Délais de paiement à 30 jours : quel impact pour les entreprises du BTP ?

Ce mercredi 20 mars, le Parlement européen s'est penché en commission sur le projet de règlement de la Commission qui raccourcirait les délais de paiement à 30 jours pour toutes les entreprises européennes. Selon une étude Altares publiée le même jour, l’impact sur les entreprises de BTP demande à être éclairci.

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délai de paiement
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Renflouer la trésorerie des PME et lutter contre les retards de paiement : tels sont les objectifs du projet de règlement de la Commission européenne, adopté le 20 mars par la la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) du Parlement européen.

Dans sa version initiale, le texte présenté le 12 septembre 2023 fixait les délais de paiement à 30 jours pour toutes les entreprises.

Dans l'attente de l'éventuelle adoption d'amendements de compromis qui pourraient permettre de négocier ces délais jusqu'à 60 jours contrat par contrat pour les transaction entre entreprises, une étude d'Altares et du laboratoire de recherche en finance de l’Université de Strasbourg (LaRGE), parue mercredi 20 mars, vient apporter un éclairage sur les impacts d’une telle mesure.

Plus de trésorerie ?

Premier constat : les délais de paiement clients s’élèvent en moyenne à 50 jours et ceux des fournisseurs à 60. Les ramener à 30 jours permettrait donc aux entreprises du BTP d’être payées plus rapidement par leurs clients, et donc de renflouer leur trésorerie.

Revers de la médaille : ce raccourcissement des délais pour le paiement de leurs fournisseurs pourrait tendre cette même trésorerie.

Actuellement, le secteur de la construction est en cinquième position des entreprises à la fois impactées par les délais clients et fournisseurs, à 48,2 %, contre 30,9 % en moyenne tous secteurs confondus.

Selon l'étude d'Altares, dans une configuration où les délais de paiement seraient ramenés strictement à 30 jours pour tous, seulement 15,7 % d'entre elles ne seraient plus impactées que par les délais clients (14,5 % en moyenne) et 20,2% pour les seuls délais fournisseurs (27,7 % en moyenne).

La ministre Olivia Grégoire s'oppose à ce règlement

Dans une interview aux Echos parue le 20 mars, la ministre déléguée auprès du ministre de l'Économie et des Finances, chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, s’est opposée à ce projet de règlement européen fixant les délais de paiement à 30 jours pour toutes les entreprises. « Les PME seront au contraire pénalisées si on réduit le délai légal de 60 à 30 jours, et nous y sommes opposés. Cette mesure désorganiserait les échanges, favoriserait les importations. Nous sommes favorables au maintien du délai légal à 60 jours assorti de dérogations sectorielles », a-t-elle indiqué. Pour combattre les retards de paiement, la ministre a affiché sa volonté de doubler le plafond des sanctions à 2 M€, et a annoncé que les délais de paiement des collectivités de plus de 3500 habitants seront publiés dès le 15 avril.

Un secteur du gros œuvre plus touché

De fait, il est difficile de savoir si les entreprises du BTP tireraient leur épingle du jeu si ce règlement était adopté par le Parlement européen lors de la session du 22 au 25 avril.

Altares a tout de même répertorié les PME et microentreprises dont les besoins de trésorerie ne seraient pas couverts. Les sociétés de travaux de maçonnerie générale et gros œuvre arrivent en dixième position : 993 sociétés se retrouveraient avec un besoin moyen de trésorerie supplémentaire de 29 861 €.

Thierry Millon, directeur d'étude d'Altares, remarque ainsi que « les entreprises du BTP travaillant principalement pour les collectivités et les acteurs professionnels vont ressortir gagnantes, puisqu'elles seront payées plus vite. Cependant, les entreprises de maçonnerie, par exemple, travaillant pour des particuliers vont avoir plus de besoins que de ressources en trésorerie dégagée. Il faudra rester vigilant avec les secteurs en contact avec le client final. » Une double peine donc, pour un secteur du gros oeuvre déjà durement touché par la crise de la construction neuve. 

Attention aux grandes entreprises

Au-delà des différences sectorielles, les répercussions économiques de ce règlement européen seront différenciées en fonction de la taille de l'entreprise. Ainsi, alors que ce nouvel encadrement des délais de paiement devrait dégager 14,4 Mds€ de trésorerie pour les PME tous secteurs confondus, 5,9 Mds€ pour les TPE et 6,9 Mds€ pour les ETI, les grandes entreprises devraient avoir des besoins en trésorerie nouveaux de l'ordre de 12,5 Mds€.

Selon Thierry Millon, « il ne faut pas oublier dans l'équation les donneurs d'ordre que sont les ETI et les grandes entreprises, et notamment dans le secteur du bâtiment, qui est dans une situation de paiement tendue. L'objectif est de renflouer les trésoreries des PME, mais l'impact sera délétère si elles n'ont plus de travail de la part des donneurs d'ordre. »

En effet, dans ce nouveau règlement, ces derniers devront payer leurs sous-traitants plus rapidement, et donc engager un plus gros volume de trésorerie. Toujours est-il que si une dérogation est accordée pour des délais de paiement entre entreprises et fournisseurs, ce nouveau règlement européen pourrait jouer en la faveur de nombreuses PME du BTP. 

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