Le monde HLM reste sur sa faim après le 82e Congrès

Le ministre du Logement Olivier Klein n’a pas annoncé de mesures anti-inflation, vitales pour les bailleurs sociaux. Les points d’insatisfaction liés au financement de la production et de la rénovation du parc social restent nombreux.

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Olivier Klein, ministre du Logement, lors de son discours de clôture du 82e Congrès HLM à Lyon le 29 septembre.

Déception pour la présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH) Emmanuelle Cosse. Sa « très bonne » idée anti-inflation - « un moratoire sur la réduction du loyer de solidarité (RLS) dès que le taux du Livret A est à plus de 2% » - n’a pas été retenue par Olivier Klein.

Dans son discours en clôture du Congrès HLM à Lyon le 29 septembre, le ministre délégué à la Ville et au Logement a déclaré son attachement – déjà connu – pour le logement social, mais n’a pas sorti de son chapeau des solutions immédiates pour faire face aux tensions conjoncturelles qui bousculent le mouvement HLM.

« Conscient » des hausses « du taux du Livret A », « des coûts de construction » ou encore « des prix du foncier » qui fragilisent le modèle économique des bailleurs sociaux dont les prêts sont financés par la Caisse des dépôts (CDC) sur les fonds du Livret A, Olivier Klein a assuré que l’Etat était au rendez-vous.

En témoigne le nouveau plan quinquennal 2023-27 Logement d’abord, soit une enveloppe de « 44 M€ supplémentaires en 2023 » et « des efforts plus conséquents dans les années à venir », a confié le ministre au Moniteur, à la fin de son discours.

En plus des 300M€ du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) dédiés à la construction de 110 000 HLM par an (son objectif), montant équivalent à la « ponction » dans les caisses d’Action Logement, 200 M€ d’aides à la pierre viseront à réhabiliter les logements sociaux en 2023. Sur l’éradication des 1,8 million de passoires thermiques, « nous devons achever ces efforts largement initiés ». Mais ce vaste chantier, selon lui, ne permettra pas à lui seul d’atteindre la neutralité carbone en 2050. 

« Action Logement saura accompagner l’Etat », croit Olivier Klein

Comme « rénover coûte cher », la CDC a annoncé, pendant ce congrès, en accord avec l’Etat, que l’enveloppe de son éco-prêt fléché vers la rénovation thermique des logements sociaux allait augmenter en 2023 pour passer à 6Mds€ (sur la période 2023-2027). Une bonne nouvelle pour les bailleurs qui pourraient bénéficier d’un relèvement du plafond de prêt.

Outre la CDC, Action Logement « saura accompagner l’Etat dans cette transition » écologique, reposant sur la massification de la rénovation de l’existant, la sobriété foncière et le bas carbone, a affirmé le ministre. Signe d’une volonté d’apaisement avec le premier bailleur social de France, Olivier Klein a dit vouloir « faire évoluer » le FNAP, dont le financement à long terme est à trouver. Puis il a confié : « Il était hors de question de faire financer le FNAP par le secteur dans l’année qui s’ouvre », c’est-à-dire en 2023. Un aveu de faiblesse par rapport à Bercy, qui a tranché en défaveur d’Action Logement ?

Présent pendant les trois jours de congrès, « l’ancien locataire HLM », comme il se définit lui-même, a martelé les « trois défis » à relever : « produire, réhabiliter et soutenir le pouvoir d’achat ». Sur ce dernier point, le ministre a expliqué qu’il fallait « limiter l’impact pour les locataires en étalant les hausses de loyers parfois inévitables, quand les tarifs négociés étaient très faibles ». Et a promis, sur fond d’inflation annuelle de 5,9%, que les APL continueront d’être versées, « même en cas d’impayés, dès lors qu’il y a bonne foi du locataire ». Ce que prévoit la cadre juridique depuis 2016.

Alors que le monde HLM redoute une explosion des impayés, le gouvernement compte prolonger le bouclier tarifaire chauffage collectif au gaz et en créer deux autres pour le chauffage collectif à l’électricité et les parties communes, a également assuré Olivier Klein, devant plusieurs centaines de dirigeants, administrateurs et salariés des bailleurs sociaux et d’associations de locataires.

Les points d’insatisfaction selon Emmanuelle Cosse

Emmanuelle Cosse, elle, a listé les sujets d’insatisfaction. Le projet de loi de finances (PLF) 2023 « n’aggrave pas la situation du point de vue budgétaire, même si la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt pèsent inexorablement sur la charge de la dette des organismes ».

Sur la RLS : « C’était une décision mal pensée et inique qui a touché au coeur notre secteur et a des impacts délétères. » Un cas concret : « La RLS va nous coûter 8M€ en 2022 », a estimé Isabelle Rueff, directrice générale de l’Office public de l’habitat (OPH) Alpes Isère Habitat, (30 000 logements gérés), en marge de la cérémonie de clôture.

Sur la réforme dite de contemporanéité de l’aide personnalisée au logement (APL), Emmanuelle Cosse a développé : « Avec objectivité, de manière factuelle, nous montrons combien l’APL est cruciale pour une bonne part des locataires du parc social. Elle a été affaiblie ces dernières années, de coupe brutale en coup de rabots plus discrets. L’APL accession, elle, a été injustement supprimée. »

La mise en place des APL « en temps réel » a entraîné « une baisse généralisée » de 7% du montant versé entre avril 2020 et avril 2021, passant de 265€ à 247 €, selon l’Union professionnelle du logement accompagné (Unafo, 140 000 logements gérés).

« Nous n’avons pas d’actionnaires à appeler au secours »

Et sur les marges de manœuvre des bailleurs sociaux qui se réduisent, Emmanuelle Cosse a insisté : « La hausse du taux du Livret A et la hausse des coûts de construction sont venues alourdir l’addition pour notre secteur qui, contrairement à d’autres, ne peut pas, en responsabilité, répercuter la hausse de ses coûts sur ses locataires et ses accédants. »

« Le passage du taux du Livret A à 2% va nous coûter 6M€ d’annuités supplémentaires à rembourser en 2022, essentiellement auprès de la Caisse des dépôts »,  a témoigné Isabelle Rueff, dont l’OPH n’est plus en capacité d’investir sur fonds propres.

« En tant qu’OPH, nous n’avons pas d’actionnaires à appeler au secours. La hausse du taux du Livret A a un impact avec effet immédiat alors que l’inflation aura plutôt des effets sur les dépenses futures, sur la rénovation. Heureusement que notre parc est plutôt récent. Il nous reste 400 logements (sur 30 000, NDLR) à traiter avant 2025 », confie-t-elle. L’interdiction de louer des habitations étiquetées G est prévue en 2025, en 2028 pour les F et en 2034 pour les E.

Les perdants sont les 2,3 millions de demandeurs en attente d’un HLM qui subissent « une baisse progressive de la production de logements sociaux, un ralentissement brutal de l’accession sociale à la propriété et un tarissement plus rapide que prévu de nos fonds propres et donc de nos capacités d’investissement », a résumé Emmanuelle Cosse. Conséquences, selon elle, du manque d’ambition de l’Etat pour le logement social.

Rendez-vous à Nantes, du 3 au 5 octobre 2023, pour le 83e Congrès HLM.

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