Décryptage

Urbanisme-environnement : ce qu’il faut retenir du projet de loi SVE

Après un examen totalement décousu en raison de nombreux reports et malgré des divisions au sein du bloc gouvernemental, le projet de loi de simplification de la vie économique a finalement été adopté par les députés le 17 juin. Sécurisation juridique des projets routiers, ZAN, commerces, solarisation des parkings… Décryptage des principales mesures du texte avant son examen en commission mixte paritaire - et vraisemblablement par le Conseil constitutionnel.

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Après un parcours chaotique, le projet de loi de simplification de la vie économique a été adopté par les députés le 17 juin 2025.

275 voix contre 252. Le projet de loi de simplification de la vie économique, présenté en avril 2024 et suspendu cet été, dissolution de l’Assemblée nationale oblige, a été finalement été adopté de justesse le 17 juin 2025. Le parcours n’est pas fini pour autant. Le texte doit encore être examiné par une commission mixte paritaire et une saisine du Conseil constitutionnel n'est pas à exclure.

Dérogations au PLU

Sur le volet urbanisme, comme de coutume, le texte ajoute de nouvelles dérogations aux règles fixées dans les plans locaux d’urbanisme (PLU). Un nouvel article L. 152-5-3 au Code, adopté en commission, prévoit une nouvelle entorse aux règles de hauteur pour permettre la construction d’édifices plus hauts dans le cadre de projets d’intérêt national majeur. Un « pouvoir supplémentaire » accordé à l’autorité compétente, afin de préserver l’artificialisation des sols et la biodiversité.

Les députés ont également introduit un article L. 151-29-2 qui permet de déroger aux règles relatives à l’aspect extérieur, aux règles relatives à la densité, au gabarit ou à la hauteur, dans la limite de 30 % lorsque les travaux font preuve d’exemplarité environnementale.

Dans la même optique, dans les zones urbaines ou à urbaniser, le règlement du PLU pourra prévoir un dépassement des règles relatives non seulement au gabarit, mais également à la hauteur et à l’emprise au sol des constructions dans la limite de 30 % pour les bâtiments faisant preuve d'exemplarité énergétique ou environnementale ou qui intègrent des procédés de production d'énergies renouvelables (cf. art. L. 151-28 du Code de l’urbanisme).

Des dérogations au PLU seront également possibles pour contribuer notamment au déploiement des pompes à chaleur air/eau collectives et des énergies renouvelables implantées sur les bâtiments (art. L. 152-5 du Code de l’urbanisme).

Assouplissement du ZAN

Le texte entaille un peu plus le ZAN. Il modifie l’article 194 de la loi Climat et résilience pour prévoir que « les surfaces ouvertes à l’urbanisation dans [les documents d’urbanisme] peuvent, sans justification, dépasser jusqu’à 30 % l’objectif local de consommation maximale d’espaces naturels, agricoles et forestiers [Enaf] résultant de la déclinaison territoriale des objectifs de réduction de cette consommation fixés par [les Sraddet] ». Il sera même possible d’aller au-delà si le préfet est d’accord.

Il étend en outre l'exemption de comptabilisation de la consommation des sols à tous les projets d'intérêt majeur, national, régional, intercommunal ou communal. Un arrêté signé Bercy recensera les projets industriels d’intérêt majeur pour lesquels la consommation d’Enaf « induite par les aménagements, les équipements et les logements directement liés au projet n’est pas comptabilisée ».

Par ailleurs, les députés ont introduit un nouveau dispositif de « réserve nationale pour les projets industriels et leurs aménagements et logements connexes ». D’une durée de cinq ans, il vise à répondre aux besoins identifiés dans le cadre de la réindustrialisation, aux côtés des projets d’envergure nationale ou européenne (Pene) d’intérêt général majeur, explique le gouvernement. Ce forfait est fixé à hauteur de 10 000 hectares pour l’ensemble du pays, dont 9 000 seront mutualisés entre les régions couvertes par un Sraddet au prorata de leur enveloppe de consommation. « L’inscription des projets à l’enveloppe nationale dédiée à l’industrie se fera selon une procédure simple et concomitante au dépôt des autorisations d’urbanisme. [Elle] sera ainsi distincte de celle de l’inscription à la liste des projets d’envergure nationale ou européenne (Pene) et sera précisée par décret en conseil d’Etat ».

Adapter les bâtiments aux vagues de chaleur

En séance, le groupe Ecologiste et Social a fait passer un amendement transformant le régime d’avis conforme des architectes de bâtiments de France (ABF) en un régime d’avissimple pour les travaux d’installation de fermetures et protections solaires extérieures des fenêtres, portes-fenêtres et fenêtres de toit (art. L. 632-2-1 du Code du patrimoine). Objectif : faciliter l’adaptation des bâtiments aux vagues de chaleur, l’une des priorités du plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc-3).

Pour mémoire, l’avis conforme s’applique par défaut aux logements situés dans les sites patrimoniaux remarquables, dans les périmètres délimités des abords et lorsque les logements sont situés à moins de 500 mètres et sont en covisibilité avec un monument classé. Il concerne aussi bien le milieu urbain (près de 50 % des centres-villes sont protégés) que les zones périurbaines (24 %) et rurales (21 %), précise le député d’Indre-et-Loir, Charles Fournier, auteur de l’amendement. A titre d’exemple, à Paris, « 97 % des surfaces bâties sont soumises à l’avis des ABF : dans trois quarts des cas, un avis conforme est indispensable pour tout projet d’adaptation ».

Urbanisme commercial

L’aménagement commercial bénéficie aussi de « plusieurs dispositions de simplification », l'idée étant de faciliter l'implantation des commerces de centre-ville. Entre autres, le texte permet sous certaines conditions le déplacement temporaire de surfaces de vente sans que le pétitionnaire soit tenu de déposer une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) [nouvel art. L. 752-1-3 du Code de commerce].

Par ailleurs, l’expérimentation de l’article 97 de la loi 3DS est simplifiée et prolongée de trois ans (le terme initial était fixé au 21 février 2028) car aucune collectivité ne s’est pour le moment engagée, « les conditions à remplir étant jugées trop restrictives », indiquent les auteurs de l’amendement (Droite républicaine) adopté en séance. Pour mémoire, l’expérimentation consiste à transférer à certains EPCI l’instruction et la délivrance des AEC sans consulter les commissions départementales d’aménagement commercial.

Autres modifications : l’abaissement du seuil de superficie à partir duquel une AEC est nécessaire. Il passe ainsi de 1000 m2 à 400 m2. Les changements de secteur d’activité seront de la même manière soumis à AEC si la nouvelle surface de vente est de plus de 800 m² (contre 2 000 m² à ce jour), et la réouverture au public d’un magasin ayant cessé d’être exploité pendant trois ans sera soumise à AEC dès que le magasin a une surface de vente de plus de 800 m² (contre 2 500 m² à ce jour).

Le texte introduit aussi de nouveaux critères qualitatifs qui élargissent le champ d’intervention des commissions départementales d’aménagement commercial et il simplifie leur fonctionnement : les chambres consulaires n’y seront plus associées (art. L. 751-2 du Code de commerce).

Enfin, l’autorisation de travaux est remplacée par « une déclaration de conformité des travaux aux règles d’accessibilité et de sécurité contre l’incendie » pour les exploitations de moins de 300 m2. Initialement réservée aux magasins situés dans des centres commerciaux, cette mesure est étendue à tous les types d’emplacements. Une « simplification essentielle pour accélérer l’ouverture des points de vente et lutter contre la vacance commerciale » dans les territoires ruraux entre autres.

Cette déclaration, certifiée par un tiers présentant des garanties de compétence et d’indépendance, sera adressée avant le début des travaux à l’autorité administrative, qui pourra s’y opposer (art. L. 122-3 du Code de la construction et de l’habitation).

Data centers et infrastructures, des projets d’intérêt national majeur

Les députés créent un cadre favorable à l’implantation des data centers les plus importants. Ainsi, ceux qui revêtent, « eu égard à [leur] objet et à [leur] envergure, notamment en termes d’investissement, de puissance installée et de soutien à l’émergence d’écosystèmes domestiques compétitifs, une importance particulière pour la transition numérique, la transition écologique ou la souveraineté nationale » pourront être reconnus par décret de projet d’intérêt national majeur (PINM) (art. L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme).

Cette qualification de PINM leur permettra de bénéficier des mesures d’accélérations suivantes :

  • mise en compatibilité accélérée par l’Etat des documents de planification et d’urbanisme (régionaux et locaux),
  • délivrance du permis de construire par l’Etat,
  • reconnaissance anticipée de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), l’un des trois conditions nécessaires pour obtenir une dérogation espèces protégées,
  • procédures de raccordement électriques accélérées.

Le permis de construire pourra toutefois être refusé si le territoire sur lequel le projet est prévu connaît « des tensions structurelles de la ressource en eau ».

En pleine bataille politico-juridique autour du chantier de l’A69, les députés ont également élargi aux infrastructures la définition des projets qualifiés de PINM.

RIIPM ET DUP

Sur le volet environnemental et toujours en lien avec l’A69, ils ont aussi adopté une disposition visant à constater la RIIPM non au stade de l’autorisation environnementale, mais bien plus tôt dans la vie des projets, au stade de la déclaration d’utilité publique (DUP) ou de la déclaration de projet. Cette reconnaissance permettra de purger le « risque contentieux sur ce sujet crucial en même temps et devant le même juge que le risque contentieux sur la DUP, purge qui intervient le plus souvent avant l’engagement des travaux », explique le gouvernement à l’origine de l’amendement.

Cette reconnaissance ne pourra être contestée « qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre la DUP ou la déclaration de projet, dont elle est divisible. Autrement dit, pas de contestation possible de la RIIPM à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte accordant la dérogation.

En outre, la reconnaissance de la RIIPM sera ouverte aux projets pour lesquels une [DUP] ou une déclaration de projet a été prise avant l’entrée en vigueur de la loi, sous réserve qu’ils n’aient pas fait l’objet d’une décision juridictionnelle devenue définitive annulant ladite déclaration.

En revanche, a été supprimé l’article 20 bis AB qui prévoyait entre autres une présomption de RIIPM pour les projets d’infrastructures déclarés d’utilité publique en application de l’article L. 122-1-1 du Code de l’expropriation.

Compensation écologique

Par ailleurs, le cadre relatif à la compensation des atteintes à la biodiversité a été retouché. Le législateur ambitionne de donner plus de souplesse et de temps aux porteurs de projet en leur permettant de réaliser les mesures compensatoires « après le démarrage des travaux lorsque cela est approprié », souligne l’exposé des motifs. Ainsi, alors que l’article L. 163-1 du Code de l’environnement prévoyait une « obligation de résultat » et une mise en œuvre « effective » des mesures compensatoires « pendant toute la durée des atteintes », sa nouvelle rédaction prévoit que ces mesures « visent à éviter les pertes nettes de biodiversité pendant toute la durée des atteintes ou, à défaut, lorsque la complexité ou les délais nécessaires à leur mise en œuvre ne le permettent pas, à compenser les éventuelles pertes nettes intermédiaires dans un délai raisonnable, pertinent d’un point de vue écologique et indiqué dans l’arrêté d’autorisation environnementale du projet, en visant, à l’expiration de ce délai le cas échéant, une absence de perte nette, voire un gain de biodiversité. »

Solarisation des parkings et toitures

Concernant les énergies renouvelables, le texte complète l’article 40 de la loi Aper relatif aux obligations de solarisation des parkings extérieurs de plus de 1500 m2 pour d’une part, prévoir que les PLU ne peuvent interdire ou limiter l’installation d’ombrières. Et d’autre part, considérer que l’obligation est satisfaite lorsque les parkings « sont équipés de procédés mixtes concourant, au total, à l’ombrage d’au moins la moitié de leur superficie ». 35 % sur le total des 50 % à couvrir devront néanmoins être consacrés à l’installation d’ombrières.

Malgré l’opposition du gouvernement, le texte ajoute la possibilité de recourir aux « revêtements réflectifs » pour satisfaire aux obligations d’installer, en toiture de certaines constructions neuves ou rénovations lourdes, soit un dispositif de végétalisation, soit un procédé de production d’énergie renouvelable (art. L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation).

Eolien en mer

Enfin, en vue d’accélérer la réalisation des projets éoliens off-shore, le délai d’instruction est ramené à un an (contre 15 à 18 mois actuellement) à compter du dépôt de la demande complète d’autorisation. Cette mesure, déposée par le groupe Ecologiste et Social et soutenue par la filière, avait déjà été formulée en 2021 par le CGDD dans son rapport sur la simplification des procédures d’autorisation applicables aux éoliennes en mer.

Autre mesure, inspirée des travaux de la filière : la mise à disposition des études environnementales dès la décision d’attribution des lauréats des appels d’offres éoliens en mer. Il s’agit de « faciliter l'accès des lauréats des appels d'offres à l'intégralité des informations environnementales nécessaires à la réalisation de l'étude d'impact » (art. L. 311-10-3 du Code de l’énergie).

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