De nouvelles retouches de la loi Climat et résilience ? Plus d’un an après l’assouplissement du ZAN, alors que l’étalement urbain est pointé du doigt suite aux inondations en Espagne qui ont coûté la vie à plus de 200 personnes, la nouvelle ministre du Logement « Valérie Létard soutient la proposition de loi (…) pour adapter le calendrier des interdictions de location dans les copropriétés », a annoncé son cabinet la semaine dernière.
Cette PPL des députés Bastien Marchives (Ensemble pour la République) et Iñaki Echaniz (Nouveau front populaire) prévoit trois dérogations dans les cas suivants : la copropriété a voté un plan de travaux mais ne l’a pas mis en œuvre – elle aura jusqu’à 3 ans pour les réaliser ; le propriétaire bailleur d’une passoire prouve que la copropriété s’est opposée à la réalisation des travaux qui lui permettaient de ne plus être visé par une interdiction de location ; le locataire occupant la passoire thermique s’oppose à la réalisation des travaux.
« Les propriétaires repousseront les travaux »
Au salon de la copropriété et de l’habitat organisé à Paris les 6 et 7 novembre, la PPL transpartisane est globalement bien accueillie mais génère des inquiétudes. « Cela va dans le bon sens car le calendrier très strict serait assoupli pour tenir compte de la particularité des copropriétés, analyse Gilles Frémont, président de l’Association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANGC). Dans le même temps, elle ajoute de la complexité, alors qu’il aurait été plus simple de modifier le calendrier en repoussant de trois ans les échéances pour les G, de 2025 à 2028, les F, de 2028 à 2031, et les E, de 2034 à 2037. »
Cette option n’aurait-elle pas été perçue comme un renoncement écologique ? « Il faut du réalisme politique, surtout que le mur de l’argent et l’embouteillage chez les artisans sont toujours là », justifie-t-il. Sur le manque de main d’œuvre qualifiée et disponible, Jean-Philippe Bleuchard, président de Tiffen Cogé (460 copropriétés sous gestion) et membre du bureau de l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis) IIe-de-France Grand Paris, complète : « Pour obtenir une réponse négative et parfois un devis, il faut relancer plusieurs fois les entreprises qui sont sous l’eau. »
Ce dernier alerte en outre sur un risque d’incompréhension, qui freinerait à nouveau la décarbonation du parc résidentiel comme en début d’année après la réforme du dispositif MaPrimeRénov’ : « Les propriétaires bailleurs repousseront les travaux dans leurs logements sauf si on leur interdit d’augmenter les loyers, ce qui n’est pas précisé dans la PPL, sachant que les interventions limitées aux parties privatives ne suffisent pas toujours pour changer d’étiquette. Les locataires, eux, seront perdus, car on leur rabâche depuis trois ans qu’ils vivent dans des passoires à rénover. »
Une autre zone d’ombre reste à éclaircir. « La PPL prévoit un sursis de trois ans aux propriétaires bailleurs à partir de la prise de décision en assemblée générale : s’agit-il de la date du vote du projet du plan pluriannuel de travaux (PPT), du PPT ou de la décision finale de procéder aux travaux ? » questionne Gilles Frémont.
« Un nouveau besoin de formations »
Outre « le risque de litiges » à venir, le porte-parole des syndics redoute « un nouveau besoin de formations, alors que nous sommes à peine en train de digérer tous les décrets d’application de la loi Climat et résilience de 2021 et d’autres textes, qui sont régulièrement modifiés ». Jean-Philippe Beuchard confirme : « Il faut rapidement des décrets d’application sur lesquels le gouvernement ne reviendra pas. »
Enfin, si la PPL permet aux propriétaires de continuer à louer et donc de ne pas réduire l’offre locative particulièrement faible, ses dérogations ne résolvent pas le problème identifié par Anne-Sophie Thomas, cofondatrice de Gestia Solidaire, une agence de location qui sélectionne volontairement les moins bons dossiers : « Nous rencontrons tous les mois des propriétaires qui souhaitent louer solidaire mais ont un logement classé G en copropriété et ne peuvent pas le faire même avec des travaux à l’échelle du logement. Ils décident souvent de vendre. Ce qui revient à transposer le problème sur les propriétaires occupants sans lutter contre les passoires énergétiques. »
D’autres, qui ont adopté une stratégie attentiste, ne devraient pas être stimulés. « Si la copropriété n’a pas voté les travaux avant l’entrée en vigueur d’un éventuel décret d’application de ces dérogations, celle-ci ne les votera jamais, surtout dans l’hausmannien où seules des interventions sur la toiture et la façade arrière sont possibles mais parfois insuffisantes pour améliorer significativement l’étiquette du DPE », note Jean-Philippe Beuchard.
Le texte vise 261 000 logements G en copropriété, sur les 755 000 G du parc locatif recensés par le ministère du Logement. Près d’un tiers des résidences principales se trouvent dans des copropriétés, soit plus de 10 millions de logements. Près de 15% d’entre eux sont énergivores. Selon les sources, la France compte entre 578 000 à 888 000 copropriétés.