Les bailleurs sociaux disent depuis plusieurs années manquer de fonds propres pour relever le double défi de construction-rénovation.
Sur la décarbonation du parc HLM, l’organisme qui les contrôle n’est pas du même avis : « 63% des bailleurs contrôlés disposent d’une capacité financière satisfaisante pour rénover tous leurs logements E, F et G selon les délais réglementaires », assure l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), dans un rapport publié le 25 mars.
Pour l’établissement public, qui a interrogé l’an dernier « les 30 bailleurs (750 000 logements) les plus susceptibles de rencontrer des difficultés face aux échéances de la loi Climat et résilience », le principal enjeu est donc technique.
Des outils à disposition
Le premier frein concerne l’identification des logements énergivores à traiter et donc la programmation des travaux. « Seulement 40% des 30 bailleurs contrôlés disposent d’une connaissance satisfaisante de leur parc et de sa cartographie énergétique », affirme l’Ancols.
Parmi ses recommandations pour y remédier, citons la généralisation de l’utilisation de l’outil gratuit PrioRéno ainsi que de « la mise en place d’outils de gestion technique du patrimoine dans le cadre d’une démarche globale BIM, avec l’appui de leur groupe le cas échéant »
Le deuxième frein identifié est opérationnel. Moins d’un tiers des bailleurs du panel est suffisamment outillé pour éradiquer les passoires thermiques de son patrimoine. L’Ancols pointe « une performance et un dimensionnement insuffisants de la maîtrise d’ouvrage, principal frein à la rénovation énergétique du parc ».
D’où cette idée de « mutualiser davantage l’activité de maîtrise d’ouvrage soit au sein des groupes d’organismes de logement social soit par le concours de groupements d’intérêt économique » comme des sociétés de coordination, suggère-t-elle.
La solution : « un endettement accru »
Enfin, comme annoncé l’an dernier par « Le Moniteur », le calendrier de traque aux passoires thermiques est difficile à respecter, même pour les bailleurs sociaux, les meilleurs élèves du pays. Ainsi le groupe 3F (Action Logement), parmi les mieux notés par l’Ancols, présente « quelques retards à la marge en raison d’un parc détenu à 25% en copropriété ».
Il s’agit ici principalement de logements G situés dans des immeubles où il faut convaincre les autres copropriétaires (particuliers) de lancer des travaux qui permettent une amélioration de la note du diagnostic de performance énergétique (DPE).
Outre la rénovation, les leviers de la démolition et de la vente de logements énergivores non traités dans les délais réglementaires peuvent être actionnés. Est-ce envisagé par l’Office public de l’habitat (OPH) de l’Orne ? Celui-ci « a les moyens de rénover ses F et ses G » mais doit « trouver des solutions sur les E dont l’intégralité ne pourrait être traitée que fin 2036 compte tenu de ses moyens financiers actuels », pointe l’Ancols, qui recommande « un endettement accru ».
Avec un taux du Livret à 2,4% depuis le mois dernier, et non plus à 3%, cette option pourrait être envisagée. La majorité des emprunts des organismes HLM sont indexés sur celui-ci.
Selon la dernière estimation gouvernementale de janvier 2024, le parc social français comptait 300 000 passoires thermiques, c’est-à-dire étiquetées G ou F, donc visées par une interdiction de mise en location respectivement en 2025 et 2028. Dans le parc locatif privé, il y en avait quatre fois plus. Pour les E, plus nombreux, leur sortie du parc locatif (social et privé) est prévue en 2034.