Près de trois ans après sa création, le droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte (DPRTC) va enfin pouvoir être mobilisé. Un décret du 27 juin 2024 définit en effet les modalités d’application du dispositif qui doit permettre aux communes exposéesd'acquérir des biens situés dans les zones concernées, en vue d'en assurer la renaturation avant leur disparition, et de pouvoir éventuellement autoriser à titre temporaire un usage ou une activité compatible avec son niveau d'exposition (nouveaux art. R. 219-1 et suivants du Code de l’urbanisme). Ce dispositif est institué au bénéfice des communes ou EPCI compétents qui intègrent une cartographie des zones exposées au recul du trait de côte à horizon 0-30 ans et 30-100 ans dans leur document d'urbanisme (art. L. 219-1 du code).
Délibération pour la zone 30-100
Ce DPRTC s’applique à toute la zone exposée au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans et peut s’appliquer sur tout ou partie de la zone exposée à un horizon compris entre 30 et 100 ans, si la commune ou l’EPCI délibère en ce sens. Le décret du 27 juin précise notamment les conditions d'affichage, de publication et de communication de ladite délibération « en s'inspirant de celles de droit commun applicables pour les autres droits de préemption prévus au Code de l'urbanisme », précise la notice du texte.
Le maire ou le président de l'EPCI doit adresser sans délai au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, à la chambre départementale des notaires, aux barreaux constitués près les tribunaux judiciaires dans le ressort desquels est institué le DPRCT et au greffe des mêmes tribunaux, copie des actes ayant pour effet d'instituer ou de supprimer ce droit de préemption ou d'en modifier le champ d'application.
DIA, pièces complémentaires et visite du bien
Le décret détaille également la procédure de déclaration d’intention d’aliéner (DIA) par le propriétaire du bien : envoi en trois exemplaires à la mairie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou déposée contre décharge, ou adressée par voie électronique en un seul exemplaire. Une copie de cette déclaration doit également être adressée au directeur départemental ou régional des finances publiques. Si la commune a délégué son droit, elle doit transmettre sans délai la DIA au délégataire.
Rappelons que la DIA doit comporter l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix. Lorsque la contrepartie de l'aliénation fait l'objet d'un paiement en nature, la déclaration doit mentionner le prix d'estimation de cette contrepartie (art. L. 219-6 du Code de l’urbanisme).
Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la DIA vaut renonciation à l'exercice de ce droit. Pendant ce délai, la commune ou l’EPCI peut demander au propriétaire du bien des documents (diagnostic technique prévu par l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation ; informations environnementales liées à un éventuel sinistre ; avant-contrat ; bail ; servitude ; documents d'expertise, devis ou diagnostics, établis à l'occasion ou en prévention d'un sinistre lié à l'exposition du bien au recul du trait de côte…) permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière.
Enfin, le décret précise les conditions dans lesquelles le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien et, si le propriétaire accepte, les conditions dans lesquelles cette visite doit avoir lieu.
Articulation avec les autres droits de préemption
L’application du DPRTC sur ces zones fait que le droit de préemption urbain (art. L. 211-1 du Code de l’urbanisme), le droit de préemption lié aux zones d’aménagement différé (art. L. 212-2 du Code de l’urbanisme) et le droit de préemption commercial (art. L. 214-1 du Code de l’urbanisme) pour les aliénations à titre onéreux de terrains, ne s’appliquent pas. En revanche, dans ces mêmes zones, le DPRTC peut s'exercer en coopération avec les Safer sur les biens immobiliers non bâtis à usage ou à vocation agricole ainsi que les bâtiments d'exploitation agricole.
A noter enfin que ce DPRTC ne peut primer le droit de préemption sur les espaces naturels sensibles (art. L. 215-1 et suivants du Code de l’urbanisme).