Alerte sur les 740 000 copropriétés de France. Pour les 1 194 en administration provisoire, il est sans doute trop tard. « Il faudra huit à quinze ans pour les sortir de la difficulté », assure Olivier Safar, président de QualiSR et président adjoint de l’Union des syndicats de l'immobilier (Unis).
Mais pour les autres, en particulier les 27 000 copropriétés affichant un taux d’endettement supérieur à 50%, le risque d’impayés est à prendre plus que jamais au sérieux, en raison d’un contexte inédit.
Premier élément perturbateur, commenté depuis 2020 : la crise sanitaire - dont on ne voit pas le bout - a retardé les votes en assemblée générale des copropriétaires pour acter la rénovation de leur immeuble.
Le deuxième, plus prévisible : la loi Climat et Résilience. Marqueur du quinquennat Macron en matière de logement, ce texte promulgué l’été dernier interdit d’augmenter les loyers des biens les plus énergivores à partir d’août 2022 et leur mise en location à partir de 2025.
Inévitable « mur de travaux »
D’où cet inévitable « mur de travaux » de rénovation énergétique qui s’annonce difficile à escalader pour les immeubles datant « des années 60 à 80 », annonce Olivier Safar. Et d’avertir : « Leur obsolescence s’est accélérée ces cinq dernières années car ils n’ont pas été construits en pierre de taille qui dure cent ans. »
A cette nécessité de réaliser des travaux, ajoutez enfin une crise économique qui a davantage profité aux milliardaires français (selon Oxfam) et les premiers signes d’inflation qui pèsent sur la majorité des foyers français, comme le reconnaît le gouvernement. En témoigne le versement, en cours, de la « prime inflation » à 38 millions d’actifs, inactifs, retraités… percevant moins de 2 000€ net par mois.
Ce cocktail explosif doit inciter les syndics à adopter de bonnes pratiques en matière de lutte contre les impayés, ont souligné le 26 janvier l’association QualiSR, dont onze membres sont certifiés « syndics de prévention et de redressement », ainsi qu’un collège d’experts composé d’avocats et autres professionnels qualifiés dans le domaine du redressement de copropriétés asphyxiées.
Intégrer les charges et les travaux dans le financement bancaire
Leur première proposition, parmi les 20 présentées en conférence de presse : « prévenir plutôt que redresser, c’est d’abord mieux informer les candidats à la propriété », résume José de Juan Mateo, directeur délégué de Procivis immobilier et vice-président de QualiSR.
Concrètement ? « Informer le futur copropriétaire qu’en plus de son emprunt, il y aura des charges à payer, explique le dirigeant. Il faut les intégrer dans le financement bancaire. Les prévisions de travaux, dans le cadre du plan pluriannuel de la copropriété, doivent également être connues par l’acquéreur. »
Sur ce point, la loi Climat et Résilience semble produire ses premiers effets. « Les banques ne se rendent compte que maintenant des éventuelles difficultés » liées à la classe énergétique du logement à acquérir, et des travaux à prévoir qui risquent de peser sur les finances du néo-copropriétaire, observe Olivier Safar.
« Mobiliser les fournisseurs dans la chasse au gaspillage »
Autre idée, concernant la maîtrise des charges : le syndic doit « mobiliser les copropriétaires et les fournisseurs dans la chasse au gaspillage, au nom de l’entretien des biens », souligne José De Juan Mateo.
Prévention rime aussi avec pédagogie « sur le support qui établit le montant des charges », poursuit-il. « Un appel de charges avec du débit-crédit, c’est complexe pour la majorité des copropriétaires qui n’ont pas la culture comptable », ajoute-t-il. Selon lui, les informations-clés du montant net à payer et de la date butoir de paiement doivent être mises en avant afin d’éviter des retards.
Et quand le mal est fait ? Rien de nouveau dans le chapeau de QualiSR : conciliation doit être le maître-mot. « Si le dispositif de pression est important, l’automaticité de procédure judiciaire après les relances et mises en demeure n’est pas forcément bienvenue », note Alain Papadopoulos.
Le secrétaire général de QualiSR suggère de « proposer des paiements par échelonnement sur une durée maximale de deux ans », ce que ne permet pas la législation. « Les syndics le font largement, en prenant plusieurs chèques. C’est illégal mais pratique », confie-t-il. En parallèle, il faut aussi convaincre les autres copropriétaires de compenser, ce qui est « très désagréable, difficile à comprendre », concède-t-il.
Former les administrateurs judiciaires
Dans ce genre de situations inédites, le syndic doit jouer la carte de la transparence. « Dans certaines copropriétés, les habitants se mettent en retrait avec leurs ennemis ou leurs amis, analyse Olivier Safar. Mais si on ne leur dit pas que le copropriétaire en difficulté vient de divorcer… Ce genre d’information peut débloquer des situations. »
Autre chantier, sur le terrain de la justice : l’accélération de la phase contentieuse. « Dans certaines régions, il faut attendre 14 ou 17 mois pour passer au tribunal, estime Olivier Safar. Entre temps, la dette a augmenté et le copropriétaire enclin à ne pas payer a fait appel. » Comptez alors « trois à quatre ans » pour recouvrer les sommes dues. Conclusion : des moyens humains et financiers supplémentaires sont nécessaires pour réduire les délais de justice.
Dans son viseur également : les administrateurs judiciaires. Habitués à ausculter des entreprises en état de cessation de paiements, ces derniers « n’ont pas tous la capacité d’accompagner les propriétaires individuellement ». D’où ce besoin de « formations », insiste-t-il, pour mieux connaître les copropriétés.