Les rangs étaient plutôt clairsemés, et les mines moroses, dans les couloirs du Carrousel du Louvre, où s’est tenu les 4 et 5 décembre le 77e congrès annuel de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), qui réunit administrateurs de biens, syndics de copropriétés ou encore agents immobiliers.
Dans la grande salle où se tenaient les débats, en revanche, l’affluence était forte avant la prise de parole de Patrice Vergriete. Le ministre du Logement a accepté un face-à-face tendu (et chronométré, avec une ressemblance assumée avec un débat télévisé présidentiel) pendant une heure avec Loïc Cantin, président de la Fnaim.
Pas touche au calendrier !
Sans surprise, les oppositions ont été les plus vives sur les objectifs de rénovation énergétique. Loïc Cantin a ainsi regretté l’absence d’études d’impact préalable à l’adoption de la loi Climat et résilience : « Le parc F et G, ce sont 200 Mds€ de travaux. Comment y parvenir ? », s’est interrogé Loïc Cantin, provoquant une longue salve d’applaudissements.
« On ne peut pas mettre en oeuvre ce plan de rénovation dans le temps imparti », a poursuivi, plus tard devant la presse, le président de la Fnaim. « 645 000 logements sont classés G et ne pourront plus être loués à partir de janvier 2025. Auxquels il convient d’ajouter les 150 000 logements classés G+. Si on reporte le calendrier, on ne fait que déplacer le problème dans le temps. Le même problème se posera à nouveau », a assumé le ministre.
Eviter l’attentisme
Devant la demande du président de la Fnaim de lancer un « plan Marshall pour la formation à la rénovation dans la filière bâtiment », Patrice Vergriete a botté en touche, en proposant un « un prêt collectif copropriété dédié à la rénovation ». Loïc Cantin lui a également suggérer d’inciter les banques à privilégier des prêts comprenant le montant des travaux de rénovation énergétique pour l’acquisition de logements classés G. Pas de réponse convaincante…
La sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes Dominique Estrosi-Sassone, invitée à intervenir en amont du duel Cantin-Vergriete, a eu davantage de succès auprès du public en proposant une « révision du DPE pour les petites surfaces », ainsi qu’un moratoire sur le bâti datant d’avant 1948. Une proposition largement saluée par les professionnels de l’immobilier. En revanche, elle a plaidé pour que le calendrier reste inchangé : « nous devons éviter l’attentisme sur la rénovation», a-t-elle insisté. « Le ministre que je suis a besoin de vous pour la rénovation énergétique. Seul, je ne peux rien faire », a reconnu Patrice Vergriete.
« Ça ne me plaît pas d’être le ministre de la crise du logement »
Loïc Cantin a en outre profité de ce duel pour lister les souffrances et les attentes du secteur immobilier pris dans la tourmente en regrettant notamment le manque de soutien de l’Etat, visible selon lui dans l’absence de politique fiscale de soutien à la construction : « La vision de l’Etat sur le parc locatif m’inquiète, et votre déclaration sur le fait que l’immobilier doit être sevré de la drogue fiscale n’est pas pour rassurer les acteurs de l’immobilier », a insisté Loïc Cantin.
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« Ce qu’il ne faut pas faire, c’est ce qu’on faisait avant : des dispositifs fiscaux d’incitation locative, qui sont inefficaces, et qui produisent des opérations de promotion immobilière financées à 80% par de la défiscalisation », lui a répondu Patrice Vergriete, tout en reconnaissant vouloir multiplier par quatre la part des investisseurs institutionnels dans le logement. « Ça ne me plaît pas d’être le ministre de la crise du logement, on essaie de sortir par le haut de ces problèmes », a confié Patrice Vergriete.
300 000 logements sociaux sont des passoires thermiques
Quelque 300 000 logements sociaux, soit 6% du parc social, avaient au 1er janvier 2022 une étiquette énergétique F ou G, correspondant aux passoires thermiques, selon une étude de l'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) publiée mardi 5 décembre. Selon cette étude, 1% du parc social, soit 50.000 logements environ, correspondait à l'étiquette G, la moins performante, et 5% à l'étiquette F. Les bailleurs sociaux n'échappent pas au calendrier fixé par la loi Climat et résilience de 2021, qui prévoit d'interdire la mise ou remise en location des logements les plus énergivores: ceux étiquetés G à partir de 2025, puis les F en 2028 et les E en 2034. L'étiquette E représente quant à elle 15% du parc social, composé d'environ cinq millions de logements, selon cette étude. Plus des deux tiers du parc sont étiquetés C (33%) ou D (38%), tandis que les classes énergétiques les plus performantes sont très sous-représentées, avec respectivement 1% de logements A et 5% de B, en grande majorité construits après 2010.