Lancée le 13 décembre 2024 par Bruxelles, la consultation publique sur les directives Marchés publics et Concessions de 2014 s’est achevée le 7 mars 2025. Elle avait pour objectif d’évaluer la performance de ces deux textes en vue de leur révision, qui doit intervenir au cours de l’actuelle mandature.
La Commission européenne a interrogé les contributeurs sur l’efficacité et la pertinence des objectifs assignés aux directives, à savoir la concurrence, l’accès des TPE et PME à la commande publique, la souplesse des procédures, la transparence et la promotion des achats durables et innovants. Elle a publié fin mai un rapport de synthèse des 733 réponses reçues.
Ce sont les personnes publiques qui se sont le plus mobilisées (27 % des réponses). Suivent les entreprises (20 % des réponses, parmi lesquelles 60 % émanent des grandes entreprises) et les fédérations professionnelles (16 %). Plus du quart des réponses proviennent d’Allemagne. La Belgique (14 % des réponses) et la France (10 %) complètent le podium.
Manque de souplesse
Premier constat : la plupart des répondants estiment que les directives de 2014 ne sont pas parvenues à simplifier la commande publique. De plus, les règles destinées à rendre les procédures plus flexibles, telles que les divers choix de procédures de passation disponibles ou les différents cas de modification des contrats, sont majoritairement regardées comme n’étant plus adaptées.
Les directives de 2014 n’ont pas passé l’épreuve des crises traversées depuis leur mise en application. Près de 45 % des contributeurs considèrent que les règles en vigueur ne sont pas adaptées aux situations d’urgence ni aux difficultés d’approvisionnement.
La démat’ en demi-teinte
Quant aux règles en matière de marchés publics électroniques, elles sont jugées « toujours pertinentes et adéquates pour faciliter l’accès au marché » par près de la moitié des répondants.
Mais les avis sont partagés s’agissant de l’impact de la digitalisation. Ainsi pour une majorité d’entreprises, elle a aidé à réduire la charge administrative (57 %) et à accélérer les procédures (52 %). Les personnes publiques se montrent plus sévères : seules 40 % d’entre elles estiment que la dématérialisation permet d’alléger le poids des procédures et 34 % qu’elle permet de les accélérer.
Des perceptions diverses sur la concurrence
Avis partagés aussi sur l’impact des directives sur la concurrence. Les entreprises et les fédérations professionnelles jugent en majorité que les textes de 2014 ont contribué à renforcer la concurrence. Alors que pour plus de la moitié des personnes publiques, ils n’ont pas abouti à davantage de concurrence.
La Commission note que les réponses ne permettent pas de tirer de conclusion sur l’augmentation de la concurrence depuis 2014. 25 % des répondants pensent que la concurrence s’est accrue, quand 25 % pensent qu’elle a diminué.
Des pratiques en question
Près de la moitié des contributeurs considèrent que les marchés attribués sur la base du seul critère du prix sont trop nombreux. Il s’agit d’une mauvaise pratique pour une majorité d’entreprises. Les personnes publiques estiment toutefois que les spécifications techniques permettent de s’assurer de la qualité du bien ou de la prestation achetée, quand bien même le contrat est attribué au moins-disant. Enfin, près de 30 % des répondants relèvent que le critère unique du prix est parfois le plus efficace. Il permet notamment d’acheter simplement et rapidement des biens homogénéisés.
S’agissant des procédures pour lesquelles il n’y a qu’un seul soumissionnaire, environ 60 % des répondants s’accordent pour considérer que ce n’est pas causé par des mauvaises pratiques des acheteurs mais plutôt par la structure du marché.
De même, près de 70 % des répondants jugent qu’attribuer directement un marché à une entreprise, sans procédure préalable, peut être légitime dans certaines circonstances et permet d’accélérer la passation du contrat.
Des doutes sur l’achat durable et l’achat innovant
A la question de savoir si les directives de 2014 ont favorisé l’achat écologiquement et socialement responsable ainsi que l’achat innovant, les personnes publiques répondent en majorité que c’est le cas. En revanche, les entreprises considèrent que les directives ne les ont pas encouragées à orienter leurs pratiques vers une plus grande prise en compte du développement durable, ni à se tourner davantage vers l’innovation.
Des doutes existent quant à la pertinence des règles sur l’achat durable. Environ 40 % des répondants jugent que ces règles restent adaptées, quand 32 % pensent le contraire. Idem s’agissant de la notion de « l’offre la plus économiquement avantageuse » qui permet de retenir une offre selon une multiplicité de critères : 35 % pensent qu’elle est encore efficace pour assurer le rôle stratégique des marchés publics, 42 % des répondants pensent qu’elle n’est plus adaptée.
Les priorités ont changé
La majorité des répondants (environ 40 %) considèrent que les objectifs initiaux poursuivis par les directives sont cohérents entre eux. La même proportion de réponses pointe toutefois l’incompatibilité des dernières réglementations sectorielles avec les directives de 2014. Est notamment cité le règlement NZIA entré en vigueur en juin 2024 qui comporte des dispositions sur l’intégration de critères de résilience dans les marchés publics portant sur certaines technologies, comme les panneaux photovoltaïques ou les pompes à chaleur.
Près de la moitié des contributions relèvent d’ailleurs que les directives ne sont pas adaptées pour répondre à l’objectif d’autonomie stratégique désormais poursuivi par l’Union européenne. La prise en compte de la résilience dans la commande publique devrait figurer dans la proposition de révision des directives que présentera la Commission européenne en 2026. Le 26 février dernier, l’exécutif européen a annoncé que les futurs textes intégreront la notion de « préférence européenne ».
Avant cela, la Commission devrait publier très prochainement un rapport d’évaluation des directives de 2014.