Le régime transitoire de la loi «Pinel» n'a pas épuisé tous ses effets

Urbanisme commercial - Dans deux arrêts du 27 janvier 2020, le Conseil d'Etat précise sa jurisprudence relative aux contentieux des autorisations d'exploitation commerciale.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
PHOTO - 21222_1287491_k2_k1_2999673.jpg

Cinq ans après l'entrée en vigueur de la réforme de l'urbanisme commercial introduite par la relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dite « », l'application du régime transitoire nourrit toujours le contentieux des autorisations d'exploitation commerciale (AEC).

Actes préparatoires. Pour rappel, depuis l'entrée en vigueur de la réforme le 15 février 2015, le permis de construire tient lieu d'AEC, dès lors que le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), conformément à l'article L. 425-4 du Code de l'urbanisme. Désormais, ces commissions ne rendent plus de décisions mais des avis, dans le cadre de l'instruction du permis de construire lorsque celui-ci est nécessaire pour la réalisation du projet.

Ces avis ont le caractère d'actes préparatoires, dont la légalité n'est plus susceptible d'être contestée en tant que telle, mais seulement lors d'un recours formé à l'encontre du permis, dont la compétence relève des cours administratives d'appel (CAA).

Régime transitoire complexe. L', dans sa version issue de la dite « loi Macron », est venu préciser que « pour tout projet nécessitant un permis de construire, l'autorisation d'exploitation commerciale, en cours de validité, dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015 vaut avis favorable des commissions d'aménagement commercial ». A cet égard, plusieurs cas de figure sont susceptibles de se présenter selon la date à laquelle est intervenue l'AEC. Cette multiplicité aboutit à l'application d'un régime transitoire complexe donnant lieu à des appréciations divergentes des juridictions du fond, que le Conseil d'Etat est venu progressivement trancher (1).

Deux nouveaux arrêts (, mentionnés aux tables du recueil Lebon) viennent encore enrichir les solutions précédemment dégagées et montrent que, malgré la simplification annoncée, la réforme s'est finalement avérée plutôt compliquée à mettre en œuvre.

AEC délivrée avant la réforme et réexamen intervenu après

Dans le premier arrêt (n° 423529), une CDAC avait autorisé, le 17 septembre 2013, un projet d'ensemble commercial, autorisation annulée le 18 décembre 2013 par la CNAC. Cette dernière décision a elle-même été annulée par la CAA. Ressaisie du dossier, la CNAC l'a finalement autorisé le 3 mars 2016. Le permis de construire a, lui, été délivré le 9 mai 2017.

Des sociétés concurrentes au projet, à l'origine du recours devant la CNAC, ont introduit devant la CAA une requête en annulation dirigée contre la décision du 3 mars 2016, et une autre contre le permis de construire, en tant qu'il tenait lieu d'AEC. La CAA a rejeté les deux requêtes, la première pour irrecevabilité, au motif que l'acte attaqué n'était pas susceptible de recours et que seul le permis de construire valant AEC pouvait être attaqué ; et, la seconde, sur le fond. Les requérantes se sont pourvues en cassation à l'encontre du second arrêt.

Modification substantielle. Statuant sur ce pourvoi, le Conseil d'Etat censure l'arrêt d'appel, au motif que la décision de la CNAC prise sur réexamen, bien qu'intervenue après le 15 février 2015, avait « le caractère, non d'un avis, mais d'une décision ». En conséquence, seule cette décision pouvait être contestée en tant que telle - et non dans le cadre d'un recours dirigé contre le permis de construire - « à la condition qu'il n'ait été apporté au projet aucune modification substantielle au regard des règles dont la commission nationale doit faire application », ce qui était le cas.

Pourtant, si la décision initiale de la CNAC avait bien été prise avant le 15 février 2015, la seconde, ainsi que le permis de construire, sont intervenus après. Dans un arrêt de 2018, le Conseil d'Etat avait déjà précisé que, dans ce cas, la décision de la CNAC pouvait être contestée directement, mais il n'excluait pas expressément qu'elle puisse l'être également dans le cadre du recours dirigé contre le permis de construire (, publié au Recueil).

Régime de la décision initiale. L'arrêt du 27 janvier 2020 confirme que la décision de la CNAC, prise sur réexamen du projet, conserve le régime attaché à sa décision initiale dès lors qu'en l'absence de modification substantielle du projet, la commission s'est prononcée sur la même demande.

A contrario, il faut comprendre que, lorsque des modifications substantielles sont apportées au projet, la décision de la CNAC, lors de son réexamen, porte en réalité sur une demande différente. Celle-ci intervenant après l'entrée en vigueur de la réforme, elle revêt le caractère d'un avis qui ne pourrait alors, être contesté que dans le cadre d'un recours dirigé contre le permis de construire.

Permis initial délivré avant la réforme et permis modificatif délivré après

Dans le second arrêt du 27 janvier 2020 (n° 422287), le permis de construire de l'immeuble devant accueillir le projet soumis à AEC avait été accordé le 1er mars 2013. Il avait fait l'objet de deux permis modificatifs (PCM), délivrés les 24 novembre 2014 et 9 février 2016, soit, pour le second, postérieurement à l'entrée en vigueur de la réforme.

Le 11 octobre 2016, la Cnac a rejeté un recours contre une AEC autonome délivrée par une CDAC le 30 mai 2016. Cette décision de la CNAC a ensuite été attaquée devant la CAA. La requérante soutenait qu'elle était illégale au motif qu'un permis de construire valant AEC aurait dû être sollicité et que, par conséquent, sa demande d'AEC était irrecevable.

Régime juridique du permis initial. La CAA a rejeté la requête, retenant que le projet soumis à AEC ne nécessitait pas un nouveau permis de construire, en l'absence de tout changement de destination de la construction initialement autorisée. Le Conseil d'Etat confirme l'arrêt et rappelle que, lorsqu'un projet soumis à AEC a fait l'objet d'un permis de construire délivré avant le 15 février 2015, ni ce permis, ni ses PCM, y compris ceux délivrés après cette date, ne tiennent lieu d'AEC.

L'arrêt ne livre pas tous les détails de l'affaire. Cependant, les termes dans lesquels il est rédigé laissent penser que le Conseil d'Etat entend, dans tous les cas, préserver le régime juridique attaché au permis de construire initial et considère que, dès lors que celui-ci ne tient pas lieu d'AEC, puisque délivré avant le 15 février 2015, les PCM qui lui sont rattachés non plus.

Cette solution remet ainsi en cause l'hypothèse où les modifications du projet, portant à la fois sur le volet commercial et le volet urbanistique, conduisent à solliciter concomitamment une AEC et un permis de construire modificatif, dans le cadre d'un PCM tenant lieu d'AEC. La CAA de Lyon s'était déjà prononcée en ce sens dans une affaire où le permis initial avait, lui aussi, été délivré avant l'entrée en vigueur de la réforme ().

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires