Décryptage

Projet de loi Climat : les mesures prévues pour lutter contre l’artificialisation

Le projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » devrait être présenté le mois prochain en Conseil des ministres, avant un examen au Parlement en mars dans le cadre d’une procédure accélérée. Parmi les 69 articles du texte, figurent les mesures censées permettre de freiner drastiquement la consommation d’espaces naturels et agricoles d’ici à 2030.

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Le détail des mesures de lutte contre l'artificialisation des sols proposées dans le projet de loi "Climat"

Le cap est clair et ambitieux : mettre la France sur la trajectoire du zéro artificialisation nette (ZAN) pour stopper « les 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers qui disparaissent chaque année en France dont la moitié du fait de l’étalement des logements ». Pour cela, il faut « repenser les modèles urbains d’aménagement hérités du siècle dernier et dont les conséquences économiques, sociales et environnementales sont aujourd’hui dénoncées (éloignement de l’emploi et des services publics, coûts de déplacement, ségrégation spatiale, moindre stockage de carbone dans le sol, augmentation des ruissellements, érosion de la biodiversité, […]) », indique l’exposé des motifs du projet de loi traduisant les propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) et qui sera présenté au Conseil des ministres le 10 février 2021.

Mesures fortes et inédites

Le texte contient ainsi dans son titre IV (art. 47 à 57) « des mesures fortes et inédites » pour diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols sur la décennie à venir par rapport à la décennie précédente.

Tout d’abord, la lutte contre l’artificialisation est élevée au rang d’objectif général du droit de l’urbanisme (art. L. 101-2 du Code de l’urbanisme). La notion est définie pour la première fois. Sera ainsi considéré comme artificialisé « un sol dont l'occupation ou l'usage affectent durablement tout ou partie de ses fonctions ». Les surfaces de pleine terre ne seront pas considérées comme artificialisées (art. 48).

Documents d’urbanisme

L’objectif de diviser par deux le rythme d’artificialisation devra être intégré dans les documents de planification régionale (Sraddet, PADD de Corse et schémas d’aménagement régionaux ultra-marins) avant d’être ensuite décliné dans les documents d’urbanisme intercommunaux et communaux (Scot, PLU et cartes communales) (art. 49).

Des dispositions transitoires sont fixées « notamment une limite temporelle pour garantir l’adaptation effective de l’ensemble [de ces documents] dans un délai raisonnable », indique l’exposé des motifs. Par ailleurs, les collectivités souhaitant ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation devront « démontrer qu’il n’existe pas de parcelle disponible pour leur projet dans l’enveloppe urbaine existante ».

Rapport annuel

Chaque année, le maire ou le président de l’EPCI compétent devra présenter respectivement, au conseil municipal ou à l’assemblée délibérante, un rapport sur l’artificialisation des sols sur son territoire (art. 50).

Autre mesure prévue : l’obligation de déterminer une densité minimale pour les projets d’aménagement mis en œuvre dans le cadre du dispositif de grandes opérations d’urbanisme (GOU) (art. 51).

Surfaces commerciales

Côté aménagement commercial, le texte fixe un principe général d’interdiction de délivrer des autorisations d’exploitation pour des surfaces commerciales qui entraîneraient une artificialisation des sols (art. 52). Des dérogations sont toutefois prévues pour les projets inférieurs à 10 000 m² de surface de vente si le pétitionnaire démontre que le caractère exceptionnelde la dérogation se justifie au regard de critères comme les besoins du territoire eu égard en particulier à la vacance commerciale, le type d’urbanisation du secteur et la continuité du projet avec le tissu urbain existant, les qualités urbanistiques et environnementales du projet, ou encore la compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé.

Zones d’activités économiques

Autre mesure proposée : les intercommunalités, compétentes en matière de développement économique, devront actualiser au minimum tous les six ans un inventaire des zones d’activités économiques (ZAE). Lequel devra comprendre un état parcellaire des unités foncières composant la zone, l’identification des occupants et le taux de vacance de la ZAE. L’inventaire sera ensuite transmis aux autorités compétentes en matière d’urbanisme et de programmation de l’habitat.

Travaux de réhabilitation des locaux vacants

En outre, « pour faciliter, sécuriser et accélérer les actions ou opérations de traitement et de requalification de zones d’activités déqualifiées », le projet de loi permet aux préfets, maires et présidents d’EPCI d’imposer des travaux de réhabilitation des locaux vacants aux propriétaires dans les ZAE faisant l’objet d’un contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA) ou situées dans le périmètre d’une opération de revitalisation de territoire (ORT). En cas de non-respect de la mise en demeure, une procédure d’expropriation pourra être engagée (art. 53).

Réversibilité des bâtiments

Le texte entend aussi fournir aux maîtres d’ouvrage « un outil d’aide à la décision lors de la conception d’un projet [...] leur permettant d’identifier les potentiels de réversibilité et d’évolution des bâtiments concernés ». Ainsi, le maître d’ouvrage devra faire réaliser, avant sa construction, une étude de potentiel de réversibilité du bâtiment et remettre une attestation au ministre en charge de la construction. En cas de démolition, cette étude sera jointe au diagnostic déchets (art. 54).

Selon l'exposé des motifs, « cette mesure contribuera à la réduction de consommation de matière première ainsi que des émissions de gaz à effet de serre car elle permettra de limiter les démolitions suivies de constructions et d’augmenter la réutilisation de ressources existantes. Elle favorisera également la transition d’une économie linéaire vers une économie circulaire en incitant à l’écoconception des bâtiments neufs et à la rénovation des bâtiments existants plutôt que leur démolition ».

Ordonnances

Ces mesures seront complétées par ordonnance afin de renforcer les conditions liées à l’urbanisation dans les règles d’urbanisme et dans les documents de planification et d’introduire des objectifs de sobriété foncière dans les autres documents de planification (habitat et mobilité). L’ordonnance comportera également des mesures pour faciliter les constructions plus denses, afin de limiter l’étalement urbain (art. 55).

Enfin les articles 56 et 57 du projet sanctuarisent les zones naturelles protégées et sensibles afin de renforcer leur protection face au risque d’artificialisation. Le droit de préemption y sera notamment rétabli.

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