Artificialisation : la proposition de loi Trace adoptée en commission au Sénat

La commission des Affaires économiques a adopté, le 19 février 2025, la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux. Les principales dispositions du texte sont maintenues, dont la suppression de l’objectif intermédiaire de réduction de l’artificialisation en 2031 et le maintien de la consommation d’Enaf comme unité de mesure.

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ZAN
La proposition de loi "Trace" visant à assouplir le dispositif de lutte contre l'artificialisation a été adopté en commission au Sénat.

Les sénateurs poursuivent leur entreprise de détricotage de l’objectif ZAN. Déjà à l’origine de la loi du 20 juillet 2023 « visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux », qui assouplissait les modalités de mise en œuvre du zéro artificialisation nette, la Chambre haute a adopté en commission, le 19 février 2025, une nouvelle proposition de loi destinée à donner plus de liberté aux élus locaux dans l’application du dispositif.

Déposée par Guislain Cambier (UC) et Jean-Baptiste Blanc (LR), la proposition de loi « visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux » dite « Trace », prévoit notamment de supprimer l’objectif intermédiaire de réduction de plus de 50 % de la consommation de terres d’ici à 2031 par rapport à la décennie 2011-2021, de décaler le calendrier de révision des documents d’urbanisme pour y intégrer l’objectif ZAN, et de maintenir la consommation d’Enaf en tant qu’unité de mesure de l’artificialisation au-delà de 2031.

Si le texte comporte dorénavant six articles au lieu de cinq, son esprit demeure conservé. La quasi-totalité des amendements adoptés sont ceux des rapporteurs de la commission Amel Gacquerre (UC) et Jean-Marc Boyer (LR).

« Espace urbanisé »

L’article 1er consacre la consommation d’Espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) comme unité de mesure de l’artificialisation jusqu’en 2050, définie comme « la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés ». En commission, les sénateurs ont souhaité préciser cette notion d' « espaces urbanisés » (amendement n° 50) : elle « s’apprécie au regard de la quantité, de la densité et de la continuité de l’urbanisation, de la structuration par des voies de circulation, des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets et la présence d’équipements ou de lieux collectifs publics et privés, ainsi que des types d’urbanisation et d’habitat locaux ».

L’amendement précise que la création ou l’extension de ce type d’espace au sein de l’enveloppe urbaine ne peut être considérée comme de la consommation d’Enaf. De même « en bordure de l’enveloppe urbaine, dès lors que l’espace concerné est majoritairement entouré d’espaces bâtis ou dont le sol est imperméabilisé ». Sachant qu' « une commune peut comporter plusieurs enveloppes urbaines ».

Dernier élément de cet amendement, « la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés s’apprécie à l’échelle de la parcelle cadastrale », « afin de mettre en cohérence les modalités de comptabilisation utilisées par le [Cerema], sur la base des fichiers fonciers, et la définition fixée par la loi ».

« Porter à connaissance »

Un autre amendement à l’article 1er prévoit que l’État met à disposition des collectivités et de leurs groupements « le bilan détaillé et chiffré de leur consommation d'[Enaf] » au cours des dix années précédant l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience de 2021. Cela s’inscrit dans le cadre de la procédure – existante – du « porter à connaissance », selon laquelle le représentant de l’État informe les collectivités et leur groupement des normes en vigueur à respecter pour réaliser leur projet.

Précision sur la fin de l’objectif intermédiaire

L’article 2 supprime l’objectif intermédiaire national de réduction de moitié de l’artificialisation sur la période 2021-2031 par rapport à la période 2011-2021 et de sa déclinaison dans chaque région, au profit d’objectifs intermédiaires différenciés, fixés par les collectivités elles-mêmes. Considérant que l’objectif ZAN en 2050 fixé par la loi Climat et résilience « reste une boussole indispensable », un amendement précise que les documents de planification régionaux doivent définir « une trajectoire tendancielle et des objectifs intermédiaires de réduction de la consommation » d’Enaf « compatibles » avec cet objectif. En effet, souligne l’amendement, « la suppression de l’objectif national contraignant de réduction de l’artificialisation de moitié d'ici 2031 ne dispensera en effet pas les régions et les Scot de fixer une trajectoire indicative crédible d'ici 2050, scandée par des objectifs intermédiaires ».

Les documents de planification qui auraient déjà été révisés ou seraient en passe de l’être conformément aux prescriptions de la loi Climat et résilience seraient considérés comme conformes, afin que les régions concernées ne soient pas contraintes de procéder à une nouvelle révision.

Évolutions du calendrier de révision

Pour permettre la mise en œuvre effective de ces nouvelles règles, la date butoir de modification des documents régionaux a été reportée à août 2027 (au lieu d’août 2026 dans la version initiale du texte). Et afin de rendre possible la modification « en cascade » des documents d’urbanisme, les dates butoirs de révision sont reportées respectivement à août 2028 pour les Scot et février 2029 pour les PLU/PLUi. Ces dates avaient été reportées à des échéances plus lointaines dans la version initiale du texte (2031 pour les Scot et 2037 pour les PLU).

Néanmoins, pour les Scot et les PLUi, les délais peuvent, dorénavant, être prorogés d’un maximum de deux ans par le préfet de département lorsque les collectivités locales et intercommunalités concernées « justifie[nt] dûment le dépassement desdits délais ».

De nouveaux projets exclus du ZAN

L’article 4 de la proposition de loi sénatoriale « acte l’exclusion et la non-mutualisation des projets d’envergure nationale et européenne (Pene) au sein des enveloppes de consommation d’Enaf fixées aux niveaux régionaux et locaux, assurant ainsi que ces dernières ne seront pas grevées par des projets ne relevant pas de l’initiative de la région ou des collectivités locales ». Un amendement impose à l’État, « par parallélisme des formes avec les communes et [EPCI] dans leurs documents d’urbanisme », de se fixer une trajectoire et des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d’Enaf compatibles avec l’objectif ZAN.

De plus, les installations de production d’énergie renouvelable, les implantations industrielles et la construction de logements sociaux sont exemptées du calcul de la consommation d’Enaf pour une durée de 15 ans après la promulgation de la loi (amendements n° 56, n° 70, n° 71 et n° 72).

Renforcement de la conférence régionale

L’article 5 renomme la « conférence régionale de gouvernance de la réduction de l’artificialisation des sols » en « conférence régionale de gouvernance de la sobriété foncière » et renforce son rôle. En commission, les sénateurs ont revu à la hausse la représentation des collectivités locales et de leurs groupements, qui passe d’environ 60 % à 75 % (amendement n° 58). Cette conférence peut désormais aussi s’opposer à la liste des projets d’intérêt régional, et enjoindre à la région qui a modifié son Sraddet de faire évoluer seulement son volet dédié à l’artificialisation pour prendre en compte la loi « Trace ». Les communes et les intercommunalités pourront aussi, dans un délai de trois mois après l’arrêt du projet de modification du document de planification régional (outre le Sdrif), se prononcer sur la trajectoire et les objectifs qu’il fixe, sans quoi leur avis est réputé favorable.

Enfin, « les trajectoires et objectifs » des Sraddet, du Padduc et des SAR s’appliquent notamment aux Scot et, à défaut, aux PLUi, « dans un rapport de prise en compte, et non pas dans un rapport de compatibilité, plus contraignant ».

Mutualisation de la garantie communale

Un article 6 est créé par l’amendement n° 59. Il « prévoit la possibilité de mutualiser la garantie de développement communal au niveau des Scot, voire des régions, afin de minimiser le risque de gel de foncier au niveau de l’[EPCI], qui est le seul niveau de mutualisation admis jusque-là », indique son objet. Cela peut donner lieu à des « mesures compensatoires ».

Cette modification peut être réalisée en tout temps et, donc, pas seulement avant la modification des documents d’urbanisme destinée à intégrer les objectifs de lutte contre l’artificialisation. La mutualisation peut concerner tout ou partie de l’hectare de la garantie de développement communal.

Pour favoriser « la mise en œuvre concrète » de ce dispositif, les communes, les EPCI concernés et les Scot peuvent recourir à des modifications simplifiées de leur document d’urbanisme. Ils peuvent également « identifier des zones qui pourront être ouvertes ou fermées à l’urbanisation de manière conditionnelle, dès lors que le mécanisme de mutualisation de la garantie de développement communal aura été mobilisé ».

La proposition de loi sera examinée en séance publique à compter du 12 mars.

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