Interview

Littoral : « Autoriser une construction pour la démolir trente ans plus tard peut paraître paradoxal », Johanna Leplanois, avocate associée, cabinet DLGA

L'avocate en droit de l'environnement et de l'urbanisme livre son analyse des dispositions de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 relatives à la gestion du recul du trait de côte.

 

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« L’érosion côtière est désormais considérée comme un risque différencié avec une réglementation propre », explique l’avocate.

Quelles sont les principales mesures adoptées pour lutter contre l'érosion côtière ?

La loi crée un droit de préemption spécifique à destination des communes exposées, ainsi qu'un contrat de bail réel immobilier. L'obligation d'information préventive est en outre renforcée en matière immobilière. Dès 2023, le vendeur/bailleur devra, dès la publication de l'annonce, et non plus lors de la signature de la promesse de vente ou du bail, informer le futur acquéreur/locataire que le bien est exposé à un risque du recul du trait de côte.

Outre ces mesures, la loi est une avancée puisqu'elle affirme pour la première fois la nécessité de prévenir spécifiquement ce risque.

Et côté planification ?

La loi transfère aux collectivités la prise en charge du recul du trait de côte, jusque-là traité par l'Etat dans le cadre des plans de prévention des risques littoraux (PPRL). Les communes devront délimiter dans leurs PLU des zones exposées au recul du trait de côte d'ici à trente ans (zones 0-30) ainsi qu'entre trente et cent ans (zones 30-100). L'érosion côtière n'est plus considérée comme un risque naturel prévisible comme le sont les inondations, mais comme un risque différencié avec une réglementation propre. Cela pose un problème de lisibilité.

Quelles conséquences sur les constructions ?

Dans les zones 0-30, qui correspondent aux secteurs les plus exposés, seuls seront autorisés dans les espaces urbanisés les travaux sur les constructions existantes, les installations nécessaires à un service public ainsi que les extensions à condition notamment qu'elles soient démontables. Dans les espaces non urbanisés seront uniquement permises les constructions ou installations démontables nécessaires à un service public. Dans les zones 30-100, les nouvelles constructions seront possibles, mais la loi prévoit leur démolition lorsque le recul du trait de côte sera tel qu'à horizon de trois ans, les personnes ne seront plus en sécurité.

N'est-ce pas paradoxal que de permettre l'édification d'immeubles et de prévoir leur démolition ?

Le recul du trait de côte est compliqué à anticiper de manière certaine. On sait qu'il va survenir mais l'on ne sait pas exactement ni quand, ni comment. Cela se traduit d'ailleurs dans la définition même des zones. Pourquoi avoir retenu 0-30 et 30-100 et pas 35 ou 40 ? Cela peut paraître paradoxal que d'autoriser une construction pour la démolir trente ans plus tard. En revanche, cent ans, c'est un horizon de vie.

L'important, ici, est que les personnes aient conscience qu'elles construisent dans un secteur qui a vocation à disparaître.

Du point de vue écologique, c'est peu responsable…

En effet, prise sous l'angle de l'urbanisme circulaire, cette disposition interroge. Le législateur aurait pu aller au bout de la démarche et n'autoriser, par exemple, que les constructions à faible impact sur l'environnement lors de la démolition.

Espérons que des décrets iront en ce sens.

Qui supportera le coût de la démolition ?

Il incombera au propriétaire du bien. Pour obtenir son autorisation, ce dernier devra consigner, auprès de la Caisse des dépôts, une somme représentant le coût prévisionnel de la démolition. Là encore, la loi fait prendre conscience aux pétitionnaires que la construction n'a pas vocation à perdurer et que le coût de la démolition et de la remise en état sera à leur charge.

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