Jurisprudence

Urbanisme commercial : quand une commune peut attaquer ses propres décisions

La commune d’implantation d’un projet commercial ne peut pas contester l’avis de la CDAC ou de la CNAC émis dans le cadre de la procédure de délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale. Mais elle peut exercer un recours contre le refus de permis pris par le maire.

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Une commune peut attaquer la décision qu'elle prend en matière de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.
Urbanisme
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2022/01/24N°440164

Voici un arrêt particulièrement important, rendu le 24 janvier 2022 par le Conseil d’État, qui précise la procédure en matière d’urbanisme commercial. Il exclut le recours de la commune d’implantation du projet contre l'avis de la commission et fixe les modalités du recours contre le permis valant autorisation commerciale.

Une société dépose une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (AEC) en vue de la création d’un hypermarché d’une surface de vente de 2 500 m2 et d’un point permanent de retrait d’achats au détail. La commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) émet un avis défavorable, estimant les dimensions du projet excessives au regard des commerces environnants. Le maire de la commune d’implantation refuse de délivrer le permis, mais, désireux de voir se concrétiser le projet, exerce un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de l’avis rendu par la CNAC. La cour administrative d’appel fait droit à sa demande et annule l’avis défavorable de la CNAC. Cet arrêt est censuré par le Conseil d’État.

Effet Pinel

Jusqu’au 15 février 2015, date d'entrée en vigueur de la loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises du 18 juin 2014, dite loi Pinel (art. 39 et suivants), les avis des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) et de la CNAC étaient considérés comme des actes faisant grief. Ils étaient ainsi susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Le régime issu de la loi Pinel change la donne des projets nécessitant à la fois la délivrance d’un permis de construire et d’une AEC. Le permis tient lieu en effet d’autorisation au titre du Code de commerce dès lors que la demande a préalablement reçu un avis favorable de la CDAC ou, si elle est saisie, de la CNAC. A défaut, le permis de construire ne peut être délivré (C. urb., art. L.425-4). L'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme est liée par l’avis de la CDAC ou de la CNAC relatif à l'autorisation d'exploitation commerciale.

Acte préparatoire

Dès lors, cet avis, requis dans le cadre de l’instruction de la demande d'autorisation d’urbanisme, constitue un acte préparatoire à la décision prise par l’autorité administrative sur la demande de permis de construire valant AEC. Or, en urbanisme comme dans d’autres domaines du droit, le recours pour excès de pouvoir n’est recevable qu’à la condition d’être dirigé contre une mesure constitutive d'une véritable décision. Par conséquent, le juge administratif ne peut pas contrôler les actes dits préparatoires. Leur légalité  ne peut être contestée que dans le cadre d’un recours formé contre les décisions qui en procèdent. En conséquence, les avis des CDAC et CNAC, qu’ils soient favorables ou défavorables, ne peuvent plus être contestés.

S’attaquer soi-même

Le pétitionnaire ou toute personne ayant intérêt à agir ne peut déposer un recours pour excès de pouvoir que, selon les cas, contre le permis de construire tenant lieu d’AEC ou contre le refus opposé à la demande de permis. Le Conseil d’Etat vient juger dans son arrêt du 24 janvier 2022 que ce n’est pas parce que l'autorité exécutive locale est en situation de compétence liée qu’elle détient un pouvoir différent des autres requérants possibles. Cette règle vaut pour tous, y compris pour le maire de la commune d'implantation du projet. Ce dernier n'est pas recevable à demander l'annulation de l’avis d’une CDAC ou de la CNAC. Le seul recours qu’il peut exercer est la contestation de sa propre décision relative à la demande de permis valant AEC. Il peut agir, précise l’arrêt, sans avoir à exercer un recours administratif préalable obligatoire devant la CNAC comme l’y autorise l’article L. 752-17, al. 3 du Code de commerce.

Intérêt à agir

Encore faudra-t-il dans ce cas que le recours vise la décision uniquement en tant qu'elle se prononce sur l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée et que la commune justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir. Ce qui signifie, par application des dispositions de l’article L. 600-1-4 du Code de l’urbanisme, que le maire de la commune d’implantation du projet n’invoque, à l’appui de sa requête, que des moyens relatifs à la méconnaissance des dispositions du Code de commerce, à l’exclusion de tout motif portant sur la régularité du permis en tant qu’autorisation de construire.

CE, 24 janvier 2022, n° 440164, mentionné aux tables du Lebon

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