre l’article L. 143-9 du Code de l’urbanisme, devenu obsolète, et met "en cohérence des références du Code de l’urbanisme modifiées par l’ordonnance de modernisation des Scot avec celles de l’article L. 350-1 C du Code de l’environnement".

Deux amendements (n° 27 rect. ter et n° 951) créent un article additionnel (toujours après l’article 49) qui entend qu’un porteur de projet sollicitant une autorisation d’urbanisme "ne puisse l’obtenir si l’étude agricole et la compensation agricole collective n’ont pas été mises en œuvre".

Après l’article 49 bis B, l’amendement n° 1554 rect porté par Christian Redon-Sarrazy (PS, Haute-Vienne) ajoute, parmi les missions de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, la lutte contre l’artificialisation.

À l’article 49 bis E, l’amendement n° 2089, porté par Martin Lévrier, précise que "les parts minimales de surface non imperméabilisées ou éco-aménageables sont définies par secteur, afin de permettre une distinction de l’exigence de cette part minimale selon les divers territoires de la commune". L’amendement n° 1819 porté par Jean-Baptiste Blanc complète l’article 49 bis G qui, introduit en commission, prévoit un débat tous les six ans dans les communes couvertes par une carte communale sur l’adéquation du document à sa politique d’urbanisme locale. Lequel débat donne désormais lieu, "le cas échéant après avis de la commune membre concernée, à une délibération sur l’opportunité de réviser la carte communale".

L’Outre-mer exempté d'études sur l'artificialisation

L’article 50, introduisant un rapport annuel sur l’artificialisation au sein des collectivités, est modifié par l’amendement n° 387 rect. ter (adopté malgré l’avis défavorable du gouvernement) porté par Nassimah Dindar (Union centriste, La Réunion) qui exempte les collectivités ultramarines d’un tel rapport, en raison de leur retard en termes d’établissement de leurs documents de planification.

Après l’article 51 bis A, deux amendements n° 543 rect et 545 rect, portés par la sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann (CRCE), ouvrent la possibilité de déroger aux règles de gabarit prévu au plan local d’urbanisme pour la surélévation d’un bâtiment pour la création de logement, l’agrandissement d’un logement, ou la réalisation d’espaces communs ou de dispositifs de production d’énergie renouvelable. L’amendement n° 877 rect. bis, porté par Anne-Catherine Loisier (UDI, Côte-d’Or) donne la possibilité de déroger aux règles de hauteur d’un document d’urbanisme "dès lors que le dispositif de construction nécessite une hauteur plus importante qu’un procédé traditionnel."

Moratoire sur les surfaces commerciales

Les débats ont été houleux sur l’article 52, prévoyant un moratoire sur les autorisations des surfaces commerciales, entre les sénateurs et la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, venue défendre le texte lundi 28 en fin d’après-midi ; certains sénateurs souhaitant y intégrer les entrepôts d’e-commerce quand le gouvernement rappelle que ces entrepôts comptent pour moins d’1 % de l’artificialisation. Jean-Baptiste Blanc a tout de même réussi à faire passer l’amendement n° 1799, qui a pour objet de soumettre à autorisation d’exploitation commerciale les entrepôts principalement consacrés au commerce électronique à destination des consommateurs lorsque leur surface de plancher est supérieure à 5 000 m² et qu’ils ne sont pas situés sur une friche. Un amendement qui n’a pas pour but d’interdire l’implantation de ces entrepôts, à en croire son auteur, "mais de s’assurer que leur construction ou leur extension ne bouleverse pas les équilibres du territoire, selon une analyse proche de celle à laquelle sont soumis les projets de grande surface commerciale".

Toujours sur le commerce, l’amendement n° 1072 porté par le sénateur Jean-Pierre Moga (Union centriste, Lot-et-Garonne) substitue la notion d’emprise au sol à celle de surface de vente, "la surface de vente est en effet sans lien direct avec l’artificialisation des sols dès lors que les surfaces de vente peuvent s’empiler au sein d’un même bâtiment à étages".

Suppression de l'étude de réversibilité

Concernant l’article 53 du projet de loi sur les zones d’activités économiques, l’amendement n° 1761 rect. ter, porté par Valérie Létard, relativise l’obligation faite aux collectivités de recenser les potentiels de mutation des zones d’activités économiques dont elles ont la charge. L’amendement propose "d’alléger ces exigences en laissant aux intercommunalités à fiscalité propre gestionnaire des zones d’activité le soin de déterminer la manière de procéder à leur inventaire et d’évaluer les enjeux de requalification ou de mutation de ces zones".

Après l’article 53 bis, sur le sujet de la pollution des sols, sept amendements (n° 961 rect, n° 1181 rect, n° 1237 rect. bis, n° 1304 rect, n° 1731 rect, n° 1748 rect. bis, et n° 1791 rect. bis), créent un article additionnel qui soumet à l’examen des Dreal les analyses conduites par les bureaux d’études préalables à la délivrance de l’attestation de mise en œuvre des obligations de diagnostic et de mesures de gestions sur les terrains d’anciennes installations classées pour la protection de l’environnement.

Les sénateurs ont enfin supprimé contre l’avis du gouvernement (n° 59 rect, n° 203, n° 293 rect. bis, n° 703 rect, et n° 840 rect) l’article 54 du projet de loi, qui prévoyait une étude du potentiel de changement de destination d’un bâtiment, préalablement aux travaux, partant du principe que cette étude "s’inscrit […] en totale contradiction avec l’objectif de simplification administrative et d’allègement des procédures poursuivi par le gouvernement".

Vers un échec de la CMP ?

Le scrutin public sur l’ensemble du texte a eu lieu mardi 29 juin après-midi : 193 voix pour, 100 contre et 54 abstentions. Une commission mixte paritaire (CMP) est ensuite prévue le 12 juillet. S'il se refuse à prédire un échec, le cabinet de la ministre de la Transition écologique a fait savoir lundi son mécontentement face à "un texte marqué par de nombreux reculs [à l’issue de son examen au Sénat], même si en façade, il semble avoir plus d’ambition climatique". L’entourage de Barbara Pompili cite notamment la volonté de reporter à 2040 (au lieu de 2034) la reconnaissance des bâtiments classés E comme des logements indécents susceptibles d’être interdits à la location (article 42). "C’est tellement tardif que cela n’a pas de sens."

En cas d’échec de la CMP, le gouvernement espère que le projet de loi pourra être examiné en commission spéciale à l’Assemblée nationale avant la fin de la session extraordinaire fin juillet, puis en séance publique avant la fin septembre.

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