Interview

Retards de paiement : « Nous menons un travail pour remédier aux délais cachés », Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises

Le secteur du BTP s'inquiète d'une hausse des retards de paiement des collectivités territoriales. Du point de vue de la Médiation des entreprises, les signaux ne sont pas encore au rouge, mais des difficultés relatives au point de départ des délais de paiement des marchés publics persistent.

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Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises

La Médiation constate-t-elle une remontée des retards de paiement côté collectivités territoriales ?

Qu’il y ait une tension générale dans le monde du BTP, oui, nous le voyons dans le cadre du comité de crise dédié qui agit depuis trois ans. En cause, le Covid, la pénurie de matériaux, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, etc. Que cela génère des tensions sur les délais de paiement en général, les acteurs nous le disent aussi. En revanche, que cela concerne particulièrement le secteur public, nous n’avons pas de remontées en ce sens. Et d’ailleurs les personnes publiques sont moins soumises que le privé aux difficultés évoquées ci-dessus et aux problèmes de trésorerie. Aucune flambée constatée, en tous cas, des demandes de médiation sur les retards de paiement des collectivités.

En revanche, la hausse des prix des matières premières engendre de nombreuses renégociations des contrats, qui décalent mécaniquement la facturation, et donc le paiement. Nous avons beaucoup de demandes de médiation sur ces renégociations.

Certains pointent le portail unique de facturation électronique, Chorus pro, comme contribuant à certains retards, qu’en pensez-vous ?

Il me semble que les difficultés du début, en termes d’appropriation par les utilisateurs et d’améliorations du portail, ont été bien aplanies. Le bilan est largement positif par rapport à la facturation papier d’avant ! Le dispositif permet d’éviter les pertes de courrier, le mauvais adressage, et de suivre de bout en bout sa facture.

La hausse des prix des matières premières engendre de nombreuses renégociations des contrats, qui décalent mécaniquement la facturation

Reste le problème des délais cachés…

Il n’est pas nouveau et perdure en effet ! Pour être payé, encore faut-il pouvoir facturer ; tant que ce n’est pas fait, les trente jours de délai de règlement ne courent pas… Et cela concerne particulièrement les marchés publics car la date de départ du délai est celle de l’enregistrement de la facture, ce qui suppose qu’elle comporte tous les éléments requis.

Nous menons actuellement un travail avec la Direction des affaires juridiques de Bercy et l’Observatoire économique de la commande publique ainsi que diverses organisations professionnelles - dont la FNTP - pour dégager de bonnes pratiques en matière de délais cachés dans les marchés publics de travaux. Le sujet est complexe car il touche à des questions juridiques et de processus, et nous cherchons le consensus. Quand on soulève un caillou, on en trouve deux autres en dessous, ce travail va prendre un peu de temps.

Faut-il étendre le name & shame aux acteurs publics ?

Cet outil peut être utile mais je ne suis pas très fan. Je préfère convaincre les acteurs de bien faire et les accompagner en ce sens. Nous avions à l’inverse fait du name & fame lors de la crise du Covid, afin de mettre en valeur les meilleurs payeurs.

Que peut faire une collectivité qui a du mal à payer vite ?

Première chose, le respect de la loi est primordial, il faut au moins payer à l’heure. Pour cela elle peut se faire accompagner par la Médiation, et travailler sur ses délais cachés. Ensuite, elle peut mettre en place des outils pour améliorer la trésorerie de ses fournisseurs, tel le « paiement fournisseurs anticipé » (autrefois appelé affacturage inversé). Il est encore sous-utilisé hélas, bien que la loi Pacte ait rassuré les acheteurs en confirmant la possibilité d'y recourir dans la commande publique. J’apprécie ce dispositif car c’est un outil de confiance, on est loin du name and fame. Avec la remontée des taux d’intérêt, il reprend tout son sens.

Et que peut faire une entreprise qui n’est pas payée dans les temps par son client public ?

Solliciter une médiation bien sûr ; ou saisir le comité de crise du BTP, si un maître d’ouvrage se met à dysfonctionner de manière structurelle. Ces solutions permettent de ne pas se fâcher avec le client, d’agir dans un climat de confiance et de confidentialité. Lorsqu’il n’y a plus de confiance, restent toujours les mécanismes de recouvrement, la saisine du préfet, etc.

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