Logement : les propositions de Bayrou jugées salutaires mais insuffisantes par les professionnels

PTZ élargi, aide aux maires bâtisseurs… Les promoteurs immobiliers, constructeurs de maisons individuelles et bailleurs sociaux valident trois des quatre mesures du nouveau gouvernement pour le secteur, mais considèrent qu’il en faudra plus pour relancer rapidement la production de logements, au plus bas depuis 1954.

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L’élargissement du PTZ à tout le territoire et à la maison individuelle, une mesure phare pour le logement qui doit figurer dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, fait l’unanimité chez les professionnels.

En manque de visibilité depuis la dissolution de juin dernier, les professionnels du logement commencent à y voir clair : le gouvernement de François Bayrou, qui a échappé le 16 janvier à la censure des députés, a promis d’inscrire plusieurs mesures relatives au secteur dans le projet de loi de finances pour 2025 tant attendu.

C’est en tout cas ce qu’a affirmé le même jour le Premier ministre au Parti socialiste (PS), sur lequel il s’appuie pour durer plus longtemps que Michel Barnier, tombé en décembre dernier.

Le PTZ élargi fait l’unanimité

Dans ce courrier rendu public, le quatrième Premier ministre en moins d’un an prévoit de reprendre deux idées de l’ancien exécutif.

Ainsi le prêt à taux zéro (PTZ) concernerait tout le territoire pour le logement neuf, y compris la maison individuelle. Cette typologie de logement en avait été exclue en 2024 au nom de la sobriété foncière notamment.

« Cette mesure avait déjà été proposée et mise en place suite au rapport Rebsamen de 2021, rappelle Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Elle est bienvenue. Après la fin de la taxe d’habitation et les difficultés liées à la mise en œuvre du ZAN, il faut inciter à construire au plus vite, pour répondre aux besoins des Français et faciliter la densité. »

Sur la même ligne, Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), considère que cette annonce « répond à une demande forte des acteurs du logement réunis au sein de l’Alliance pour le Logement. Le PTZ, en facilitant l’accès des primo-accédants à la propriété, est un levier essentiel pour relancer la production de logements neufs et soutenir l’économie locale. »

Marc Villand, président du conseil de surveillance du promoteur francilien Interconstruction, du groupe européen Eaglestone, ne voit également que du positif dans cette mesure : « Le PTZ étendu est une mesure salutaire dans certains territoires en tension comme les zones côtières où les locaux sont contraints de s’éloigner du littoral compte tenu des prix trop élevés. Il va permettre de les loger dans des zones de report, pas trop éloignées de leur lieu de travail et des centres urbains. On peut également s’attendre à un fort impact dans les zones rurales à revitaliser car l’accession à la propriété de ces habitants sera encouragée. Enfin, l’extension du PTZ à la maison individuelle n’est pas choquante car dans les régions en voie de désertification, celle-ci demeure le logement préféré des Français. »

Financé par la TVA et autres contributions directes des constructions, ce PTZ élargi représente « une vraie mesure de justice sociale », se félicite Damien Hereng, président de la Fédération française des Constructeurs de Maisons individuelles (FFC). « Aujourd’hui le PTZ neuf est exclu de 90% du territoire national, alors qu’on manque de logements disponibles partout et pas seulement dans les métropoles », rappelle le CMiste.

Sur les DMTO, c’est l’incompréhension

La deuxième mesure reprise au gouvernement Barnier concerne les collectivités. En l’occurrence, les départements, dont les recettes de fonctionnement et les investissements dépendent notamment des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) perçus à chaque vente immobilière. Si le PLF 2025 à la sauce Bayrou devait être adopté, ceux-ci auraient la possibilité d’augmenter jusqu’à 0,5 point ces « frais de notaire ».

« C’est une façon de répondre à la demande des collectivités en matière de budget, mais une mauvaise idée pour les ménages qui veulent acquérir un logement », résume Olivier Salleron.

Son homologue de la FPI, Pascal Boulanger, se montre plus critique : « Alourdir les taxes sur les transactions immobilières, alors que le marché est déjà en crise, revient à étrangler davantage les ménages et freiner encore plus l’accès au logement. C’est un choix contre-productif qui, in fine, réduira les recettes fiscales des départements. Nous appelons à une révision complète de cette logique, qui ignore les mécanismes de solvabilité des acquéreurs. »

100M€ pour les maires bâtisseurs

Annoncé dans son discours de politique générale le 14 janvier, le soutien aux maires bâtisseurs doit se traduire en une aide financière de 100 M€. Cette mesure ne faisait pas partie du plan de relance du neuf de l’ancien exécutif.

« Nous saluons cette initiative, qui s’inscrit dans une logique vertueuse que nous portons depuis plusieurs années. En témoigne le fléchage d’une part de la TVA immobilière vers les maires bâtisseurs, sous conditions, portée lors de l’Appel de Strasbourg en juillet 2022. Il est impératif de soutenir les collectivités locales qui s’engagent dans la production de logements. Nous attendons cependant des précisions sur la mise en œuvre de cette mesure pour garantir son efficacité sur le terrain », observe Pascal Boulanger.

« Le montant n’est absolument pas suffisant pour embarquer massivement les maires et combler le gouffre dans lequel l’immobilier s’est enlisé, analyse de son côté Norbert Franchon, président du groupe Gambetta, promoteur national diversifié dans la gestion de logements sociaux. Si l’on veut enfin impulser la dynamique nécessaire pour construire les 170 000 logements que nous avons d’ores et déjà perdus depuis 2022, cette enveloppe de 100 M€ équivaut à 600€ par logement. »

Même son de cloche chez son confrère Ludovic Montaudon, P-DG du groupe Tisserin, à la fois promoteur, CMiste et bailleur social : « Que les maires puissent trouver un intérêt financier pour leur commune en lien avec la construction des logements qu’ils autorisent va dans le bon sens. Dans le contexte politique actuel, et au regard de l’urgence, cette mesure est donc positive. Mais j’aurais préféré une réforme plus globale de la fiscalité des communes, une incitation à long terme et pérenne, qui ne soit pas punitive comme le sont aujourd’hui les pénalités auxquelles les communes s’exposent si elles ne respectent pas un quota de logements sociaux. »

Pour Damien Hereng, « cette dépense non directement productive pourrait être évitée » alors que l’Etat cherche à réaliser des économies. « Cette solution d’incitation donnée aux maires bâtisseurs est la reconduction de solutions précédemment tentées sous les gouvernements précédents. Elle démontre en réalité l’aversion grandissante des électeurs, et donc par ricochet de leurs élus, à la densité à outrance. Le politique essaie par ces mesures d’inciter à réaliser ce dont les citoyens ne veulent pas. On voit pourtant bien dans les chiffres que cette stratégie n’a pas eu de grands résultats. »

Enfin, dernière mesure qui concerne le logement neuf : l’exonération sur les donations affectée à l’acquisition d’un logement neuf a été adoptée par le Sénatqui s’est penché sur la première partie du PLF 2025. Il s’agit d’une mesure portée par le président de la FPI et soutenu par Valérie Létard. La ministre du Logement s’en est félicitée aux vœux d’Action Logement le 16 janvier. Un événement au cours duquel elle a été plusieurs fois applaudie par un auditoire de décideurs du logement social. 

Le combat sur la baisse de la RLS n’est pas perdu

Dans son courrier envoyé au PS, François Bayrou ne parle pas d’abaisser la Réduction du loyer de solidarité (RLS) de 1,3Md€ à 1,1Md€, comme le souhaitait le gouvernement Barnier. La RLS ponctionne depuis 2018 le chiffre d’affaires annuel des bailleurs sociaux. En attendant sa suppression, qui semble une chimère à l’heure de la rigueur budgétaire, ces derniers disaient se contenter de ce premier geste qui les aiderait à reconstituer leurs fonds propres et donc à investir, afin de relever le double défi de production et de rénovation.

« Ce renoncement serait un mauvais signal pour la filière et les territoires où les besoins en logements abordables sont les plus criants. Nous partageons les inquiétudes des bailleurs sociaux et de Valérie Létard, qui porte ce combat avec conviction », assure Pascal Boulanger, présent au sein de l’Alliance pour le logement aux côtés des organismes HLM représentés par l’Union sociale pour l’habitat (USH).

Pour Olivier Salleron, qui en fait également partie en tant que patron de la FFB, ce combat pour 2025 n’est pas perdu : « Attendons les précisions. La ministre Létard continue à porter fortement le sujet pour redonner des marges de manœuvre aux bailleurs sociaux. »

« La baisse du taux du Livret A (qui finance le logement social) de 3% actuellement à 2,4% le 1er février va redonner un peu d’air aux bailleurs, mais il est primordial que le gouvernement ne recule pas sur la modération de la RLS », complète Yannick Borde, président de Procivis, membre de l’USH et de l’Alliance pour le logement. Ce dernier considère le volet logement du PLF 2025 « pas révolutionnaire, mais salutaire ».

D’où cet appel à aller plus loin de Philippe Jarlot, président des Promoteurs du Grand Paris : « Il faut d’urgence que d’autres mesures, puissantes et incitatives, soient mises en œuvre, notamment pour soutenir la primo-accession, désormais fermée à la majorité de la population jeune et moins jeune. »

Les premiers effets d’une extension du PTZ et des autres mesures en faveur du logement neuf devraient se ressentir à partir de la fin d’année, selon les professionnels interrogés par « Le Moniteur ». Moins de 260 000 logements ont été commencés sur douze mois à fin novembre, soit le niveau le plus bas depuis 1954 selon la FFB.

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