Malgré l’absence de ministres et parlementaires invités, occupés par les débats post-discours de politique générale de François Bayrou qui se tenaient au même moment, la salle était comble pour les vœux 2025 de l’Union sociale pour l’habitat (USH), organisés dans ses locaux parisiens le 14 janvier.
Pour sa présidente Emmanuelle Cosse, ce fût l’occasion de nommer les deux décideurs sur lesquels les membres de la confédération pourront compter en cette nouvelle année de crise immobilière. Un mauvais chiffre par tant d’autres : la France comptait 2,7 millions de ménages en attente d’un logement social au premier semestre 2024, soit 100 000 de plus par rapport à fin 2023.
Sous les yeux d’Olivier Salleron, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) qui alerte sur les défaillances d’entreprises exposées à la crise du logement, de Lionel Causse, député de la majorité et ancien président du Conseil national de l’habitat (CNH), et d’autres figures du secteur (environ 100 personnes), l’ancienne ministre a ainsi dépeint le nouveau patron de Bercy comme un allié des organismes HLM : « En gagnant un ministre de l’Economie tel qu’Eric Lombard, le logement social perd un partenaire de premier ordre (...) qui a toujours su, dans sa fonction de directeur général de la Caisse des Dépôts, trouver les équilibres nécessaires au modèle HLM et le défendre. »
Suspens sur la RLS
La présidente réélue de l’USH a fait référence aux projets de construction et de rénovation de logements sociaux financés par le gestionnaire de 60% des capitaux du Livret A malgré un contexte défavorable. En témoigne la mise en place - lors du premier quinquennat Macron - de la Réduction du Loyer de Solidarité (RLS), qui ponctionne le chiffre d’affaires annuel des bailleurs sociaux. A hauteur de 800M€ en 2018 et 2019 et de 1,3Mds€ depuis 2020.
D’où cette déclaration au sujet de Valérie Létard, ministre du Logement depuis septembre dernier : « Merci à elle pour les batailles menées : je pense notamment à la baisse de la RLS (qui passerait de 1,3Md€ en 2024 à 1,1Mds€ en 2025, NDLR). Cette première étape (pour la relance de la production sociale, NDLR) n’a pas été confirmée par la déclaration de politique générale (de François Bayrou, NDLR) qui est restée... très générale. » Rires dans la salle. Au nouvel exécutif d’inscrire cette mesure dans le projet de loi de finances 2025…
En attendant de rencontrer la nouvelle ministre de la Ville Juliette Méadel, qui veut sanctionner financièrement les bailleurs sociaux, ou encore Manuel Valls (Outre-mer), en première ligne pour la reconstruction à Mayotte, Emmanuelle Cosse a rappelé combien les organismes HLM avaient mal digéré une promesse non tenue d’octobre 2023.
« Quand un accord signé pour trois ans ne tient pas six mois (…), quand les crédits votés par le Parlement sont gelés unilatéralement par Bercy, quand plus aucune perspective n’est tracée par l’Etat qui devrait piloter les politiques publiques, c’est tout un secteur économique qui peine. Nous avons donc besoin (…) d’un Etat qui voit plus loin qu’une demi-annuité budgétaire », a-t-elle déclaré.
Le ministre du Logement de l’époque Patrice Vergriete s’était engagé à ce que l’Etat consacre 1,2Md€ à la rénovation énergétique du parc social, de 2024 à 2026. Quelques mois plus tard, le gouvernement Attal en décidait autrement au nom de la rigueur budgétaire. Sauf retournement de situation sous Bayrou ou son successeur si une motion de censure devait être votée cette année, 400M€ seront débloqués au total.
Inquiétude pour l’ANRU 3
Enfin, le non-remplacement de Catherine Vautrin à la présidence de l’Agence nationale du renouvellement urbain (ANRU) a également donné du grain à moudre à Emmanuelle Cosse : « Cette indécision coupable handicape une agence qui a besoin d’avoir à sa tête un ou une maire, qui a fait l’expérience d’un programme de renouvellement urbain et qui connait bien les quartiers prioritaires de la politique de la ville. »
Il en va de la mise en route du troisième programme de renouvellement urbain ou ANRU 3, qui doit succéder au Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), lancé en 2017. Les 453 quartiers concernés par cet ANRU 2 étaient tous en chantier en 2023.
« Les bailleurs sociaux, en tant que partenaires de premier rang, avec nos amis d’Action Logement, ne peuvent plus supporter un tel mépris. Je ne sais pas ce qui a guidé de tels atermoiements, mais j’en appelle solennellement au président de la République (qui a la responsabilité de cette nomination) et au Premier ministre. Il faut sortir de toute urgence de cette impasse », a insisté Emmanuelle Cosse. Les affaires courantes de l’ANRU sont gérées depuis janvier 2024 par un président par intérim, Jean-Baptiste Dolci.