Autoroute A69 : le contrat de concession sur la sellette

Le Conseil d'Etat va se prononcer dans les prochaines semaines sur la validité du contrat conclu entre l'Etat et la société Atosca. Trois associations estiment que la durée de la convention, fixée à 55 ans, est excessive.

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A69 : échangeur de Soual
Chantier de l'échangeur de Soual.

Quelques semaines après la décision du tribunal administratif de Toulouse à propos de son autorisation environnementale, le projet d’autoroute A69 retourne déjà devant les prétoires. Les associations Attac Tarn, Agir pour l’environnement et Les Vallons ont saisi le Conseil d’Etat pour contester le contrat de concession conclu le 20 avril 2022 entre l’Etat et la société Atosca. L’audience devrait se tenir le 14 mai 2025.

A noter qu'en juillet dernier, les trois associations avaient sollicité en référé la suspension de l'exécution de la concession dans l'attente que la Haute juridiction se prononce sur le fond. Le Conseil d'Etat avait rejeté cette demande, faute d'urgence justifiant d'interrompre le contrat. 

Le Conseil d’Etat est compétent en premier ressort pour connaître des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres. La clause du contrat de concession relative à sa durée, contestée par les associations, constitue une clause réglementaire, estiment-elles. 

Absence de transfert de risque

« Nous pouvons affirmer et démontrer qu’il n’y a pas de transfert de risque dans ce contrat », assène Christophe Leguévaques, avocat des associations. Ce qui contreviendrait au « principe séculaire pour le Conseil d’Etat selon lequel le concessionnaire doit se voir transférer l’intégralité du risque d’exploitation », poursuit-il. Cette règle figure aujourd’hui à l’article L.1121-1 du Code de la commande publique (CCP).

Une durée excessive

Au cœur de la démonstration des requérants, la durée du contrat fixée à 55 ans (art. 29 de la concession). Celle-ci serait excessive, d'après les associations. Elles s'appuient principalement sur l'avis rendu par l'Autorité de régulation des transports (ART) en amont de la conclusion de la concession.

Dans cet avis consultatif du 22 janvier 2022, l’ART indiquait que, pour établir la durée de la concession, l’Etat concédant s’était référé « aux durées de financement généralement retenues pour ce type de projet d’infrastructure qui sont de 30 à 40 ans » et « aux exigences supposées des prêteurs qui demanderaient une durée de concession supplémentaire de 5 à 15 ans après l’amortissement du prêt ». 

Un doute sérieux

Les associations ne contestent pas que la durée du financement ait servi de base pour déterminer la durée de la convention. Elles considèrent toutefois qu'il existe un doute sérieux sur le coût réel de l'opération, à partir duquel sont calculées les durées de financement et d'amortissement.

Faute d'avoir eu connaissance de l'annexe financière de la concession, grisée au titre de la protection du secret des affaires, les requérants s'appuie sur les chiffres auxquels les députés membres de la commission d'enquête sur le montage juridique et financier de l'A69 ont eu accès. Le tableau d'amortissement communiqué aux parlementaires s'achèverait au bout de 23 ans. Si bien que la durée de la concession devrait en réalité être de 25 ans si l'on prend en compte les deux ans de travaux de construction, estiment les associations. 

Ne pas avoir l’assurance d’amortir ses investissements

Quant aux 15 ans supplémentaires mentionnés par l'ART, ils seraient tout simplement contraires au droit, affirme Christophe Leguévaques. Pour l'avocat, il ne serait pas possible de prévoir une durée de contrat permettant au concessionnaire « d’assurer à coup sûr un retour sur investissement », de sorte qu’il n’y aurait pas de réel transfert de risque. « C’est pourquoi nous demandons la nullité de la clause sur la durée qui est illégale, et par conséquent la résiliation de la concession sur le fondement de cette illégalité ».

Pour mémoire, l’article R. 3114-2 du CCP prévoit que la durée des concessions « ne doit pas excéder le temps raisonnablement escompté par le concessionnaire pour qu’il amortisse les investissements réalisés […] avec un retour sur les capitaux investis ». L’article L.1121-1 précise que « le concessionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ».

« Clause d'apparat »

Par ailleurs le contrat de concession prévoit un mécanisme dit de « durée endogène ». Celui-ci permet à l’Etat de mettre fin à la concession de manière anticipée, à partir de la 29e année, dès lors que le chiffre d’affaires cumulé réalisé par Atosca dépasse environ 4,1 Mds €. Ce seuil de déclenchement représente 10 % de plus que le chiffre d’affaires total que prévoit d’atteindre le concessionnaire à l’issue des 55 ans de contrat, soulignait l’ART dans son avis précité.

Ce qui fait dire à Christophe Leguévaques que cette stipulation n'est qu'une « clause d'apparat ». « De plus la durée plancher dépasse celle de 25 ans, que nous considérons devoir être la durée maximale de la concession », souligne-t-il.

« Le Conseil d’Etat prend l’affaire au sérieux puisqu’il siégera en chambres réunies », affirme Christophe Leguévaques. C’est en tout cas la preuve que ce contentieux présente une difficulté juridique particulière.

A l'appui de leur recours, les trois associations remettent également en cause la prise en charge par l'Etat et les collectivités territoriales de plusieurs millions d'euros pour baisser de 33 % les tarifs des péages des tronçons des déviations de Soual et de Puylaurens, routes actuellement gratuites mais qui seront intégrées dans le périmètre de la concession. 

Cette mesure avait été annoncée à l'occasion du contentieux devant le TA de Toulouse sur la validité de l'autorisation environnementale délivrée au projet de l'A69. L'Etat avait produit une note en délibéré conduisant à la réouverture de l'instruction le 9 décembre dernier. Il espérait que cette baisse des péages, visant à rendre l'autoroute plus attractive pour les usagers, renforce la justification de l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur permettant de déroger à l'interdiction de destruction des espèces protégées.

Pour Christophe Leguévaques, cette prise en charge « modifie considérablement l'équilibre économique du contrat au profit du concessionnaire ». Il relève que la participation financière de l'Etat et des collectivités pour compenser cette diminution des tarifs s'ajoute aux 98,1M € de concours publics déjà apportés pour l'autoroute A69, sans que la durée de la concession ne soit abaissée. Ce qui renforce la garantie d'un amortissement rapide des investissements par Atosca, d'après l'avocat. 

A noter que la baisse des péages a été confirmée le 12 février dernier par les préfets de la région Occitanie et du département du Tarn. Elle devra être formalisée par un avenant au contrat de concession. 

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