Comment le gouvernement veut accélérer sur le photovoltaïque

Lever des freins juridiques qui empêchent les projets d’énergie solaire de se développer sur certains terrains ou certaines zones et obliger les parkings existants à se solariser. Telles sont les deux principales mesures envisagées par l’avant-projet de loi EnR actuellement en cours de concertation.

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panneaux solaires - parkings
L'avant-projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables entend imposer la solarisation des parkings extérieurs existants.

Avec une puissance installée actuelle d’environ 13 GW, le défi pour atteindre les objectifs de la PPE (20 GW en 2023 et entre 35 et 44 GW en 2028) est très important, explique Florian Ferjoux, avocat au cabinet Gossement avocats, lors d’un webinaire organisé le 31 août 2022 et consacré à l’avant-projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables. Parmi les 20 articles que comporte le texte et qui sera présenté d’ici la fin du mois de septembre en Conseil des ministres, le titre II concerne les « mesures spécifiques à l'accélération du photovoltaïque ».

Equilibre à trouver

Le solaire bénéficie d’une vision politique favorable, estime l’avocat, le développement de l’énergie photovoltaïque et le rehaussement des objectifs faisant « consensus ». Mais pour doper le photovoltaïque, il faut nécessairement passer par des mesures juridiques car « le cadre n’est aujourd’hui pas suffisant pour permettre ce développement fort du solaire ». Pour autant, si consensus il y a sur les objectifs, encore faut-il s’accorder sur la manière de les atteindre, car « le solaire doit aussi prendre en compte la biodiversité, l’environnement, le ZAN et les enjeux agricoles », note Florian Ferjoux. Les mesures qui seront adoptées devront donc trouver « un équilibre entre tous ces enjeux ». D’où l’idée du gouvernement « d’aller plutôt sur des terrains dits dégradés ou déjà anthropisés ».

Libérer du foncier

Concrètement, l’exécutif s’attaque tout d’abord aux délaissés routiers et autoroutiers. En l’état actuel, en dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de 100 mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations et de 75 mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes (art. L. 111-6 du Code de l’urbanisme).

La loi relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019 avait déjà permis « aux infrastructures de production d'énergie solaire » de s’implanter dans cette bande mais uniquement « lorsqu'elles sont installées sur des parcelles déclassées par suite d'un changement de tracé des voies du domaine public routier ou de l'ouverture d'une voie nouvelle ou sur les aires de repos, les aires de service et les aires de stationnement situées sur le réseau routier » (art. L. 111-7 du Code de l’urbanisme). L’avant-projet de loi supprime cette condition. L’idée du gouvernement est de libérer le foncier autour de ces voies. « Selon l’étude d’impact de l’avant-projet de loi, cette mesure pourrait permettre d’obtenir une puissance de 2,5 GW », précise Florian Ferjoux.

Autre mesure envisagée : faciliter les procédures de mise en concurrence obligatoire du domaine public de l’Etat pour les projets photovoltaïques (art. L. 2122-1-3-1 du Code général de la propriété des personnes publiques). Comment ? En donnant plus de pouvoir aux gestionnaires des concessions autoroutières.

Loi Littoral…

Le texte entend aussi modifier la loi Littoral en autorisant, par dérogation au principe de continuité de l’urbanisation, l’implantation de projets photovoltaïques sur certaines friches. « Une mesure qui n’a pas fait l’objet d’une estimation de la puissance qui pourrait être dévelopée », regrette Florian Ferjoux. « Le Cerema a estimé que 20 sites pourraient bénéficier de cette dérogation ». Ce qui est « à la fois beaucoup et très peu compte tenu des objectifs à atteindre ». Et qui pose en creux la question de la pertinence de modifier cette loi emblématique de 1986.

Rappelons que cette mesure a déjà été votée par le Parlement dans le cadre de la loi Climat et résilience mais qu’elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel comme étant un cavalier législatif. Mais même déjà votée récemment, il y a fort à parier que cette mesure entraînera des débats houleux lors de l’examen du texte au Parlement, « comme à chaque fois qu’il est question de modifier la loi Littoral », commente l’avocat.

… Et loi Montagne

Le texte souhaite aussi faciliter encore plus les projets photovoltaïques en zone de montagne, même si dans ces zones, « les freins à l’urbanisation en discontinuité sont moindres qu’en zone littorale », note Florian Ferjoux. « Aujourd’hui, on peut construire en dehors des espaces urbanisés à condition que le Scot ou le PLU contienne une étude qui analyse les éventuelles incidences du projet par rapport aux problématiques paysagères, environnementales, patrimoniales… ». L’avant-projet de loi prévoit que les cartes communales pourront aussi, « dans les mêmes conditions, comporter une telle étude afin de permettre la réalisation des ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installés sur le sol ».

Solariser les parkings existants

Enfin, dernière mesure envisagée et peut-être « la plus forte et la plus efficace » selon l’avocat : l’obligation d’installer des ombrières photovoltaïques sur des parcs de stationnement extérieurs existants d’une superficie supérieure à 2 500 m2. « Entre 7 et 11 GW pourraient ainsi être développés selon l’exposé des motifs de l’avant-projet », précise-t-il.

Pour mémoire, la loi Climat et résilience avait déjà prévu des mesures de solarisation des parkings mais les dispositions actuelles concernent uniquement les nouveaux parkings.

Une « sanction pécuniaire » pourrait être infligée à l’opérateur en cas de non-respect de cette obligation. Notons toutefois que cette obligation ne s’appliquerait pas « aux parcs de stationnement qui, en raison de contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales, ne permettent pas l’installation des procédés et dispositifs, […] ou lorsque cette obligation ne peut être satisfaite en raison de contraintes importantes faisant obstacle à un rendement économique suffisant ».

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