Des instruments incitatifs pour lutter contre l'artificialisation des sols

Le Comité pour l’économie verte vient d’identifier cinq pistes pour lutter contre l’artificialisation des sols, qui a représenté 65 758 hectares par an en moyenne entre 2006 et 2015. France stratégie et le CGEDD travaillent également à ce sujet et leurs conclusions sont attendues pour la fin de l’été.

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Artificialisation des sols
Le Comité pour l'économie verte identifie des pistes pour lutter contre l'artificialisation des sols.

Dans un rapport daté de juin 2019 et dont AEF info a eu copie, le comité pour l’économie verte dresse cinq recommandations pour lutter contre l’artificialisation des sols. Elles visent à rendre opérationnel le nouvel observatoire de l’artificialisation, passer en revue les instruments fiscaux favorables et défavorables, outiller les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), valoriser les services environnementaux ou encore moduler la taxe d’aménagement pour décourager le mitage.

Revoir l’articulation des différents outils entre eux

Car si le plan biodiversité fixe pour la France l’objectif de zéro artificialisation nette, cette dernière continue de s’accroître en France, la surface imperméabilisée totale en métropole étant passée en 30 ans de 20 000 km² à près de 33 000 km².

Il existe pourtant "de nombreux outils réglementaires et économiques, y compris de nature fiscale" pour enrayer le phénomène, constate le groupe de travail à l’origine de ce rapport, piloté par Anne-Catherine Loisier, sénatrice UC de la Côte-d’Or et Anne-Laurence Petel, députée LREM des Bouches-du-Rhône. Mais ils sont "généralement mal articulés entre eux, souvent facultatifs et peu utilisés".

Parmi eux figurent, "en premier lieu", les plans locaux d’urbanisme intercommunaux "qui s’appliquent à une échelle autorisant une meilleure coordination". "Cependant, la plupart de ces instruments ne concernent qu’un des aspects de l’artificialisation, et peuvent être soumis à des conflits d’objectifs entre protection du territoire et développement économique notamment", souligne le document. Par ailleurs, "les outils économiques ou de fiscalité incitative sont peu nombreux, et leur utilisation est à ce jour limitée".

Donner une "place importante" aux outils incitatifs

Dans ce contexte, l’objectif zéro artificialisation nette que poursuit la France à travers le plan biodiversité de juillet 2018 "devrait être défini de manière pragmatique et son pilotage reposer sur des outils cohérents accordant une place importante aux instruments incitatifs, et sur un suivi de leurs impacts socio-économiques."

Cet objectif devrait ainsi se traduire par un suivi suivant trois axes : imperméabilisation, changement d’usage des sols, et forme du développement urbain.

Ensuite, il devrait "conserver sa souplesse par la définition d’une trajectoire à long terme, et par le choix d’une échelle géographique large (nationale ou régionale), afin de permettre des ajustements entre territoires et au cours du temps". Cette souplesse devrait aussi s’illustrer par la liberté laissée aux acteurs de construire sur des espaces non artificialisés, sous réserve de compensation appropriée, note le rapport.

À quoi doit servir l’Observatoire ?

La première recommandation identifiée dans le rapport concerne l’Observatoire de l’artificialisation mis en ligne depuis le 4 juillet.

Il doit notamment "assurer une information partagée sur les enjeux de l’artificialisation, et fournir aux acteurs de l’aménagement les connaissances opérationnelles nécessaires sur les solutions disponibles pour maîtriser l’artificialisation et sur leurs coûts". Ceci passe en particulier par :

  •    accroître et diffuser des informations précises sur les gisements d’espaces artificialisés réutilisables ou compatibles avec la renaturation (inventaire des friches, locaux vacants) ;
  •     créer un guide pour présenter un panorama des acteurs et des structures qu’il est possible de solliciter ou de mettre en place (établissements publics fonciers locaux, sites de compensation, etc.) ;
  •     établir un guide présentant l’ensemble des situations envisageables en termes d’écosystèmes mais aussi de type de commune et de leurs dynamiques ;
  •     informer et sensibiliser l’ensemble des acteurs (administrations, collectivités, opérateurs privés et publics, porteurs de projets et ménages) des coûts générés par l’artificialisation.

Pour l’heure, le site met en ligne des cartographies relevant de six bases de données : les fichiers fonciers, l’occupation du sol à grande échelle, le mode d’occupation du sol de l’Île-de-France, l’inventaire biophysique de l’occupation des sols et de son évolution (Corine Land cover), le géoportail de l’urbanisme et la BD Topo.

Evaluer les instruments disponibles

Deuxième recommandation : effectuer la revue des instruments existants susceptibles de favoriser ou défavoriser la maîtrise de l’artificialisation.

Cette revue, "à engager très rapidement" selon le Comité pour l’économie verte, devrait évaluer notamment la taxe sur les logements vacants et sur les friches commerciales, et la majoration de taxe foncière sur le non bâti pour les terrains à bâtir, "sachant que dans ce cas les impacts peuvent être antagonistes".

Plus généralement, elle devrait "considérer la taxation du foncier non bâti, les taxes assises sur la plus-value immobilière de cession pour les terrains devenus constructibles, les conventions d’échanges de droits de constructibilité, la capacité de modulation de la part communale de la taxe d’aménagement, le versement pour sous-densité, et l’exonération temporaire de la taxe foncière en raison de travaux d’économies d’énergie.

Il conviendrait également de rendre les avis des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) "prescriptifs et conformes dans la perspective d’une trajectoire de réduction de l’artificialisation nouvelle".

Le rapport préconise aussi l’expérimentation, "en s’inspirant des expériences étrangères, des mécanismes économiques de coordination au sein ou entre intercommunalités, par exemple un système d’échanges de permis d’artificialiser, qui permettrait une redistribution entre communes."

Corriger les dispositions fiscales défavorables

Pour "corriger les instruments de politiques publiques et les dispositions fiscales qui sont défavorables" à la maîtrise de l’artificialisation, le rapport préconise d’adapter la fiscalité existante pour la rendre plus favorable au maintien des espaces naturels, agricoles et forestiers. Cela passe, par exemple, par :

  •     moduler la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), qui s’applique aujourd’hui à toutes les surfaces commerciales quelle que soit leur localisation, pour favoriser l’essor du commerce en centre-ville, et étudier son affectation aux régions ;
  •     s’assurer que la taxation du foncier non bâti ne joue pas contre la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;
  •     revoir les exonérations et abattements de la taxe d’aménagement à l’aune de leur impact sur l’artificialisation (en particulier les diverses possibilités d’exonération de part communale ou départementale susceptibles d’aboutir à une concurrence entre les collectivités) ;
  •     revoir la taxation des espaces de stationnement de manière à favoriser le stationnement souterrain ;
  •     réorienter les aides publiques (logement, locaux d’activité économique, infrastructures de transport) pour favoriser l’ancien et la rénovation et ainsi limiter l’étalement urbain ;
  •     accélérer la rénovation thermique des logements ;
  •     orienter les dotations d’équipement aux territoires ruraux vers la rénovation et l’utilisation des friches ou encore la reconversion des lotissements ;
  •     engager une revue de l’ensemble des freins (normes, recours, coûts de la dépollution, délais etc.) à l’acte de construire en centre-ville afin de simplifier et faciliter le recyclage urbain ;
  •     instaurer une taxe sur les locaux vacants (bureaux, commerces, logistiques, etc.) pour utiliser en priorité l’existant.

Agir au niveau des régions

Après l’analyse des outils réglementaires et fiscaux, le rapport se penche sur l’échelon régional en proposant d'"outiller les Sraddet". Cela passera notamment par deux mesures : le "suivi obligatoire" de l’artificialisation à partir des données mises à disposition par l’Observatoire de l’artificialisation et la mise en place, au préalable, d’indicateurs opposables de mesure de l’artificialisation.

Il conviendra également de mettre en œuvre ou diffuser largement les dispositifs de valorisation des services environnementaux rendus par les espaces naturels, agricoles et forestiers, ainsi que des espaces artificialisés non imperméabilisés d’intérêt. Cela concerne notamment la mise en œuvre des paiements pour services environnementaux (150 M€ doivent y être consacrés d'ici 2021), le renforcement de l’attractivité des obligations réelles environnementales et la création d’une mission sur les mécanismes de compensation.

Cette mission devrait notamment dresser un état des lieux des compensations existantes et de leurs différentes logiques (écologique, collective agricole, forestière), et réfléchir aux contours d’un outil unique pour compenser les pertes de capital productif et environnemental.

Moduler la taxe d’aménagement

Dernière recommandation de ce rapport : l’introduction d’une modulation de la taxe d’aménagement fonctionnant comme un mécanisme de type bonus-malus. Compatible avec les objectifs fixés dans les Sraddet, il devra décourager le mitage et favoriser le renouvellement urbain.

Pour ce faire, il conviendrait de :

  •     "créer une composante 'artificialisation' à la taxe d’aménagement, assise sur les indicateurs d’artificialisation qui seront définis par ailleurs dans le cadre du plan biodiversité ;
  •     utiliser sa recette pour financer une "prime d’aménagement durable" permettant d’assurer la neutralité du dispositif sur le coût du logement neuf ou de favoriser le renouvellement urbain.

Le rapport note encore que "le choix de l’échelle régionale rendrait possible le versement simultané de la composante artificialisation et de la prime, au moment de la réalisation de l’aménagement." Et affirme que le dispositif devra, à terme, "intégrer la qualité des sols considérés et leurs services rendus, afin de ne pas se limiter à une vision quantitative d’un m² rendu pour un m² artificialisé, et de limiter les coûts induits par l’artificialisation pour la collectivité."

Deux autres rapports

Outre cette étude du Comité pour l’économie verte, le gouvernement attend deux autres études sur l’artificialisation des sols : l’une de France stratégie et l’autre du CGEDD. Leurs conclusions sont attendues pour la fin de l’été.

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