Pari tenu ! Cinq ans jour pour jour après la présentation officielle des objectifs de la filière bois pour les Jeux olympiques, le Pavillon de l’Arsenal a de nouveau accueilli les mêmes acteurs de la construction décarbonée, le 18 mars 2024 à Paris. Leur fierté se nourrit de quelques chiffres clés : 29 000 m3 de bois dans 15 ouvrages olympiques et paralympiques ; 15 000 m3 dans le village des athlètes…
Score historique de la forêt française
Par-dessus tout, l’équipe tricolore du roi des matériaux biosourcés fête le score inattendu des forêts françaises : elles ont contribué à 45 % des bois consommés par les ouvrages olympiques et paralympiques, au lieu des 30 % espérés à l’automne 2018, lors de la création de France Bois 2024.
Emanation du Comité professionnel de développement de l’industrie française de l’ameublement et du bois (Codifab) et de l’interprofession nationale France bois forêt, cette structure s’est naturellement trouvée sous le feu des projecteurs, ce 18 mars au Pavillon de l’Arsenal.
Sueurs froides chez Vinci et Icade
Animée par son président Georges-Henri Florentin et sa coordinatrice Marie Jorio, la soirée a offert l’occasion de revivre quelques-unes des aventures cachées derrière les chiffres de la victoire.
Deux appréciations techniques d’expérimentation (Atex) ont donné des sueurs froides aux bâtisseurs : directeur du département Aménagement et grands projets urbain chez Vinci Immobilier qui a livré ses 100 000 m² en février 2024, Vincent Louvot confie « la peur » qu’il a ressentie avant d’être en mesure d’administrer la preuve de la compatibilité des façades bois avec des parements diversifiés.
Même sentiment chez Florence Chahid-Nourai, directrice des grands projets Ile-de-France chez Icade Promotion : « Comment garantir l’accessibilité universelle des planchers bois, réputés incompatibles avec des douches sans ressaut ? L’Atex nous a permis d’inventer la douche à la française », sourit la représentante du maître d’ouvrage chargé de 12 bâtiments de logements et bureau dans le village olympique.
Architectes et ingénieurs en liesse
Directeur de projet du viaduc qui enjambe les huit voies de l’A1 entre Saint-Denis et l’Ile Saint-Denis (Seine Saint-Denis), Olivier Carat résume le défi en un mot : « Oser ». Fort des confirmations du Centre d’études et de recherche sur l’industrie du béton quant-à la résistance au feu sur deux heures, l’ingénieur ajoute : « Quand il n’y a pas de référence, il faut y croire. Merci Colas et merci au charpentier Simonin ».
La joie des architectes du centre aquatique s’ajoute à celle des ingénieurs du viaduc : « Le bois donne sa beauté au lieu. Il prouve ses qualités structurelles, en tension comme en compression et permet d’imaginer des bâtiments différents », s’enthousiasme Laure Mériot, associée de l’agence 2/3/4.
Entrée dans les techniques courantes
« Il n’y a rien de vraiment révolutionnaire, dans ces innovations », embraye Eric Dibling. Pour le dirigeant d’Ingeneco Technologies spécialisé dans l’accompagnement des Atex et autres procédures d’évaluation technique et réglementaire, le cap franchi résulte de l’entrée de nombreux modes opératoires dans la famille des « techniques courantes de la construction ». « Cela ouvre la voie de la massification. Grâce aux JO, les industriels peuvent investir avec une visibilité qui continuera bien au-delà de l’événement », se réjouit Eric Dibling.
Atteint sans subventions publiques, le respect des délais et des prix renforce la valeur démonstrative. « Avec 28 % de bois, les chantiers des JO rejoignent la proportion que connaissent les marchés de la construction scandinave ou canadien », se réjouit Georges-Henri Florentin. Le président de France Bois 2024 met tout de même un bémol : contrairement à leurs homologues autrichiens ou scandinaves, les gardiens hexagonaux de la sécurité incendie fixent toujours à 28 m la hauteur maximale des structures bois.
Encore un effort de traçabilité…
France Bois 2024 lègue un autre essai à transformer : celui de la traçabilité, depuis la forêt jusqu’aux ouvrages, projet désormais porté par France Bois Traçabilité. « C’est un héritage que nous laissons », soupire Georges-Henri Florentin.
Chacun avec ses mots, tous les participants à la fête du 18 mars ont souhaité que l’expérience olympique ouvre la voie à un franchissement de cap pour la filière bois. Pour y contribuer, la Solidéo, maître d’ouvrage, annonce la mise en ligne d’un site dédié aux retours d’expérience.
Rebelote aux JO d’hiver 2030
Pour situer la place des JO dans l’histoire du bâtiment, Marie Dorio empreinte sa grille de lecture au théoricien américain de la diffusion de l’innovation Everett Rodgers : « Les adopteurs précoces ont succédé aux pionniers, lors de la création de France Bois 2024 en 2018. Désormais, l’heure est venue de la majorité précoce. Le cycle de diffusion s’achèvera avec la majorité tardive, aux JO d’hiver de 2030 », prophétise la coordinatrice de France Bois 2024.