En 2019, il y a des dossiers qui ont été compliqués pour votre groupe, le pont Simone-Veil en fait partie…
Concernant le pont, la médiation a finalement été homologuée par le tribunal administratif fin 2019. Ce qui est logique et rassurant. Elle n’était pas obligatoire et — pour tout vous dire — initialement, je trouvais que l’avenant était suffisant. En appel, nous avons soutenu la position de Bordeaux Métropole.
« Le constructeur est enfermé dans un CCAP et un CCTP »
Avec plus de recul, quel est votre ressenti aujourd’hui ?
C’est décevant d’en arriver là. Mais très franchement, je pense qu’il n’y avait pas d’autre solution. Il faut bien voir que quand on est dans des marchés publics, le constructeur est enfermé dans un CCAP et un CCTP qui nous obligent à respecter ce qui est fixé.
Dans le cas du pont Simone-Veil, les variantes de fond n’étaient pas autorisées et le problème porte sur les fondations et la réalisation du batardeau. Comment peut-on sortir de ça ? Soit la métropole était prête à payer ce que ça coûtait en plus, soit on trouvait une sortie comme on l’a fait.
Comment expliquez-vous aujourd’hui les travaux supplémentaires que vous avez demandés ?
La rapidité de survenance du phénomène d’affouillement et donc le risque que ça représentait pour la stabilité de l’ouvrage n’a pas été mesurée.
Comment cette erreur a-t-elle été possible ?
Ce n’est pas à moi de donner un avis là-dessus, mais ce sont des dossiers très techniques et le mandataire de la maîtrise d’œuvre est un architecte. Je suis désolé de le dire, mais il ne s’agit pas d’un ouvrage architectural, c’est avant tout un ouvrage technique. La partie études pour les fondations a été souscrite à Egis. J’ignore les missions d’Egis, mais à mon sens, le problème est plus contractuel. N’aurait-il pas été mieux de le faire en conception-réalisation ? On peut se poser la question pour ce type d’ouvrage.
Avez-vous l’intention de retenter l’expérience en répondant à la consultation en cours pour la poursuite des travaux ?
Non. On ne va répondre à un marché pour lequel nous avons eu un avenant en réduction.
Localement, votre image a été écornée…
Je peux vous citer des ouvrages que nous avons réalisés en France, en Afrique comme un viaduc de plus de 2 km pour le métro de Rennes, un ouvrage au Cameroun… Le problème ne portait pas sur une question de faisabilité. La conception aurait pu la rendre meilleure. Ce n’est pas satisfaisant pour nous. Et finalement, la solution qui a été trouvée, l’a été de manière rapide.
Autre dossier… l’opération Lumi, où en êtes-vous avec ce chantier arrêté depuis juillet dernier ?
Je m’en serais bien passé… Il y a une vraie responsabilité de maîtrise d’œuvre et de maîtrise d’ouvrage… On a un ouvrage avec un permis qui date de 2015 et qui est impropre à sa destination. Il y a des parties en ERP qui doivent être traitées dans un permis modificatif toujours pas délivré. C’est de la responsabilité de la maîtrise d’œuvre et de la maîtrise d’ouvrage.
On a deux jugements qui ont prononcé la suspension et les mettent en demeure de fournir un permis pour l’ensemble des travaux modificatifs qui n’ont pas été régularisés. On a été gentil sur cet ouvrage : on a plus de 100 OS modificatifs… On avait démarré une médiation sous l’égide du tribunal de commerce, mais il n’y a pas eu d’accord du fait de Clairsienne.
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Vous attendez le permis de construire modificatif ?
Aujourd’hui, il y a une expertise qui devrait démarrer. Je ne peux pas en dire plus. Nous sommes dans une impasse, mais ça ne veut pas dire qu’on ne trouvera pas de solution.
Eric Ferrari, directeur de Fayat Bâtiment, déclarait « on n’attendra pas un an ». Le confirmez-vous ?
Je ne peux pas me prononcer. Si c’est plus d’un an, ce sera plus d’un an. Je trouve que c’est regrettable, il y a quand même des logements sociaux qui doivent être construits.
Lors une audience, Clairsienne dénonçait une stratégie, vous accusant de sous-estimer la facture lors de l’appel d’offres pour augmenter une fois le marché remporté…
C’est le discours récurrent de certains maîtres d’ouvrage à notre encontre ou à l’encontre des concurrents. On a chiffré un ouvrage avec un permis de 2015. On ne peut pas chiffrer quelque chose qui est dans le cadre d’un permis modificatif. Et quand il y a plus de 100 OS modificatifs à plus de 30 % du gros œuvre, ça renchérit le coût.
« Dans notre métier, qu’est-ce qui est important ? La sécurité sur nos chantiers, la qualité des ouvrages que l’on réalise. »
Est-ce une situation exceptionnelle ?
Oui. Clairsienne n’aurait jamais dû lancer cette opération avec cette problématique de permis de construire modificatif qui n’était pas instruit. Il faut revenir aux fondamentaux. Dans notre métier, qu’est-ce qui est important ? La sécurité sur nos chantiers, la qualité des ouvrages que l’on réalise. Là encore, il faut faire des conceptions-réalisations ! Dans le cas présent, je suis responsable de ce qu’il y a à exécuter sur les plans.
Eprouvez-vous tout de même des satisfactions dans la région ces derniers mois ?
Nous livrons actuellement notre programme mixte Insight quai Deschamps. C’est une opération majeure : 10 000 m2 de bureaux et 10 000 m2 de logements dont la moitié en social avec ICF. La moitié des bureaux est occupée par notre groupe et l’autre moitié a été vendue en Vefa à l’Etat pour installer certains de ses services.
Vous avez également inauguré le parc Ausone à Bruges.
Ce parc de 11 ha a été réalisé dans le cadre de l’opération de 800 logements et rétrocédé à la collectivité. C’est un programme très étalé, nous n’avons pas l’impression d’être dans du collectif. C’est assez représentatif de ce que l’on veut promouvoir.
D’autres opérations ?
Le programme mixte de quatre bâtiments avec hôtel, cinéma (13 salles), 4 000 m2 de commerces, parking silo et résidence hôtelière Quai des Caps est lancé ; 700 logements à Floirac autour de la halle Desse ; A Mérignac, on a racheté les concessions Peugeot et Citroën et on a trouvé un accord avec des associations pour qu’elles occupent la concession durant deux ans, via une convention. Il s’agit de partager cet espace le temps d’avoir les autorisations, PC, etc. Autant que cela soit occupé.
Avez-vous le sentiment qu’il y a une émulation dans Bordeaux Métropole autour de la construction de logements ?
Oui, cela nous oblige à évoluer pour faire du logement qualitatif. Ainsi, nous avons fait un îlot complet en bois à Bruges, alors que nous ne sommes pas du tout orientés bois ; nous envisageons la même chose à Floirac. Toujours à Bruges, nous avons prévu de mutualiser certains logements quand les habitants n’ont pas la place de recevoir des amis chez eux, par exemple. Pour nos bureaux rive droite, nous les avons conçus avec des balcons « végétalisés », nous avons repensé les espaces de travail, même chose pour les logements… Sur le stationnement également, pour gagner de la place, on va faire intervenir des services avec de la location de véhicules, des solutions pour des voitures partagées…