Déposée fin novembre, soit un mois avant la chute du gouvernement Barnier, la proposition de loi (PPL) « visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété », c’est-à-dire sur l’ajustement du calendrier de sortie du parc locatif des logements classés G, va animer les débats parlementaires à partir du 29 janvier.
Commission mixte paritaire
Porté par les députés Bastien Marchive (Ensemble pour la République) et Iñaki Echaniz (PS) et soutenu par le nouvel exécutif, le texte passera d’abord à l’Assemblée nationale, où le Rassemblement national milite pour la suppression du diagnostic de performance énergétique (DPE) et attend « de réelles mesures d’assouplissement », annonce le député audois Frédéric Falcon, interrogé par « Le Moniteur ».
Suivra un voyage au Sénat, où Viviane Artigalas (PS), Dominique Estrosi-Sassone (LR) et Amel Gacquerre (UDI), trois élues à l’aise sur la question du logement, avaient réclamé l’an dernier un report de trois ans de l’interdiction de signer ou renouveler des baux pour des biens G. L’étape de la commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, est également prévue.
« L’objectif est de sécuriser les bailleurs et les locataires de logements G situés dans des copropriétés, où la décision de voter les travaux prend du temps », résume le cabinet de la ministre du Logement Valérie Létard, lors d’une conférence de presse téléphonique le 28 janvier.
Ainsi le texte propose que ces biens, au nombre de 250 000 selon le gouvernement, restent louables à condition qu’ils fassent l’objet actuellement d’une amélioration thermique ou en cas de blocage au sein de la copropriété ou de la part du locataire. Il ne traite pas des logements individuels plus faciles à rénover.
Réduction de loyer
La PPL transpartisane prévoit également qu’un juge puisse « réduire le loyer proportionnellement à la surconsommation d’énergie engendrée par l’absence de travaux », explique le cabinet de Valérie Létard. Autrement dit, qu’un non-expert de la question thermique prenne sa calculette sur la base des factures EDF ou GRDF… « La loi ne va pas imposer une méthode précise de calcul », poursuit l’entourage de la ministre.
Mais attention : la minoration de loyer, demandée par le locataire, ne sera pas automatique. Aux commissions départementales de conciliation, composées de représentants des bailleurs et des locataires, de trouver des solutions. Leurs avis non contraignants pourront par ailleurs être utilisés par la justice.
Enfin, les débats parlementaires permettront de trancher sur le « délai raisonnable » accordé aux bailleurs pour améliorer l’étiquette de leur passoire, rappelle le cabinet de Valérie Létard, qui ajoute : « Deux ans, c’est sans doute un peu court, dix ans, c’est trop long. Il faudra trouver un juste milieu. » Et si, cas très particulier, le locataire devait quitter le logement pendant son isolation par l’intérieur ? Charge au propriétaire de trouver une solution de relogement temporaire.
Les différents curseurs risquent de bouger. Une cinquantaine d’amendements ont été déposés.
Encore 350 000 HLM à traiter
Comme prévu par la loi Climat et résilience de 2021, un bail ne peut plus être conclu entre un organisme HLM ou un investisseur particulier et un locataire d’un logement G, car jugé indécent pour ce dernier d’un point de vue énergétique depuis le 1er janvier.
Sollicité par « Le Moniteur », le ministère du Logement n’est pas en mesure de donner le nombre de passoires exclues du parc locatif depuis le début du mois, contribuant ainsi à l’accentuation de la crise de l’offre. Selon les professionnels, il y en aurait plusieurs centaines voire milliers.
L’un d’entre eux, gestionnaire pour le compte d’investisseurs privés et qui préfère rester anonyme, anticipe que de nombreux propriétaires bailleurs d’appartements ou maisons classés G continuent d’en tirer des revenus locatifs sans passer par un intermédiaire tel qu’une agence immobilière et surtout sans réaliser des travaux, pariant notamment sur la clémence des autorités et/ou leur incapacité à les retrouver et les sanctionner.
En janvier 2024, il restait à traiter 4,2 millions de résidences principales considérées comme des passoires thermiques, c’est-à-dire classées F ou G, selon l’estimation la plus récente du gouvernement. Le parc locatif privé en concentrait environ un tiers. Le parc social, 350 000. Une minorité de ces logements sociaux étaient situés dans des copropriétés.