La hausse des délais de règlement des collectivités perçues par les acteurs du BTP se confirme à la lecture du rapport annuel pour 2023 de l’Observatoire des délais de paiement publié ce 17 juin 2024.
Légère hausse dans le secteur public
Ainsi le délai de paiement moyen de l’Etat et de ses services était de 14,6 jours en 2023, soit une hausse de 0,6 jours par rapport à 2022. Côté collectivités, un léger allongement est aussi à noter. Pour les départements, le délai moyen augmente de 4,5 % (20,2 jours en 2023, contre 19,3 en 2022) ; pour les régions, il passe de 26,3 à 28,4 jours (+ 7,9 %). Le nombre de régions et de départements ayant dépassé le délai légal maximal de 30 jours a lui aussi augmenté : en 2023, 3 régions sur 12 et 11 départements sur 93 ont payé en retard, contre 2 régions et 8 départements en 2022.
Les communes font office de meilleur élève : les délais de paiement sont restés stables (19,6 jours en moyenne). Et la part de celles qui ne respectent pas le délai légal a diminué en 2023 (4,6 %, contre 5,3 %). Mais l’Observatoire constate une augmentation du nombre de communes de plus de 50 000 habitants ayant réglé leurs factures en retard.
Amélioration en Outre-Mer
Les délais de paiement des collectivités territoriales ultramarines ont diminué de deux jours entre 2022 et 2023. Mais situé autour de 60 jours, le délai moyen reste bien au-dessus du délai réglementaire de 30 jours. Des difficultés qui s'expliquent notamment par "les problèmes récurrents de trésorerie" rencontrés et par la hausse des prix des matières premières, selon l'Observatoire.
Les délais cachés dans le viseur du BTP
Ce qui explique peut-être la perception négative du secteur des travaux publics qui qualifie l’aggravation des délais de paiement des collectivités de « très nette », comme le note le rapport. Autre explication : les données ne prennent pas en compte les « délais cachés », pouvant être définis comme « des pratiques de rejets de factures non justifiés par des maîtres d’œuvre et des maîtres d’ouvrage » conduisant à augmenter de manière importante leurs délais de paiement en amont de l’intégration dans Chorus Pro, la plateforme de dématérialisation des factures à utiliser en cas de transaction avec le secteur public.
L’Observatoire note « qu’une meilleure information sur les motifs de rejet sur la plateforme et qu’un meilleur encadrement de la gestion de ces mêmes rejets semblent des solutions appropriées qu’il convient néanmoins de tester avant déploiement effectif ».
Améliorer les pratiques dans les marchés publics de travaux
Une réflexion qui s’ajoute à celle entreprise par l’Observatoire économique de la commande publique et le Médiateur des entreprises depuis juin 2023. Celle-ci doit aboutir à la publication prochaine d’un guide portant sur la facturation et le paiement des marchés publics de travaux. Lequel doit « valoriser des bonnes pratiques partagées pour fluidifier la communication et limiter les hypothèses de rejet des demandes de paiement ou de retard dans leur traitement à tous les stades de la vie du marché », selon l’Observatoire des délais de paiement.
Le guide rappellera également « la règle essentielle du paiement aux entreprises de travaux des sommes qui sont validées, y compris à titre provisoire, par le maître d’œuvre et par le maître d’ouvrage ». Il conseillera par ailleurs de privilégier les procédures de règlement amiable en cas de désaccord sur les montants, comme le recommande aussi l’article 55.2 du CCAG travaux.
Tensions sur les trésoreries des entreprises
S’agissant des délais entre entreprises, les données disponibles permettent de dresser le bilan pour 2022. L’Observatoire salue une nouvelle baisse du délai moyen, qui passe à 51 jours (- 2 jours par rapport à 2021). Une tendance qui se confirme dans les travaux publics, avec une diminution à la fois des délais clients et des délais fournisseurs (respectivement situé à 82,5 jours et à 72,1 jours). Toutefois l’écart entre ces délais se maintient. Ce qui entraîne un déséquilibre, qualifié d’effet ciseau par l’Observatoire, à l’origine de tensions dans la trésorerie des entreprises.
La situation est d’autant plus tendue pour les plus petites entreprises de la construction. Et l’Observatoire alerte : les besoins de trésorerie vont s’accroître, les indicateurs montrant déjà un recul de l’activité dans le secteur en 2023. Lequel devrait s’intensifier en 2024.
Moins de retards
Les retards de paiements sont restés stables en 2023 (12,6 jours de retard). Mais les longs retards s’accroissent : 8,3 % des entreprises ont payé avec plus de 30 jours de retard en 2023, contre 7,2 % en 2022. L'Observatoire a lancé début 2024 un groupe de travail pour identifier les causes de ces retards et dégager des bonnes pratiques. Ses conclusions devraient être publiées avant la fin de l'année.
La construction en alerte
Dans le secteur de la construction, le nombre de jours de retard moyen est légèrement inférieur à la moyenne tout secteur confondu (11 jours). Néanmoins l’Observatoire s’inquiète « de comportements de paiement davantage sous tension au fil des trimestres ». Une augmentation progressive des délais confirmée notamment par les distributeurs de matériaux de construction, ce qui représente « une dégradation inédite pour le négoce, eu égard aux conclusions des enquêtes de perception de ces deux dernières années ».